19 %. Allons-y tout droit : mais 19 % de potentiel électoral.
C’est le chiffre lâché, vendredi soir, par L’Incorrect, dans un sondage exclusif de l’IFOP réalisé les 7 et 8 septembre sur un échantillon de 995 personnes, « représentatif de la population française âgée de 18 ans ou plus, c’est-à-dire de l’ensemble du corps électoral », selon l’expression consacrée.
La question était : « Seriez-vous prêt à voter pour Éric Zemmour s’il était candidat à la prochaine élection présidentielle de 2022 ? »
Le journal souligne les deux raisons qui font de ce sondage un coup de tonnerre dans le ciel si tranquille de cette élection 2022 déjà jouée, avec son second tour déjà acté. D’abord, ce 19 % montre une « progression de quasiment 50 % par rapport à la précédente enquête du même type (IFOP/Valeurs actuelles des 9-10 février 2021), qui ne lui accordait un potentiel électorat “que” de 13 % ». Ensuite, « il rend désormais crédible l’hypothèse d’une qualification d’Éric Zemmour pour le second tour de l’élection présidentielle ».
Si l’on regarde le chiffre de ceux se disant « certains » d’aller voter pour Éric Zemmour, on tombe à 8 %. Mais c’est tout de même deux fois plus que son score de février. Incontestablement, la dynamique est là. Et la décision du CSA de décompter ses interventions sur CNews en temps de parole ne peut que le servir.
Mais – et on l’a souvent écrit ici, même quand la suggestion d’une telle candidature était partout balayée d’un revers de main – les raisons de la percée d’Éric Zemmour dépassent cette simple conjoncture de rentrée très “zemmourisée”. Elles sont profondes et découlent logiquement de l’état des droites en France. Lui, l’homme de droite de conviction qui a passé trente ans de sa vie à observer tout le personnel politique de droite, au pouvoir ou dans l’opposition, est le miroir tendu à toutes leurs trahisons. La ligne de Zemmour, c’est celle du RPR des années 80, du Sarkozy de 2021, de Fillon en 2017. La différence, c’est son désintéressement et sa sincérité. Ce qui fait beaucoup. Pour lui. Et qui sera lourd à porter pour les rejetons LR Bertrand et Pécresse.
Du côté du RN, aux handicaps structurels du parti s’ajoutent les doutes sur la stratégie et les chances de Marine Le Pen après les échecs lors des dernières élections.
Le succès d’Éric Zemmour provient essentiellement de la déception des électorats de droite qui ne se retrouvent ni dans LR ni dans le RN tels qu’ils sont et qui n’ont su proposer depuis quatre ans aucun renouvellement des hommes, des idées et des pratiques. Il y avait une attente qui s’exprimait périodiquement dans toute une série d’initiatives, mais qui ne trouvait pas de débouché ni de leader. Depuis des années, à droite, beaucoup rêvaient à cette troisième voie qui ferait tomber les murs des vieux partis. On – les tenanciers des boutiques ayant pignon sur élections- leur répondait gentiment qu’ils étaient de doux rêveurs. Aujourd’hui, Éric Zemmour est venu incarner ce fantasme.
Désormais, la candidature Zemmour s’impose à tous et affole tous les compteurs, jusque dans le camp Macron, comme le montre la pitoyable tribune d’Alain Minc dans Le Figaro, façon « France rabougrie ».
Ce sondage montre aussi la fragilité de l’un des arguments anti-Zemmour que l’on entendait à droite. Il ne serait qu’un candidat de salon, pour intellos ? Or, sa candidature mobilise les milieux populaires où « il enregistre un potentiel électoral de 22 % (et même de 24 % auprès des seuls employés) ».
Ce niveau atteint par Zemmour aura inévitablement des conséquences sur les candidats LR et RN. Pour Ludovic Vigogne de L’Opinion, “c’est une mauvaise nouvelle” pour LR qui n’a toujours pas trouvé son candidat, mais aussi pour Marine Le Pen obligée à assurer sa présence au second tour. Paradoxalement, cela pourrait permettre au candidat LR de se qualifier.
Une autre conséquence, rarement exprimée, de cet abaissement du seuil de qualification pour le second tour serait que ces trois candidats de droite, s’ils se situaient dans la fourchette 13-18%, soient éliminés, entrainant un second tour Macron-Gauche ou Macron-EELV.
En tout cas, cette candidature réintroduit la figure du troisième homme. Une position risquée et qui a rarement conduit au succès par le passé. Mais l’un des meilleurs atouts d’Éric Zemmour demeure sa figure clivante de candidat hors-système qui va lui attirer de vives inimitiés de partout mais pourrait lui conférer une stature de paria, propre à séduire l’électorat.
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