C’est l’une des pires arrogances de notre monde occidental et riche : nous donnons en permanence aux lointains habitants de cette planète des leçons de vie, de démocratie, d’écologie, de savoir-vivre et de savoir-être.
Et pour afficher le visage propre et lisse de la vertu, nous balançons nos ordures aux antipodes.
Hypocrites jusqu’au fond du tiers-mondisme (mot disparu avec la mondialisation heureuse), nous avons fait de l’Asie notre poubelle.
Cela, comme toujours, au nom de l’aide au développement : pour les pauvres qui vivent dans la fange, nos ordures valent de l’or et nous sommes donc bien généreux de les leur offrir.
Arrive un moment où les pauvres sont comme les caves : ils se rebiffent.
Après la Chine et la Malaisie, les autorités indonésiennes ont annoncé, mardi, le retour des cargos d’ordures vers l’Occident propret.
Qu’on se débrouille, maintenant, avec nos déchets !
Je vous le disais, tout cela s’est pourtant fait par bonté d’âme.
La preuve : « Personne n’est assez bête pour acheter des ordures. Simplement, durant longtemps, la Chine a acheté des matières recyclées car elle manquait de matières premières », dit un certain Arnaud Brunet, directeur général du Bureau international du recyclage (BIR), au Parisien.
Et des ordures, nous en produisons en quantité !
Et puis il y a les exportations légales, et puis les frauduleuses…
À l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, voilà un mois, le WWF publiait ce chiffre ahurissant : chaque année, 80.000 tonnes de plastiques sont perdues dans la nature.
Pour ce qui relève de la collecte et, très hypothétiquement, du recyclage, ce sont des centaines de millions de tonnes sur lesquelles nous, Français, sommes inscrits pour des quantités estimées entre 1,8 et 4,5 millions de tonnes.
Emmanuel Macron a fait un rêve : 100 % de plastiques recyclés à l’horizon 2025.
Recyclage actuel : 26,2 % (chiffres 2016).
Il y a de la marge…
La moyenne européenne est à 40,8 %.
Le problème, nous dit-on, c’est qu’une part importante de nos déchets plastiques n’est pas recyclable. On les incinère ou on les enfouit dans le sol…
Voilà pour le marché officiel, mais, hélas, il en existe un plus occulte : « Les déchets plastiques exportés ne sont que des produits recyclables et ne représentent que 2 à 5 % de ces derniers… Du moins ceux qui sont exportés légalement. Car il existe un commerce noir de déchets, celui-là même contre lequel se sont récemment érigées la Malaisie et les Philippines. »
Et ce marché-là est, par définition, « difficile à quantifier ».
En conséquence de quoi, lassés d’être considérés comme nos décharges publiques, les pays d’Asie ont décidé de nous retourner notre merde.
Question : comment ne pas s’y noyer, dès lors que ceux qu’on avait désignés pour s’y noyer à notre place commencent à se rebiffer ?
Il y aurit bien une solution, mais elle n’est guère envisageable : produire moins, et donc consommer moins.
Impensable dans notre monde qui fonctionne sur un modèle capitaliste et productiviste où la consommation est glorifiée à hauteur d’un acte citoyen.
« On jette parce que c’est nécessaire, mais aussi pour entretenir un système économique fondé sur l’abandon de produits qu’il faut sans cesse remplacer », relève Baptiste Monsaingeon, auteur d’un essai intitulé Homo detritus (Le Seuil).
Alors, je vous le confesse : je ne suis pas optimiste.
Primo parce que rien ne laisse entrevoir une réforme de notre système suicidaire.
Secundo parce que ce système mortifère est justement celui que nous avons vendu au monde comme récompense au traitement de nos déchets : consommer !
Marie Delarue
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