Pascal Célérier
Ce n’est pas au président burkinabè ni aux Africains que M. Macron a manqué de respect, mais à nous.
Parfois, il faut se pincer pour y croire.
Des médias alternatifs comme Fdesouche et Boulevard Voltaire applaudissant les propos de M. Macron à Ouagadougou…
Des macronistes inconditionnels, comme M. Bilger, défendant aveuglément leur idole en toutes circonstances, y compris celle-ci, quand ils n’avaient pas de mots assez durs pour la prétendue vulgarité du Président Sarkozy…
D’autres, encore, qui s’indignèrent du discours de Dakar du même Nicolas Sarkozy et qui louent aujourd’hui le franc-parler – bien plus vulgaire, au passage – du Président Macron…
En tout cas, le Président burkinabè vient de démentir : il n’a ressenti aucun irrespect dans l’attitude et les mots de M. Macron.
Tant mieux pour lui : le tutoiement, la blague sur la réparation de la clim’, la rigolade et le parler « jeune » du Président français face à des étudiants africains ne laisseront donc pas de trace.
À Ouagadougou peut-être.
Chez les Français, c’est moins sûr.
Car ce n’est pas au président burkinabè ni aux Africains que M. Macron a manqué de respect, mais à nous.
À regarder la séquence, on ne peut qu’être pris de malaise.
Pas sur la question d’un éventuel racisme du Président.
Pas, non plus, sur l’irrespect pour les Africains, puisqu’ils n’en ont pas ressenti, disent-ils.
Les communicants nous disent que M. Macron a voulu jouer la carte « jeune » : style décontracté, quoi, cool et cash, blagues et bonne ambiance, complicité assurée avec un public jeune.
Avec cet habillage, les questions qui fâchent passent mieux : l’esclavage en Libye, l’immigration, les tensions communautaires en France ?
Pas de souci, mon gars, avec de gros fous rires, hein, c’est quand même autre chose ?
Et, d’ailleurs, c’est bien connu, nous faisons tous comme ça en famille, n’est-ce pas ?
Pour parler des sujets graves : séparation, divorce, décès, maladie grave, problèmes financiers, choses importantes à dire aux enfants, c’est le meilleur moyen de faire passer la potion amère, non ?
Non.
Il n’y a que des insensés ou des adultes immatures pour penser et faire cela.
À notre niveau, on peut toujours trouver des excuses.
À un président de la République en visite officielle, jamais.
À Ouagadougou, c’est un président de la République profondément immature qui a joué sur ce registre inapproprié.
Là où il aurait fallu un minimum de gravité, voire un peu de solennité pour dire ces choses, expliquer calmement, inciter à la réflexion, on eut droit à… du Ruquier.
Même un professeur encore jeune comme lui n’aurait pas cherché à copiner ainsi avec son auditoire. Et c’est pourtant une telle autosatisfaction qui se lisait sur son visage : celle du copinage réussi avec la jeunesse.
Il ne manquait que le clin d’œil…
En bon banquier, il avait étudié le marché, flairé une niche, un créneau porteur, et s’y était engouffré. Banco.
Et voilà qu’il veut aussi occuper le créneau du « parler vrai », du « mettre les pieds dans le plat sur l’immigration », en gros : faire du Marine Le Pen, et dans un phrasé bien populiste, en plus, histoire que toutes les clientèles électorales soient satisfaites et achètent le produit Macron à la prochaine élection.
De De Gaulle à Ruquier, de Jupiter à l’histrion-bateleur, le « en même temps » macronien devient un grand écart intenable.
Et, en tout cas, très gênant pour ceux des Français qui sont attachés aussi bien au prestige de la fonction présidentielle qu’à une parole politique de vérité.
Et c’est ce « en même temps »-là, peut-être le plus fondamental, que M. Macron a totalement oublié à Ouagadougou en se permettant une récréation jeuniste qui décrédibilisait ce qu’il pouvait y avoir par ailleurs de fort dans ses propos.
À Ouagadougou, les Français méritaient mieux.
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