« Du rififi chez les poulets. » Non, ce n’est pas le titre d’un film oublié de feu Michel Audiard.
Mais bien ce qui est en train de se passer chez les CRS, ces policiers chargés du maintien de l’ordre (entre autres) dans notre pays.
Jeudi dernier, 48 des 61 CRS de la compagnie 51 basée à Orléans, qui devait assurer un service d’ordre à l’occasion de la venue, à Tours, de Laurent Nuñez et de Marlène Schiappa, se sont mis en arrêt maladie.
La raison avancée par les policiers concernés pour justifier cet acte fort est celle d’une immense fatigue morale et physique due à des mois d’emploi à outrance.
Et il est vrai que, depuis les attentats de 2015, les unités relevant de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité ont été sur-sollicitées.
Lutte antiterroriste, sécurisation des quartiers sensibles, protection des sites sensibles (lieux de culte, notamment), services d’ordre, opérations de maintien de l’ordre… les 13.000 fonctionnaires qui composent cette vieille institution policière née en décembre 1944 n’ont guère été épargnés.
De fait, depuis plusieurs mois, les horaires des vacations des unités ont explosé.
Il n’est, aujourd’hui, pas rare de voir des formations effectuer plus de 80 heures de travail continu dans une semaine.
De même, les repos sont régulièrement différés, ne permettant plus aux agents de se reposer convenablement.
Comme il fallait donc s’y attendre, la grogne gagne désormais certaines compagnies.
Le cas de la CRS 51 n’est, en réalité, pas rare.
Toutes les compagnies sont atteintes par ces rythmes effrénés, et si les arrêts maladie n’ont pas encore touché l’ensemble des fonctionnaires, les choses pourraient changer rapidement.
Pour l’instant, l’ensemble des unités, malgré quelques crises de mauvaise humeur, reste disponible. Solidement encadrés par les gradés, les syndicats font également le tampon entre les personnels et l’administration centrale.
Mais pour combien de temps ?
Le problème majeur qui a conduit à ce mouvement, somme toute, assez rare dans la police réside principalement dans la pénurie d’effectifs.
En effet, il n’y a pas si longtemps, une compagnie de CRS était composée, selon ses missions, de 180 à 220 agents.
L’importance de ces forces permettait, d’une part, de mettre sur le terrain des unités suffisamment fortes pour faire face aux missions et, d’autre part, d’organiser des rotations qui favorisaient la prise des congés et des repos.
Or, aujourd’hui, chaque unité n’est dotée que de 120 à 130 policiers.
Dès lors, il devient impossible de jouer sur le nombre afin de permettre une réalisation des missions dans de bonnes conditions, mais surtout de donner les congés et repos normalement dus.
Conjuguées à un emploi en très forte augmentation, les limites du système sont maintenant atteintes, voire même, dans certains cas, dépassées.
Ce mouvement de protestation des policiers de la CRS 51 doit donc être pris très au sérieux par l’administration policière.
D’autant que cette fatigue, bien réelle, dénoncée par les intéressés et les syndicats de police ne touche pas que les unités chargées du maintien de l’ordre.
Elle concerne aussi l’ensemble des effectifs de sécurité publique, eux aussi sur la brèche depuis de nombreux mois.
Il faut, enfin rappeler qu’envoyer sur le terrain des fonctionnaires épuisés peut rapidement déboucher sur la bavure tant redoutée.
Le gouvernement, et son ministre de l’Intérieur en premier lieu, vient de recevoir un avertissement pour l’instant sans frais de la part de ceux sur les épaules desquels repose la République.
L’ignorer serait une faute grave.
Le sanctionner une irréparable erreur.
Olivier Damien
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