Tout est dit à la Une du Figaro, le journal de la droite couchée.
Le titre est parlant : « Deux femmes pour sortir de la crise. »
Finalement, tout est plus simple quand il y a une crise ou une impasse, il suffit de désigner une femme.
Depuis, les commentaires vont dans le même sens : une Allemande, une Française, c’est formidable et, en plus, il y a la parité.
Cela permet d’occulter tout le reste.
Une prime à l’échec ?
Ursula von der Leyen, 60 ans, est une proche de la chancelière Angela Merkel, qui l’a nommée ministre dans chacun de ses quatre gouvernements (2005-2019) et dont elle passa un temps pour la dauphine potentielle.
Une série de scandales ont notamment éclaboussé la Bundeswehr et son ministère : matériel obsolète, sous-investissements, experts surpayés, essor de l’extrême droite dans les rangs…
Si bien que le verdict des Allemands est dur : selon un sondage récent du quotidien Bild, elle est considérée comme l’une des deux ministres les moins compétents du gouvernement.
Le boulet du gouvernement allemand est propulsé à la tête de l’Europe.
Christine Lagarde, la candidate de Macron mais surtout de Merkel, est à l’opposé du comportement actuel au niveau des déficits du président français.
En tant que directrice générale du FMI, elle a plaidé pour l’orthodoxie financière aux quatre coins du globe, et spécialement en Grèce, quitte à froisser ses anciens partenaires européens.
Son franc-parler sera aussi à l’origine d’un tollé quand elle appellera les Grecs, essorés par les plans d’austérité, à payer tous « leurs impôts » ou quand elle reprochera implicitement aux autorités de ne pas se comporter en « adultes ».
C’est d’ailleurs d’Athènes que sont venues les attaques les plus virulentes contre l’action du FMI, accusé d’avoir une « responsabilité criminelle » dans la situation du pays.
Mais on sait qu’une femme ne peut être ni responsable ni coupable.
Ainsi, la justice française, qui l’a déclarée coupable en décembre 2016 d’une « négligence » très coûteuse pour les deniers publics quand elle était ministre, dans un dossier mêlant l’homme d’affaires Bernard Tapie et la débâcle du Crédit lyonnais, a été désavouée par la Cour de Justice de la République eu égard à sa « réputation internationale » et la directrice du FMI a été dispensée de peine.
Un homme aurait sauté.
Mais Mme Lagarde, qui prétend en féministe assumée que tout irait mieux avec les femmes aux affaires, n’a jamais évoqué la discrimination positive dont elle a indiscutablement bénéficié.
L’Europe devient l’institution qui permet une seconde carrière quand la nationale est bouchée.
Le socialiste espagnol Josep Borrell est un Catalan fermement anti-indépendantiste.
En mai 1999, un scandale de fraude fiscale impliquant deux de ses anciens collaborateurs au secrétariat d’Etat aux Finances, un poste occupé de 1984 à 1991, l’avait écarté de son destin national. Borrell, s’était alors converti aux questions européennes.
L’an dernier, il avait signé son retour aux affaires comme ministre des Affaires étrangères du socialiste Pedro Sanchez, après plusieurs années passées loin de la politique.
Quant au belge Charles Michel, en échec dans son pays lui aussi, il rebondit en Europe.
Après une arrivée précoce en politique dans l’ombre de son père, l’ex-commissaire européen Louis Michel, il a rapidement gravi les échelons : ministre à 25 ans, Premier ministre à 38, et désormais choisi pour la présidence du Conseil européen à 43 ans.
En Belgique, la situation politique est bloquée depuis les législatives du 26 mai, rendant son avenir incertain.
Il est très Macron-compatible et pourtant, cet avocat de profession a marqué les esprits en acceptant de gouverner il y a cinq ans en coalition avec la N-VA, un parti nationaliste flamand qui prône dans ses statuts l’indépendance de la Flandre.
Du jamais vu jusqu’alors pour un responsable politique francophone.
Il a réussi à diriger cette coalition pendant plus de quatre ans.
Cette union quadripartite (incluant aussi libéraux et démocrates-chrétiens flamands) s’est effondrée en décembre 2018, quand la N-VA a refusé d’être associée au soutien du pacte de l’ONU sur les migrations.
Prime à l’échec de personnes au destin national compromis et qui, donc, seront bien sages à Bruxelles.
Mais les femmes et la parité sont le gadget qui cache le fond du problème.
La confusion sur le choix des nouveaux dirigeants de l’Union trouve sa cause dans le nouveau Parlement de Strasbourg : le nombre de sièges détenus par les conservateurs (PPE) et les sociaux-démocrates (S & D) a chuté de 401 à 336, brisant la majorité qui leur permettait de cogérer l’Europe.
La CDU allemande reste le contingent le plus important du Parlement (29 sièges), mais juste devant la Ligue italienne (28) et le Rassemblement national (22), qui illustrent la progression des nationalistes.
Vient ensuite le PiS polonais (26), qui incarne une autre forme d’euroscepticisme, et surtout la montée de l’Europe centrale.
Puis En Marche (22), chef de file des centristes libéraux, grands vainqueurs des élections (passés de 69 à 108 sièges).
Et les Grünen allemands (21) du groupe écologiste, l’autre vainqueur des Européennes (de 52 à 74 sièges).
Le premier contingent social-démocrate n’arrive qu’en huitième place, avec les Espagnols (20 sièges).
L’Europe éclatée a trouvé le remède à sa crise, le féminisme médiatique.
Les deux femmes les plus puissantes d’Europe devront démontrer qu’elles ne sont pas un deuxième choix pour une voie de garage européenne sinon elles finiront en… potiches !
Pierre Boisghilbert
06/07/2019
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