Jordan Bardella a annoncé qu’il demanderait un grand « audit des comptes de la nation », s’il entre à Matignon.
Une initiative qui suppose que le Rassemblement national obtienne la majorité absolue aux élections législatives et que le président de la République le nomme Premier ministre.
Un grand audit ? Ce sera, en effet, nécessaire pour le nouveau gouvernement, à la fois pour se donner les moyens de gouverner et pour informer les Français de l’état des finances après sept années de macronisme. Les électeurs pourraient alors découvrir des réalités soigneusement cachées, comme le véritable déficit du système de retraite français.
Selon le haut-commissaire au Plan François Bayrou, intervenant sur France Inter le 29 janvier 2023, ce vrai déficit est dissimulé depuis plusieurs décennies par le Conseil d’orientation des retraites (COR), service du Premier ministre créé en 2000, théoriquement pour aider le gouvernement à piloter le système. Bayrou, président du MoDem et membre de la majorité présidentielle, expliquait que « le COR est une institution dans laquelle tous les partenaires sociaux sont engagés et qui, depuis longtemps, défend l’idée que ce n’est pas si grave que ça ». C’est un peu court, jeune homme ! Car le COR établit ses hypothèses à partir de données qui lui sont indiquées par le gouvernement. Autrement dit, à travers ce service, c’est le gouvernement lui-même qui truque les chiffres et ment aux Français.
Une déclaration embarrassante
En janvier 2023, le président du COR, Pierre-Louis Bras, n’était pourtant plus en odeur de sainteté auprès du Premier ministre Élisabeth Borne.
Il avait en effet affirmé, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 19 janvier 2023, que « les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme ».
En juin 2023, le COR devait faire état, dans son rapport annuel, d’un solde du système positif de 4,4 milliards d’euros en 2022 et 3,6 milliards en 2023. Mais la déclaration de Bras devant les députés était embarrassante, au moment où Élisabeth Borne tentait de convaincre le bon peuple de l’urgente nécessité de sa réforme. Le mensonge d’État lui retombait sur le nez. S’ensuivit une polémique au cours de laquelle l’inénarrable Bruno Le Maire reprocha au COR de modifier ses évaluations « tous les six mois » ; mais qui donc, sinon le ministère de l’Économie, lui fournit les éléments à partir desquels il bâtit ces évaluations ?En outre, comment oublier qu’en 2017, le candidat Emmanuel Macron, ministre de l’Économie sous François Hollande, affirmait que « le problème des retraites n’est plus un problème financier » ? Et qu’en mai 2018, encore, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, déclarait aussi que le système était « proche de l’équilibre » ? Ni l’un ni l’autre ne pouvaient pourtant ignorer l’ampleur d’un déficit réel qu’en février 2023, l’hebdomadaire Le Point estimait, avec le concours de l’association Sauvegarde Retraites, à quelque 65,1 milliards d’euros pour l’année 2021 ; et que l’ancien inspecteur général des finances Jean-Pascal Beaufret – auteur de plusieurs articles, notamment dans la revue Commentaires – a évalué à 68 milliards d’euros pour 2022. (Par comparaison, le budget de la Justice, en 2024, s’élève à 9,6 milliards d’euros…)
Au reste, ce déficit global est essentiellement creusé par les retraites des entreprises publiques et des fonctionnaires – à commencer par celles de la fonction publique de l’État « financées », si l’on ose dire, par le biais d’une subvention d’équilibre (39 milliards d’euros en 2021) et de prétendues « cotisations patronales » (10 milliards en 2021), l’une et les autres... fictives – c’est-à-dire recourant essentiellement à la dette.
Ce sont de telles réalités que la Macronie s’apprête à léguer à ceux qui arriveront aux affaires après elle. Emmanuel Macron est trop heureux de repasser à d’autres la patate qu’il a fait chauffer, en comptant bien qu’ils s’y brûleront les doigts. C’est sans doute ce qu’il appelle leur balancer « une grenade dégoupillée dans les jambes ».
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