Rennes, rue Saint-Michel. Wikipedia. Ayush Bhandari.
Reportage «rue de la soif»
Laurent Gayard
Publié le 17 août 2016
Dans la capitale de la Bretagne, des groupes de jeunes migrants dépouillent les passants, rudoient les femmes et empoisonnent le quotidien des commerçants. Le cas de ces mineurs étrangers représentent un casse-tête juridique et politique pour le gouvernement.
Il n’y a pas qu’en Corse ou en région parisienne que les « tensions entre communautés » sévissent. Les heurts à Bastia et l’assassinat d’un couturier chinois à Aubervilliers ont légitimement accaparé l’œil des médias mais l’on n’imaginerait pas forcément que la ville de Rennes puisse elle aussi se distinguer dans la catégorie des “tensions communautaires.”
La capitale bretonne, dont le centre-ville était retourné il y a quelques mois par les manifestations hostiles à la loi El Khomri, connaît en effet aujourd’hui un autre problème : celui des « mineurs isolés ».
Le vocable administratif post-moderne recèle quelques trésors de poésie réglementaire.
On apprendra ainsi qu’un mineur isolé n’a rien d’un charbonnier solitaire trompant sa mélancolie au comptoir d’un bistrot.
D’après la définition donnée par le musée de l’Immigration, un « mineur isolé étranger » (MIE) est un jeune de moins de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d’origine sans être accompagné d’un parent.
Depuis le 4 mars 2002, l’article L221-5 impose au procureur de la République de nommer un administrateur pour les mineurs isolés étrangers placés en zones d’attente pour les étrangers, ceci principalement afin de remédier à leur incapacité juridique.
Un principe critiqué par nombre d’associations qui réclament un statut différent pour ces “mineurs étrangers”.
Le problème est que non seulement l’augmentation drastique du nombre de « mineurs isolés » depuis les années 90 place les pouvoirs publics dans une situation difficile mais que le statut de “MIE” est devenu un label très recherché par nombre d’individus qui s’octroient à la fois la qualité de “réfugiés” et celle de “mineurs” profitant du fait que les impostures sont de plus en plus difficiles à démasquer car de plus en plus répétées.
C’est le cas aujourd’hui à Rennes où la mairie, comme la préfecture ou le conseil général d’Ille-et-Vilaine – et à plus forte raison les forces de l’ordre – ne semblent plus capables de faire face à une situation devenue plus que préoccupante.
Comme souvent, le triptyque immigration-impéritie des autorités locales-exigences des associations a débouché sur une impasse et une situation dont les Rennais du centre-ville sont de plus en plus nombreux à se plaindre.
D’après le dossier de presse préparé en 2011 par le Conseil départemental, l’Ille-et-Vilaine, représentait cette année-là le troisième département d’accueil des mineurs étrangers isolés en France.
Avec 294 mineurs isolés en 2011, le département se situait loin derrière Paris (1637) et la Seine-Saint-Denis (1000) mais le rapport précisait déjà il y a cinq ans que le dispositif d’accueil mis en place était « au-delà de la saturation » et que « compte tenu du flux continu de primo-arrivants (entre dix et trente tous les mois) (…) il est impossible de faire plus. »
Pourquoi l’Ille-et-Vilaine ?
Comme le précise le dossier du CG d’Ille-et-Vilaine, « c’est en grande partie parce que la préfecture de Rennes est équipée de la borne EURODAC, outil de contrôle des flux d’immigrants, que le nombre de mineurs étrangers ne cesse de croître en Ille-et-Vilaine ».
Derrière cet acronyme, qui conjugue avec tant de bonheur le jargon technocrate et le charme suranné des expressions popularisées par Orange mécanique en 1971, se cache une base de données mise en place dans l’Union européenne en 2003, à laquelle peuvent avoir accès certaines administrations équipées de la fameuse borne EURODAC.
Voilà pourquoi l’Ille-et-Vilaine accueillait accueillait, d’après le journal Le Télégramme, jusqu’à 450 “mineurs isolés” en 2013.
La gestion des “mineurs isolés” à Rennes devient aujourd’hui un véritable problème de politique et de sécurité publique tant il se conjugue aujourd’hui avec différentes formes de délinquance et d’abus. Dans le centre-ville, les « mineurs isolés », sont désormais bien connus et ont, semble-t-il, décidé de briser leur isolement en se rassemblant par bandes de quinze à vingt individus en haut de la mythique « rue de la soif » (rue Saint Michel) pour imposer la palpation du portefeuille des badauds, voire importuner les demoiselles, de plus en plus effrayées par les libertés prises par les audacieux « mineurs ».
« Les filles qui traversent la place Saint-Michel le soir disent toutes qu’elles ne se sentent plus du tout en sécurité ici.
Depuis plusieurs mois, la presse locale rapporte d’ailleurs les incidents qui se multiplient : vols, agressions, cambriolages, rixes.
Tout cela commence à faire partie du décor nocturne de la cité bretonne, jusqu’à déboucher sur des affrontements nettement plus importants.
Dans la nuit du jeudi 10 au 11 août, un groupe d’une vingtaine de « mineurs isolés » tombent ainsi sur une bande de jeunes Rennais décidés à en découdre et l’affrontement se termine à coups de chaises…et de tournevis, avec deux blessés légers à la clé.
« J’ai vu un de ces types aller fouiller dans le container à verre pour trouver des tessons de bouteilles et s’en servir pour frapper », raconte un témoin de la scène.
Une bonne partie des employés ou des clients des bars alentour s’accordent à dire que la situation devient incontrôlable : « La police est débordée par le phénomène. Ils n’ont pas les effectifs pour faire face à ça », explique un habitant du quartier.
« Les types se baladent sans papiers et prétendent être mineurs. Du coup, arrêtés, ils sont immédiatement relâchés. Et une bonne partie d’entre eux ne sont certainement pas libyens ou afghans mais algériens ou marocains. Je ne vois pas trop de quoi exactement ils sont réfugiés », renchérit un autre employé d’un commerce de la rue.
Le jour même où la violente rixe éclatait place Saint Michel, deux Algériens comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Rennes après avoir été pris en flagrant délit pour tentative de vol sur une personne retirant de l’argent à un distributeur automatique du centre.
Les deux prévenus qui prétendaient avoir 15 et 16 ans ont été confondus par le développement de leur dentition et de leur squelette qui a permis de déterminer qu’il s’agissait bien de deux adultes.
La loi prévoit que n’importe quel mineur étranger isolé soit pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont les conseils départementaux ont la responsabilité.
Depuis novembre 2015 cependant, la pratique des tests osseux afin de déterminer si un mineur est vraiment celui qu’il prétend être est également inscrite dans la loi.
Une disposition défendue par la secrétaire d’Etat à la famille, Laurence Rossignol…et toujours largement décriée par de nombreux députés socialistes, Front de Gauche ou écologistes ainsi que par les associations locales, comme le « Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes ».
Le contexte d’état d’urgence a poussé le gouvernement à inscrire la pratique des tests osseux (avec une radio des poignets par exemple) dans la loi, au grand dam des associations jugeant ces tests « inhumains et dégradants ».
Pour autant, la généralisation des tests est compliquée par la multiplication du nombre d’individus majeurs arguant de leur minorité pour échapper à une condamnation en cas d’arrestation.
Pour nombre d’entre eux, cela se traduit donc par une remise en liberté après quelques heures d’incarcération…au grand dam des habitants qui commencent à sévèrement perdre patience.
Si l’impunité n’est pas juridique, elle n’en est pas moins réelle.
Les individus interpellés se retrouvent à nouveau dans la rue quelques jours après avoir été arrêtés et la police rennaise, en désespoir de cause, appelait même la population du centre-ville à respecter quelques consignes de sécurité : « Elle incite les jeunes à circuler la nuit, en ville, si possible en groupes, en empruntant des artères éclairées. Les cibles privilégiées sont les personnes seules, vulnérables et en état d’ébriété », rappelait le journal Ouest-France le 29 février dernier.
Face à cette situation, certains font preuve de fatalisme, à l’instar d’un autre riverain : « de toutes façons, le problème est chez nous pour le moment mais il va forcément se déplacer à un moment. On le retrouvera peut-être à Nantes dans quelques temps, quand ceux qui rackettent ici auront décidé d’aller racketter ailleurs. C’est malheureux mais la seule chose qu’on est réduit à faire, c’est attendre. »
A moins que la situation ne parvienne à un point tel que Rennes ne finisse par connaître elle aussi une multiplication des « affrontements intercommunautaires » dont les médias font apparemment un nouvel élément de langage, un euphémisme aussi étrange que dérangeant pour ne pas dire: un échec des politiques publiques dont les élus portent la lourde responsabilité.
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La capitale bretonne, dont le centre-ville était retourné il y a quelques mois par les manifestations hostiles à la loi El Khomri, connaît en effet aujourd’hui un autre problème : celui des « mineurs isolés ».
Le vocable administratif post-moderne recèle quelques trésors de poésie réglementaire.
On apprendra ainsi qu’un mineur isolé n’a rien d’un charbonnier solitaire trompant sa mélancolie au comptoir d’un bistrot.
D’après la définition donnée par le musée de l’Immigration, un « mineur isolé étranger » (MIE) est un jeune de moins de 18 ans qui se trouve en dehors de son pays d’origine sans être accompagné d’un parent.
Depuis le 4 mars 2002, l’article L221-5 impose au procureur de la République de nommer un administrateur pour les mineurs isolés étrangers placés en zones d’attente pour les étrangers, ceci principalement afin de remédier à leur incapacité juridique.
Un principe critiqué par nombre d’associations qui réclament un statut différent pour ces “mineurs étrangers”.
Le problème est que non seulement l’augmentation drastique du nombre de « mineurs isolés » depuis les années 90 place les pouvoirs publics dans une situation difficile mais que le statut de “MIE” est devenu un label très recherché par nombre d’individus qui s’octroient à la fois la qualité de “réfugiés” et celle de “mineurs” profitant du fait que les impostures sont de plus en plus difficiles à démasquer car de plus en plus répétées.
C’est le cas aujourd’hui à Rennes où la mairie, comme la préfecture ou le conseil général d’Ille-et-Vilaine – et à plus forte raison les forces de l’ordre – ne semblent plus capables de faire face à une situation devenue plus que préoccupante.
Comme souvent, le triptyque immigration-impéritie des autorités locales-exigences des associations a débouché sur une impasse et une situation dont les Rennais du centre-ville sont de plus en plus nombreux à se plaindre.
D’après le dossier de presse préparé en 2011 par le Conseil départemental, l’Ille-et-Vilaine, représentait cette année-là le troisième département d’accueil des mineurs étrangers isolés en France.
Avec 294 mineurs isolés en 2011, le département se situait loin derrière Paris (1637) et la Seine-Saint-Denis (1000) mais le rapport précisait déjà il y a cinq ans que le dispositif d’accueil mis en place était « au-delà de la saturation » et que « compte tenu du flux continu de primo-arrivants (entre dix et trente tous les mois) (…) il est impossible de faire plus. »
Pourquoi l’Ille-et-Vilaine ?
Comme le précise le dossier du CG d’Ille-et-Vilaine, « c’est en grande partie parce que la préfecture de Rennes est équipée de la borne EURODAC, outil de contrôle des flux d’immigrants, que le nombre de mineurs étrangers ne cesse de croître en Ille-et-Vilaine ».
Derrière cet acronyme, qui conjugue avec tant de bonheur le jargon technocrate et le charme suranné des expressions popularisées par Orange mécanique en 1971, se cache une base de données mise en place dans l’Union européenne en 2003, à laquelle peuvent avoir accès certaines administrations équipées de la fameuse borne EURODAC.
Voilà pourquoi l’Ille-et-Vilaine accueillait accueillait, d’après le journal Le Télégramme, jusqu’à 450 “mineurs isolés” en 2013.
La gestion des “mineurs isolés” à Rennes devient aujourd’hui un véritable problème de politique et de sécurité publique tant il se conjugue aujourd’hui avec différentes formes de délinquance et d’abus. Dans le centre-ville, les « mineurs isolés », sont désormais bien connus et ont, semble-t-il, décidé de briser leur isolement en se rassemblant par bandes de quinze à vingt individus en haut de la mythique « rue de la soif » (rue Saint Michel) pour imposer la palpation du portefeuille des badauds, voire importuner les demoiselles, de plus en plus effrayées par les libertés prises par les audacieux « mineurs ».
« Les filles qui traversent la place Saint-Michel le soir disent toutes qu’elles ne se sentent plus du tout en sécurité ici.
Depuis plusieurs mois, la presse locale rapporte d’ailleurs les incidents qui se multiplient : vols, agressions, cambriolages, rixes.
Tout cela commence à faire partie du décor nocturne de la cité bretonne, jusqu’à déboucher sur des affrontements nettement plus importants.
Dans la nuit du jeudi 10 au 11 août, un groupe d’une vingtaine de « mineurs isolés » tombent ainsi sur une bande de jeunes Rennais décidés à en découdre et l’affrontement se termine à coups de chaises…et de tournevis, avec deux blessés légers à la clé.
« J’ai vu un de ces types aller fouiller dans le container à verre pour trouver des tessons de bouteilles et s’en servir pour frapper », raconte un témoin de la scène.
Une bonne partie des employés ou des clients des bars alentour s’accordent à dire que la situation devient incontrôlable : « La police est débordée par le phénomène. Ils n’ont pas les effectifs pour faire face à ça », explique un habitant du quartier.
« Les types se baladent sans papiers et prétendent être mineurs. Du coup, arrêtés, ils sont immédiatement relâchés. Et une bonne partie d’entre eux ne sont certainement pas libyens ou afghans mais algériens ou marocains. Je ne vois pas trop de quoi exactement ils sont réfugiés », renchérit un autre employé d’un commerce de la rue.
Le jour même où la violente rixe éclatait place Saint Michel, deux Algériens comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Rennes après avoir été pris en flagrant délit pour tentative de vol sur une personne retirant de l’argent à un distributeur automatique du centre.
Les deux prévenus qui prétendaient avoir 15 et 16 ans ont été confondus par le développement de leur dentition et de leur squelette qui a permis de déterminer qu’il s’agissait bien de deux adultes.
La loi prévoit que n’importe quel mineur étranger isolé soit pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont les conseils départementaux ont la responsabilité.
Depuis novembre 2015 cependant, la pratique des tests osseux afin de déterminer si un mineur est vraiment celui qu’il prétend être est également inscrite dans la loi.
Une disposition défendue par la secrétaire d’Etat à la famille, Laurence Rossignol…et toujours largement décriée par de nombreux députés socialistes, Front de Gauche ou écologistes ainsi que par les associations locales, comme le « Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes ».
Le contexte d’état d’urgence a poussé le gouvernement à inscrire la pratique des tests osseux (avec une radio des poignets par exemple) dans la loi, au grand dam des associations jugeant ces tests « inhumains et dégradants ».
Pour autant, la généralisation des tests est compliquée par la multiplication du nombre d’individus majeurs arguant de leur minorité pour échapper à une condamnation en cas d’arrestation.
Pour nombre d’entre eux, cela se traduit donc par une remise en liberté après quelques heures d’incarcération…au grand dam des habitants qui commencent à sévèrement perdre patience.
Si l’impunité n’est pas juridique, elle n’en est pas moins réelle.
Les individus interpellés se retrouvent à nouveau dans la rue quelques jours après avoir été arrêtés et la police rennaise, en désespoir de cause, appelait même la population du centre-ville à respecter quelques consignes de sécurité : « Elle incite les jeunes à circuler la nuit, en ville, si possible en groupes, en empruntant des artères éclairées. Les cibles privilégiées sont les personnes seules, vulnérables et en état d’ébriété », rappelait le journal Ouest-France le 29 février dernier.
Face à cette situation, certains font preuve de fatalisme, à l’instar d’un autre riverain : « de toutes façons, le problème est chez nous pour le moment mais il va forcément se déplacer à un moment. On le retrouvera peut-être à Nantes dans quelques temps, quand ceux qui rackettent ici auront décidé d’aller racketter ailleurs. C’est malheureux mais la seule chose qu’on est réduit à faire, c’est attendre. »
A moins que la situation ne parvienne à un point tel que Rennes ne finisse par connaître elle aussi une multiplication des « affrontements intercommunautaires » dont les médias font apparemment un nouvel élément de langage, un euphémisme aussi étrange que dérangeant pour ne pas dire: un échec des politiques publiques dont les élus portent la lourde responsabilité.
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