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mardi 9 août 2022

[Point de vue] Une police citoyenne pour cacher la misère ?



 Olivier Damien 8 août 2022

En déplacement à Nice, en janvier dernier, Emmanuel Macron annonçait vouloir doubler le nombre de policiers sur le terrain d’ici 2030. 

Il annonçait également que pour y parvenir, cette mesure serait facilitée par la « suppression de tâches annexes » (vieux serpent de mer) et des réorganisations internes à la police nationale.

En réalité, malgré les annonces tonitruantes du gouvernement, le nombre de policiers et de gendarmes supplémentaires en ETPT (équivalent temps plein travaillé) depuis 2017 est de 5.500. Loin des 10.000 claironnés par Darmanin sur tout ce que la France compte de médias ! Force est également de constater que les recrutements opérés ces dernières années ont à peine compensé le nombre des départs à la retraite. Bilan de tout ceci, selon la Cour des comptes qui s’est emparée du sujet il y a quelques mois : « Les résultats que la police affiche en termes de présence sur le terrain et d’élucidation des faits de délinquance ne connaissent pas d’amélioration significative, voire se détériorent. »

Par ailleurs, toujours selon les sages de la rue Cambon, dans les services de et de paix publique (la police du quotidien), on comptait également 10 % d’agents en moins, comparé à 2010. C’est donc bien, depuis dix ans, à une baisse continue de la présence policière sur le terrain que l'on assiste (39 % en 2011, pour moins de 37 % en 2020). Et cette tendance ne s’améliore pas.

Sans doute Emmanuel Macron et Gérald Darmanin comptent-ils sur la « nouvelle réserve opérationnelle » de la police nationale pour boucher les trous. En application de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la intérieure, une série de dispositions a été prise concernant cette innovation.

Cette réserve, composée de citoyens volontaires, d’anciens adjoints de sécurité (ADS) et de policiers retraités, dont l’âge sera compris entre 18 et 67 ans, aura pour mission, à l’instar des réserves de la gendarmerie nationale et de l’armée, de renforcer dans différents domaines opérationnels et techniques les effectifs titulaires de la police nationale.

Les missions d’appui et de soutien s’effectueront sur une période maximale de 90 jours par an, pouvant aller jusqu’à 150 jours pour les anciens policiers. Ces périodes de service donneront lieu à indemnisation.

En ce qui concerne la formation de ces volontaires, celle-ci s’effectuera sur quinze jours dans le service d’affectation. Enfin, le nombre de ces volontaires devrait atteindre 30.000 d’ici 2030/2032.

Derrière l’intention louable mais certainement pas innocente d’impliquer davantage les Français dans la gestion de leur propre se cache évidemment la nécessité, pour le président de la République, de tenir son engagement visant à augmenter la présence policière dans nos villes et nos quartiers. Pourtant, une telle initiative n’est pas sans faire peser de graves menaces sur l’avenir de nos forces de police ainsi que sur la façon dont la sécurité des populations sera effectivement assurée.

Tout d’abord, parce qu’une telle initiative risque de faire émerger, à terme, une police sous-qualifiée et sous-formée. La loi du nombre remplacera inexorablement celle de la qualité. Ensuite parce que, loin de répondre aux exigences de professionnalisme qu’exige aujourd’hui la loi de nos policiers et de nos gendarmes, c’est vers de nombreuses déconvenues procédurales que nous nous dirigerons. Gageons que les avocats et leurs clients délinquants se réjouiront d’une telle aubaine. Enfin, ce dispositif ne manquera pas de reléguer au second plan les véritables réformes dont la police nationale a absolument besoin et qu’il s’ensuivra une paupérisation de l’institution dont les premières victimes seront, une nouvelle fois, les Français.

À l’instar de ce qui se passe dans les domaines de la santé, de l’Éducation, de la Justice et partout ailleurs, Macron et Darmanin font le choix de la facilité et sont sur le point de brader un des piliers fondamentaux de la République.

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