C’est une information ancienne mais il est toujours important de revenir aux fondamentaux pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Ces gens sont des requins sans foi ni loi, assoiffés de sang, ils ne s’arrêteront jamais tant que le peuple ne les y obligera pas

 

Comme l’a révélé l’Humanité, l’ex-Directrice Générale des Ressources Humaines du groupe Danone, et actuelle Ministre du Travail, Muriel Pénicaud a gagné 1,13 million d’euros en Bourse grâce à ses stock-options suite à l’annonce d’un plan social au sein du groupe.

Et ce en moins de 24 heures. Ou quand les licenciements rapportent gros. Cette nouvelle […]

Cette nouvelle affaire vient embarrasser un peu plus le gouvernement alors que Muriel Pénicaud, ministre chargée de réformer le code du travail par ordonnances au cours de l’été, se trouve déjà compromise dans l’affaire Las Vegas, évoquée ici.

80 ans de SMIC en une seule journée

Car ce qui interpelle ici, c’est que la juteuse opération de Muriel Pénicaud a été permise par un plan social qui a causé la suppression de 900 emplois de cadres dans 26 pays européens, dont 230 en France.

Le journal L’Humanité, explique ainsi dans sa version papier du 27/07 comment a procédé l’actuelle Ministre du Travail. Le 19 février 2013, Danone annonce le plan de licenciements, la Bourse accueille très bien la nouvelle: l’action flambe et atteint 55-60 euros en avril-mai.

Or le système des stock-options a ceci de formidable qu’il repose sur la base d’une « option d’achat » : le prix d’achat est fixé au moment où les titres sont attribués et la personne concernée peut « lever l’option » – c’est-à-dire acheter – quand elle considère que le cours de l’action lui est le plus profitable. Aucun risque de pertes dans une telle opération.

Ainsi donc, Muriel Pénicaud s’est vue attribuer des actions le 23 avril 2009, au lendemain de la crise de 2008, alors que la valeur boursière de Danone s’est effondrée. Quatre ans plus tard, le 30 avril 2013, Mme Pénicaud lève l’option dont elle disposait sur ses stock-options. Elle achète 55 120 actions à 34,85 euros (valeur de l’action lors l’attribution en 2009) pour un montant total de 1 920 932 euros et en revend immédiatement 52 220 au prix du jour qui est de 58,51 euros pour un montant de 3 049 966 euros. Gain immédiat ? 1 129 034 euros. Belle performance.

Interpellée sur cette affaire lors de la séance de questions au gouvernement (QAG) au Sénat par la sénatrice communiste Eliane Assassi, Muriel Pénicaud s’est défendue en disant qu’il s’agissait « d’une rémunération décidée des années avant le plan de départs volontaires »… ce qui est vrai, c’est même le principe du système des stock-options, à ceci près que l’ex DGRH de Danone, qui siégeait au conseil exécutif du groupe, a choisi de lever l’option sur les titres qu’elle pouvait acheter peu après que le plan social était annoncé, ce qui lui a ainsi permis de profiter directement de la hausse de la valeur du titre permise par les suppressions d’emplois. La sénatrice communiste ajoute :

« Ce point est extrêmement grave du point de vue éthique et peut-être du point de vue juridique, car de par vos fonctions vous avez organisé ce plan social et vous en avez récolté les fruits pour votre profit personnel. De là à parler [de délit] d’initié, il n’y a qu’un pas à franchir. »

Danone licencie alors que le groupe n’a jamais été aussi riche

Au-delà du cas individuel, cette affaire pose la question du système de rémunération des dirigeants d’entreprises et des conditions dans lesquelles le plan social mentionné plus haut a eu lieu. L’Humanité précise :

« Quand il procède à cette restructuration, le groupe est pourtant loin d’être au bord de la faillite. Danone vient au contraire de battre le record de son chiffre d’affaires, passant pour la première fois en 2012 le cap des 20 milliards d’euros dans le monde, en hausse de 8% en un an. Et les perspectives pour 2013 sont bonnes avec une nouvelle progression escomptée d’au moins 5%. Mais pour le PDG […] Franck Riboud, la marge avant impôts de Danone, déjà très élevée à 14,18%, soit près de 3 milliards d’euros, est encore insuffisante. »

Le même Franck Riboud, PDG du groupe, a de son côté touché la modique somme de 7,5 millions d’euros grâce à ses 212 000 stock-options en 2013. Ce plan social qui a provoqué 900 licenciements, a ainsi été organisé par la direction du groupe dans un contexte de bonne santé financière, et a été effectué en parallèle d’une hausse de 4,3% des dividendes des actionnaires.

Pour L’Humanité, la faute n’est a priori pas d’ordre légal mais d’ordre moral, et le journal de s’interroger sur la légitimité de la Ministre à réformer le code du travail compte tenu de la révélations de ces pratiques.  Pendant la très lucrative journée du 30 avril 2013, Muriel Pénicaud a empoché l’équivalent de 80 ans de SMIC en moins de 24 heures.


Antoine Cargoet

Les Inrocks

27 juillet 2017