Le 22/12/2015
Vous semblez mal placé pour donner à quiconque des leçons de morale, car rien ne vous obligeait à mettre en péril la vie de soldats français pour le prix d'un scoop.
Vous avez ainsi publié dans Le Monde du 20 décembre une lettre ouverte adressée à Marine Le Pen pour lui demander « comment elle avait pu avoir l’idée d’utiliser ces images horribles ».
Je ne sais pas si vous avez écrit cette lettre comme journaliste ou comme « ancien otage », qui semble être devenu une seconde nature alors que, si je m’en souviens bien, les autorités militaires françaises vous avaient expressément interdit l’accès à une zone à haut risque tenue par les talibans.
Votre libération, au bout de 547 jours de détention, a coûté la vie à un jeune soldat, Jonathan Lefort.
Vous semblez donc mal placé pour donner à quiconque des leçons de morale, car rien ne vous obligeait à mettre en péril la vie de soldats français pour le prix d’un scoop.
Je suis navré de vous le dire, moi qui ai vu cinq de mes confrères ne jamais revenir de reportage.
Ces images horribles largement diffusées sur Internet, par les médias de l’époque, l’ont été comme une piqûre de rappel pour répondre à l’odieuse comparaison qui a été faite à plusieurs reprises par des journalistes français et écrivains bien-pensants : Ruth Elkrief, Jean-Jacques Bourdin, Gilles Kepel, entre autres.
Au lendemain des élections régionales qui, effectivement, avaient vu près de 7 millions de Français (vos compatriotes, que vous le vouliez ou non) voter pour le Front national, comparer le FN à Daech était au minimum ridicule, au pire ignoble.
Et sûrement d’une débilité ahurissante.
Comment un journaliste a-t-il pu avoir l’idée d’une telle comparaison, pour reprendre vos termes ?
Vous pensez vraiment que la barbarie sans nom de ces musulmans devenus fous de par la lecture stricto sensu d’un Coran vieux de quatorze siècles est comparable une seule seconde au programme du FN ?
Vous accusez Marine Le Pen de faire comme Daech en prônant la division, en attisant la peur.
Vous écrivez que « l’utilisation de ces photos est une abomination, une atteinte à la dignité humaine, et une insulte à toutes les victimes du terrorisme ».
Halte là, cher ancien otage !
Depuis que la photo existe, et ma carrière m’a valu d’en voir des milliers, les cadavres se sont amoncelés sur ma table lumineuse.
J’ai vu défiler sous mon compte-fils des milliers de photos d’hommes, d’enfants, de femme victimes du terrorisme ou tout simplement de la guerre pris par vos confrères qui, eux aussi, ont risqué leur vie pour montrer au monde l’horreur que pouvait commettre l’homme.
Ces photos ont été publiées et continueront à être publiées pour dénoncer au monde l’horreur absolue de la folie humaine.
Et je ne parle pas de l’odieuse manipulation du petit cadavre d’Aylan…
Vous offusquer de cette piqûre de rappel m’étonne de votre part…
N’étiez-vous pas parti en Afghanistan sur un théâtre de guerre à la recherche de talibans qui, me semble-t-il, n’ont pour la vie humaine que peu de respect ?
Vos images auraient pu montrer des cadavres qui, eux aussi, avaient des familles, des parents.
Et vous concluez votre lettre par une affirmation très politique qui a le mérite de vous situer sur la diversité politique (toute relative) des journalistes.
« Votre terreau Marine le Pen est la misère du monde. Votre moteur, la haine des autres. Jusqu’à la nausée. »
Effectivement, cher confrère, inutile de nous faire un dessin sur vos choix politiques.
Mais que fait donc un reporter, si ce n’est de vivre sur le dos de la misère du monde.
Et que faites-vous d’autre que d’attiser la division en désignant de haine ce qui n’est qu’une réponse à… la haine ?
Oui, je sais, vous allez répondre : F-Haine…
Mais franchement, à tout bien réfléchir, je devine maintenant où elle se cache…
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