Didier Raoult n’en finit pas de susciter la haine dans les élites au pouvoir.
Dernier acte du procès en sorcellerie : une lettre ouverte et une interview à l’acide donnée au Midi-Libre par un infectiologue à la retraite, par ailleurs ancien de l’industrie pharmaceutique et de la bureaucratie sanitaire. Cette vague de dénigrement a un intérêt majeur : elle montre le vrai visage des élites, loin de l’image flatteuse qu’elle s’est attribuée, faite de rationalité, de sens de la mesure et d’attachement aux valeurs humanistes.
Raoult dévoile les élites
Que Didier Raoult puisse se tromper, qu’il commette des erreurs d’appréciation ou de jugement, voilà qui est une évidence dont on voit mal pourquoi on la contesterait. Comme tous les autres médecins, Raoult est un homme avec ses forces et ses faiblesses, ses vérités, ses ratés, ses revirements.
Mais les élites ne l’ont pas entendus comme cela. Dès lors que les opinions émises publiquement par Didier Raoult ont divergé de la parole autorisée par le pouvoir, il a réveillé dans les détenteurs de ce pouvoir des bas instincts dont la manifestation au grand jour nous en dit long sur la façon dont nous sommes gouvernés.
Et le premier reproche qui est fait par cette élite est contenue dans la phrase que nous citons, tirée de la lettre ouverte de Gilles Roche, qui se vante lui-même d’avoir empilé les postes à responsabilité dans les laboratoires pharmaceutiques au cours de sa carrière : Raoult a utilisé les réseaux sociaux pour s’adresser au petit peuple des « malades » au lieu de confiner sa parole aux seuls médecins. Et ça, c’est déjà du populisme.
Dans le monde bien organisé de Gilles Roche et de ses puissants amis, l’élite par l’élite, et le peuple par au peuple. Toute violation de cet apartheid fondamental est une faute gravissime qui mérite sanction.
Tu as utilisé des canaux de communication totalement inadaptés, tes vidéos virales sur les réseaux sociaux, en refusant toute controverse exprimée par des gens qui connaissent le sujet. […] Tu as encouragé sans vergogne les tendances complotistes et populistes les plus basses, porté par l’enthousiasme des foules en délire qui te confortaient dans ton idée d’être une sorte de divinité et te rendaient aveugle à la réalité.
Didier Raoult serait donc populiste parce qu’il préfère parler au peuple des Marseillais plutôt qu’aux élites parisiennes. On se pince, parfois, si on ne rêve pas, et soudain on mesure que les élites françaises ont cinq siècles de retard, et en sont encore à critiquer la lecture de la Bible par les profanes. Seuls les clercs devraient avoir accès aux textes sacrés, et le paroissien moyen doit se contenter, en matière d’écriture, des interprétations que le prêtre veut bien lui donner.
Tout manquement à cette règle est une violation du code implicite : le savoir doit être réservé à une élite. Ce réflexe profond, particulièrement prégnant dans la médecine française, explique l’essentiel de l’affaire Raoult. Si le médecin marseillais n’était pas d’accord avec les états-majors officiels, il n’avait pas à le faire savoir à la presse, et surtout pas en utilisant des réseaux sociaux accessibles à Monsieur et Madame Tout le Monde.
Pour ma part, je n’ai jamais cru que s’adresser aux quidam relevait du populisme. En revanche, j’ai toujours considéré que réserver le savoir à une minorité de gens bien nés relevait d’un élitisme coupable, qui doit faire l’objet d’un dégagisme sans mollesse. Luther l’a très bien exprimé au moment de la Réforme. Il en a d’ailleurs fait l’objet de la Réforme elle-même.
Si l’on se réfère à ces paroles de haine vis-à-vis de ce qui ressemble à une adresse publique au petit peuple, on comprend en creux que ce qui est reproché de façon hystérique à Didier Raoult, c’est sa manière de parler aux gens, sans se retrancher derrière la prétendue supériorité du médecin reconnu internationalement qui considère qu’il appartient à un cercle fermé dont rien ne doit transpirer. Au fond, Didier Raoult est un démocrate à la sauce Internet. Et ça, dans les beaux milieux, on n’aime pas du tout.
Évidemment, ni un Gilles Roche, ni un Martin Hirsch (dont nous citons les propos plus bas) ne reconnaîtront jamais qu’ils détestent la démocratie. Ils s’autoproclament même rempart de celle-ci contre les extrêmes. Donc on dit : Raoult est un populiste. Il fait croire à des esprits simples des choses qui ne sont pas. Alors que les élites, au contraire, sont sérieuses et ne disent que des choses vraies.
Donc, lorsque Jérôme Salamon ou Sibeth Ndiaye, ou d’autres, affirmaient urbi et orbi que les masques ne servaient à rien dans la lutte contre la contagion, eux disaient vrai. Et lorsque, trois mois plus tard, ils ont soutenu le contraire, ils disaient encore vrai. Et cela, bien entendu, n’avait rien avoir avec le populisme.
Vérité un jour, vérité toujours, même si les postulats changent du tout au tout : tout ce qui est validé par les élites est vrai. Tout ce qui ne sort pas d’elles est un mensonge populiste.
Jusqu'à présent la science était une sorte de rationalité contre le populisme. C'est quoi le populisme? C'est faire croire aux gens que tout est possible n'importe comment, qu'il n'y a pas de contraintes, dictées par le réel. Et quand la science devient elle-même irrationnelle et utilise les recettes du populisme (faire semblant de se différencier par rapport aux autres, à considérer que tous les gens sont pourris sauf soi et ce même quand on a le même type de comportement, à faire croire à des recettes miracles, à penser que quand cent mille personnes signent pour l'usage d'un médicament, on devrait l'utiliser plutôt que de regarder en double aveugle ce qui se passe, etc.) –ça c'est quelque chose de nouveau.
L’affaire Didier Raoult nous révèle un autre aspect très intéressant du fonctionnement toxique et conformiste de nos élites : la chasse en meute, qui rappelle assez curieusement la chasse à courre. Lorsqu’un dissident prend publiquement position contre l’avis validé des élites, il s’expose au bannissement et à la poursuite collective.
Le cas de la plainte déposée auprès de l’Ordre des Médecins contre Didier Raoult est, de ce point de vue, emblématique. Il faudrait que Raoult soit radié de l’ordre des médecins pour avoir soutenu que l’hydroxychloroquine était efficace contre le coronavirus. Et qu’importe si des pays comme le Maroc ou l’Allemagne l’ont massivement utilisé. Le récalcitrant, le dissident, doit être poursuivi pour avoir violé les règles de discrétion et d’obéissance qui s’imposaient à lui, même en temps de crise, même s’il entendait sauver ainsi des vies humaines.
La plainte devant l’Ordre est déposée par une sorte de consortium d’associations professionnelles, qui vont des plus orthodoxes comme la Spilf jusqu’à NoFakeMed, l’association sectaire dont le mari d’Emmanuelle Wargon est l’un des agitateurs. C’est la chasse à courre. On se rassemble pour tuer le vieux cerf dans la forêt.
Dans cette cohue qui a tout de la bagarre de village dans un mauvais Astérix, Didier Raoult est devenu, par la faute des élites qui ont clivé au-delà de ce qui était raisonnable, le symbole de la résistance populaire à un ordre parisien incompétent, autoritaire et décadent. Le soutien à Raoult a des accents de 1789.
Si les élites françaises avaient un comportement raisonnable, nous ne saurions quel camp choisir dans ce conflit. Mais qu’est-ce que l’establishment médical français, à l’image du reste de l’establishment, nous a montré dans ce dossier depuis que l’on parle d’hydroxychloroquine : du clivage, de la haine, du mépris, de l’arrogance, des coups bas, en faisant l’impasse sur l’influence des grands laboratoires comme Gilead sur les termes du débat. Ce serait donc cela, lutter contre le populisme ? Devenir arrogant et sectaire, et mépriser la terre entière.
Voilà qui ne donne vraiment pas envie.
très bon article
RépondreSupprimermerci