Le 20/03/2017
Jean-Michel Leost
Un rêve ou un cauchemar ?
Ils ne sont peut-être pas 130.000, samedi après-midi, comme l’assurent les organisateurs de la manifestation, mais ils sont certainement des dizaines de milliers à s’être déplacés de toute la France pour soutenir le programme révolutionnaire du leader du Parti de gauche, martelant son discours de slogans déterminés comme « Résistance ! » ou « Dégagez ! »
Le candidat de la France insoumise, ce tribun qui fit partie du système, veut porter le souffle d’une « révolution citoyenne », « construire », avec ses camarades, « une nouvelle France ».
Se reportant à ses notes – ce qui n’est pas courant chez cet homme qui aime improviser et se mettre spontanément au diapason de la foule –, il passe en revue les grandes lignes de son programme.
Il en appelle à « l’insurrection citoyenne », à « désobéir aux traités européens » : il veut avant tout rendre au peuple sa « souveraineté politique ».
C’est pourquoi il a conduit cette « marche pour la VIe République », de la Bastille à la place de la République, lieux symboliques de la Révolution.
Il dénonce la « monarchie présidentielle » et les « puissances de l’argent », préconise une sortie de l’OTAN, une France non alignée au service de la paix.
Il propose aussi de faire inscrire dans la Constitution le « droit à l’IVG » et le « droit au suicide assisté ».
Il veut, surtout, instaurer une assemblée constituante, moitié par élection, moitié par tirage au sort, pour établir les fondements de cette VIe République, dont il rêve depuis des années, avec le peuple et pour le peuple.
Il y a quelque chose de messianique dans son discours, un mélange de lyrisme et d’épique.
Il a tantôt des accents gaulliens, tantôt des envolées dignes de Malraux, comme lorsqu’il s’écrie : « Écoutez la clameur qui monte […], c’est le signal de la force du peuple quand il surgit de son histoire ! »
Objectivement, cette manifestation est un succès.
Benoît Hamon, ce dimanche à Bercy, aura sans doute du mal à insuffler le même enthousiasme et la même passion.
Mélenchon traduit les aspirations de la gauche profonde, plus que son concurrent, malgré quelques similitudes dans leurs programmes.
Plus, a fortiori, que ses anciens camarades du PS qui trahissent la cause du peuple et préparent un ralliement à Macron.
L’on voit de nombreux drapeaux tricolores, mais aussi quelques drapeaux rouges du Parti communiste.
« La Marseillaise » pour finir puis, à la demande de Mélenchon, « L’Internationale ».
Quelques signes qui rappellent, si on l’avait oublié, que l’idéal de la révolution, fût-il pacifique, mène souvent à des excès sanglants.
Sans remonter à la Convention, on pourrait citer Staline, avec lequel les communistes connurent un divorce difficile, ou Fidel Castro, « non aligné » lui aussi.
Quand, le 26 novembre 2016, on entendit Mélenchon rendre hommage à Fidel, lançant que « c’est dans l’exemple de nos héros que nous puisons sans cesse les leçons et l’énergie dont nous avons besoin pour continuer à ouvrir le chemin que, dans leur temps, à leur place, ils ont d’abord dégagé », on ne peut que se remémorer les dernières paroles de Madame Roland avant d’être guillotinée : « Ô liberté ! Que de crimes on commet en ton nom ! »
Dans sa péroraison, Jean-Luc Mélenchon cite Victor Hugo : « Aujourd’hui pour toute la terre la France s’appelle Révolution / Et désormais ce mot Révolution sera le nom de la Civilisation/jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie. »
Comme le poète, il est « l’homme des utopies ».
Sur une pancarte, dans la manifestation, on peut lire « Préavis de rêve ».
Un rêve ou un cauchemar ?
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