15/12/2017 – 05h45 Nantes (Breizh-info.com) –
ZAD de Notre-Dame-des-Landes occupée depuis plusieurs années par quelques centaines de militants radicaux ; incidents fréquents et violents dans le centre-ville de Nantes lors des manifestations ; réquisitions « solidaires » et ultra minoritaires d’espaces privés comme l’université de Nantes au profit de mineurs immigrés : la capitale historique de la Bretagne est désormais le point névralgique le plus important de la contestation d’extrême gauche et une zone test pour toute la mouvance libertaire/antifa/écologiste.
L’un de ces militants a bien voulu nous confier ses réflexions. Détonnant.
« Il y a une accumulation d’exemples qui nous montrent que la lutte collective et violente paye en France », nous confie d’emblée ce militant autonome français avec qui nous avons pu entrer en contact .
« Exilé aujourd’hui quelque part en Europe », ce dernier a fréquenté la ZAD, mais aussi de nombreuses manifestations, à Nantes, à Paris, et même en Europe.
« Exilé aujourd’hui quelque part en Europe », ce dernier a fréquenté la ZAD, mais aussi de nombreuses manifestations, à Nantes, à Paris, et même en Europe.
Celui qui se définit comme « un libertaire intermittent de la révolution », mais ne partageant pas « les obsessions antifascistes de certains de [ses] camarades , nous livre son analyse concernant les réactions de l’État face aux mobilisations ces dernières années.
« Une peur bleue de la bavure d’État »« Il y a – et je dirai tant mieux pour nous – une peur bleue de la bavure d’État en France depuis la mort de Malik Oussekine. C’est ce qui explique que vous ne verrez jamais, ou rarement, que ce soit dans les quartiers populaires de banlieue ou dans les manifs, une réelle répression policière ».
Il évoque d’ailleurs « le ridicule de certaines associations ou syndicats qui parlent de répression policière pour trois gardes à vue, quelques lacrymos et coups de matraque ». « J’ai pu croiser en Europe des militants qui n’en revenaient pas de la différence entre la France et d’autres pays. En Angleterre, vous ne pourriez pas tenir deux heures avec des bombonnes de gaz dans une université.
Et vous finiriez en prison pour longtemps. Aux États-Unis, les manifestations comme on a connu à Nantes l’an passé auraient débuté avec quelques ripostes à balles réelles des forces de l’ordre aux attaques, puis auraient été interdites et tout le monde emprisonné. Et dans un bon nombre de pays du monde, la ZAD aurait été évacuée manu militari par l’armée en quelques heures, et les plus radicaux d’entre nous incarcérés pour de longues années pour atteinte à la sûreté de l’État. ».
« Le taux de probabilité qu’il y ait des morts est presque de 100%. »
Alors qu’on lui fait remarquer que c’est donc plus le laxisme de l’État que la lutte collective et la violence qui paye dans ce cas, il répond qu’«il y a une combinaison de ces éléments. Parce qu’aucun gouvernement en France ne prendra de toute façon le risque de changer de politique. J’ai lu le Valeurs actuelles sur l’évacuation militaire de la ZAD, c’est un journaliste qui s’est fait bien plaisir, mais c’est du fantasme. Ils ne peuvent pas, car le taux de probabilité qu’il y ait des morts est presque de 100%. Si l’armée intervient, il faut rappeler que les soldats ne sont pas là pour maintenir l’ordre mais pour éliminer le danger.
Si c’est la police ou la gendarmerie, la plupart des effectifs ne sont pas formés à la guérilla qui va leur être menée en face. La France, c’est le pays du manque de « cojones ». Chez les flics et l’État, comme chez les militants entre guillemets radicaux d’ailleurs. C’est pour cela que ça se résume essentiellement à une guerre de position et à jouer à se faire peur. Hormis quelques rares déterminés et quelques cinglés, chacun a bien trop à perdre, c’est ce qui maintien l’équilibre. Mais c’est bien grâce à cet équilibre qu’on a réussi à faire reculer l’État à Sivens, que la ZAD est toujours là, et qu’à chaque fois qu’on veut vraiment quelque chose, on y parvient par le blocage ou la micro violence ».
« La révolution, ce n’est pas le triomphe de la sauvagerie et le retour en arrière »
Et notre interlocuteur de balayer le sujet et de prendre l’exemple de la révolte des banlieues : « c’est bien plus grave ce qui se passe dans les banlieues françaises que dans un bout de campagne dont tout le monde se fout finalement. Non ? Quoi qu’il arrive, Vinci touchera ses indemnités, aéroport ou pas. Dans certaines banlieues – mais je dois avouer moins maîtriser le sujet, nous n’avons pas vraiment réussi à faire la jonction révolutionnaire avec les dealers des cités lol – ce sont des trafics énormes qui sont permis chaque jour parce que l’État n’assume plus les fonctions régaliennes.
Vous imaginez tous les gamins et les familles qui doivent vivre et grandir avec ça au quotidien, sans possibilité de partir, livrés à la loi du plus fort ? Il ne faut pas s’étonner qu’ils aient après une haine contre l’État et contre les institutions qui sont censée les protéger… Ce sont eux les premières victimes, pas les bourgeois qui se font dépouiller un I-Phone X que leur assurance leur remboursera le lendemain.»
On ne voit pas bien ou veut en venir notre interlocuteur.
« Ce que je veux dire, c’est qu’en France, seuls les moutons, majoritaires, respectent la loi. Pour la défier et faire ce que l’on veut – ça ne veut pas dire qu’on ne risque rien non plus – il suffit de s’organiser et d’être déterminé. Mais imaginez que demain, les moutons arrêtent de l’être, cela devient ingérable. Imaginez que des automobilistes commencent à se révolter physiquement contre ceux qui leur mette des amendes pour 15 km/h d’excès de vitesse. Imaginez que dans le même temps, à Nantes, un dimanche, il y ait deux occupations de bâtiments qui se montent, une manifestation sauvage non déclarée, trois braquages de banque, des règlements de compte entre individus dans les rues. Vous croyez que l’État, sur le moment, a les moyens de réguler cela ? Ils sont à peine quelques dizaines à Nantes le dimanche côté policiers, donc vous avez la réponse ! Tout est basé sur le fait que finalement, il ne se passe rien en même temps, jusqu’au jour où …»
« Ce que je veux dire, c’est qu’en France, seuls les moutons, majoritaires, respectent la loi. Pour la défier et faire ce que l’on veut – ça ne veut pas dire qu’on ne risque rien non plus – il suffit de s’organiser et d’être déterminé. Mais imaginez que demain, les moutons arrêtent de l’être, cela devient ingérable. Imaginez que des automobilistes commencent à se révolter physiquement contre ceux qui leur mette des amendes pour 15 km/h d’excès de vitesse. Imaginez que dans le même temps, à Nantes, un dimanche, il y ait deux occupations de bâtiments qui se montent, une manifestation sauvage non déclarée, trois braquages de banque, des règlements de compte entre individus dans les rues. Vous croyez que l’État, sur le moment, a les moyens de réguler cela ? Ils sont à peine quelques dizaines à Nantes le dimanche côté policiers, donc vous avez la réponse ! Tout est basé sur le fait que finalement, il ne se passe rien en même temps, jusqu’au jour où …»
Mais notre homme ne croit pas du tout au Grand soir :
« C’est ce que je vous ai déjà dis. Il y a un équilibre presque naturel. C’est de la guéguerre flics/militants, au même titre qu’il y a une guéguerre militants de gauche contre militants d’extrême droite. Cela ne va jamais bien loin, c’est stérile et cela se résume à quelques bagarres, agressions et parfois des dérapages un peu plus lourd quand un camp ou un autre a abusé de certains produits. Si un jour il y a une bascule qui doit vraiment impacter durablement le système, cela ne viendra pas de chez les libertaires, ni de l’extrême droite d’ailleurs qui fantasme aussi dessus, mais des banlieues. Là, vous avez vraiment des gens qui n’ont rien à perdre, qui ont tout à gagner, qui ont encore un instinct animal qu’une partie d’entre nous avons perdu. Là – et malgré le fait que le trafic canalise la violence – vous avez de la misère, de la souffrance, de la rage, de la colère, et ça explosera un jour au visage de ceux qui n’ont pas voulu la voir ».
« C’est ce que je vous ai déjà dis. Il y a un équilibre presque naturel. C’est de la guéguerre flics/militants, au même titre qu’il y a une guéguerre militants de gauche contre militants d’extrême droite. Cela ne va jamais bien loin, c’est stérile et cela se résume à quelques bagarres, agressions et parfois des dérapages un peu plus lourd quand un camp ou un autre a abusé de certains produits. Si un jour il y a une bascule qui doit vraiment impacter durablement le système, cela ne viendra pas de chez les libertaires, ni de l’extrême droite d’ailleurs qui fantasme aussi dessus, mais des banlieues. Là, vous avez vraiment des gens qui n’ont rien à perdre, qui ont tout à gagner, qui ont encore un instinct animal qu’une partie d’entre nous avons perdu. Là – et malgré le fait que le trafic canalise la violence – vous avez de la misère, de la souffrance, de la rage, de la colère, et ça explosera un jour au visage de ceux qui n’ont pas voulu la voir ».
Et pourquoi notre « intermittent de la révolution » ne va-t-il pas alors en banlieue prendre le pouls ?
« Parce qu’il ne faut pas être hypocrite comme beaucoup trop le sont dans nos milieux. C’est culturel. Je suis éduqué, instruit, diplômé. J’ai été bercé par les récits de la Guerre d’Espagne et de la lutte armée irlandaise, par les actions du sous-commandant Marcos ou des Brigades rouges. Et de l’autre côté du périph, je suis convaincu que ça n’est pas vraiment à cela que ça ressemblera le jour où ça dégénérera. Ce ne sera pas ma révolution, ou en tout cas pas ce que je souhaite pour demain, et je pense d’ailleurs que certains de mes camarades un peu trop idéalistes seront les premiers à en faire les frais. La révolution, ce n’est pas le triomphe de la sauvagerie et le retour en arrière. »
« Parce qu’il ne faut pas être hypocrite comme beaucoup trop le sont dans nos milieux. C’est culturel. Je suis éduqué, instruit, diplômé. J’ai été bercé par les récits de la Guerre d’Espagne et de la lutte armée irlandaise, par les actions du sous-commandant Marcos ou des Brigades rouges. Et de l’autre côté du périph, je suis convaincu que ça n’est pas vraiment à cela que ça ressemblera le jour où ça dégénérera. Ce ne sera pas ma révolution, ou en tout cas pas ce que je souhaite pour demain, et je pense d’ailleurs que certains de mes camarades un peu trop idéalistes seront les premiers à en faire les frais. La révolution, ce n’est pas le triomphe de la sauvagerie et le retour en arrière. »
Alors, que va-t-il faire désormais ?
« Faire ma propre révolution familiale. Transmettre. Et continuer le combat là où le vent me portera pour une société plus juste constituée d’hommes et de femmes libres ».
Illustration : Pixabay (cc)« Faire ma propre révolution familiale. Transmettre. Et continuer le combat là où le vent me portera pour une société plus juste constituée d’hommes et de femmes libres ».
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