Même Emmanuel Macron, peu suspect de nostalgie envers les guerres coloniales, n’a pas pu faire autrement que de se fendre d’un tweet.
C’est vous dire à quel point Geneviève de Galard était une icône.
Ou alors, il doit y avoir, parmi ses « plumes », des gens plus cultivés, plus patriotes que lui, pour lui tirer la manche. L’ange de Ðiện Biên Phủ a rejoint le Paradis, à 99 ans, ce 30 mai 2024.
Geneviève de Galard était née dans une vieille famille originaire de Gascogne. Orpheline de père à l’âge de neuf ans, elle quitte, au tout début de la guerre, la capitale pour Toulouse, puis, à son retour, en même temps qu’elle étudie l’anglais à la Sorbonne, consacre son temps aux handicapés. La passion de servir et de consoler ne la quittera pas : infirmière, puis convoyeuse de l’air, elle a déjà une idée précise de ce qu’elle veut faire de sa vie. Ainsi, en mai 1953, alors que la IVe République se désintéresse petit à petit d’un conflit colonial qui s’enlise, elle demande à être affectée en Indochine et débarque à Hanoï, d’où elle s’occupe d’organiser les évacuations sanitaires des soldats malades ou blessés au feu - dont, dès janvier 1954, ceux de Ðiện Biên Phủ.
Le "courage tranquille"
En mars, la situation devenant très difficile dans la tristement célèbre cuvette, elle doit être déposée sur place. Son avion est détruit. Il lui faut rester. Elle choisit de servir comme infirmière à l’hôpital de campagne. Seule femme du détachement médical, elle fait très rapidement l’admiration de tous. Déjà, la presse anglo-saxonne la surnomme « l’ange de Ðiện Biên Phủ ». Jamais la célèbre citation de Guy de Larigaudie sur les jeunes filles (« Leur présence est un apaisement. Elles sont un sourire et une douceur dans notre cercle de luttes ») ne s’est si bien incarnée qu’en cette femme héroïque et douce dont le général de Castries, commandant le camp retranché, saluera le « courage tranquille » et le « dévouement souriant » en lui remettant la Légion d’honneur.
Ce jour-là, nous sommes le 29 avril 1954. Ðiện Biên Phủ se rendra moins de dix jours plus tard.
Libérée fin mai, Geneviève de Galard débarque à Orly sous les vivats et fait la une de Paris Match. En juillet, elle est accueillie en grande pompe aux Etats-Unis par le président Eisenhower. Et puis, tranquillement, avec une admirable humilité, l’héroïne s’efface. Elle se marie avec un capitaine rencontré en Indochine, dont elle aura trois enfants, et ne fera plus parler d’elle, sauf par son action sur les autres, comme une rivière souterraine. Tant d’honneur, tant de courage, tant d’humilité ne se rencontrent plus guère : son rayonnement en fit par exemple un modèle pour l’une de ses amies proches, Michèle de Castelbajac, qui deviendra, en cachette de ses parents puisqu’elle était encore mineure, convoyeuse de l’air à dix-neuf ans.
Une femme pour le Panthéon
Voici maintenant Geneviève de Galard au bout du voyage. Là-haut, il y a tout un monde pour l’accueillir : des héros au cœur pur, fauchés pour une guerre que nous avons oubliée ; de jeunes soldats, presque des enfants, dont le regard souffrant ne cessa de la hanter pendant des décennies ; sans doute y aura-t-il aussi, car nous sommes la religion de Marie-Madeleine, les prostituées du BMC, qui s’improvisèrent courageusement infirmières, et que des historiens petit-bourgeois ont préféré oublier. Ici-bas, en revanche, la seule place qui convienne à Geneviève de Galard – et il va sans doute falloir se mobiliser pour cela - est le Panthéon. Adieu, Madame, vous voici infirmière des âmes : priez pour nous et pour la France « dans notre cercle de luttes ».
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