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Valeurs. Un ouvrage analyse la rupture entre l’équipe de France et son public. Un constat implacable qui dépasse largement le cadre du sport. Photo © AFP
Au-delà du résultat (défaite 3 – 0), c’est peu dire que le Brésil – France de dimanche dernier, en dépit de l’affiche prestigieuse, n’a pas engendré de ferveur populaire.
Syndrome du match amical ? Désintérêt de fin de saison ? Le mal est plus profond.
L’an dernier, un sondage révélait que seulement 20 % des amateurs de football affirmaient “avoir de la sympathie” pour les Bleus. Autre indice : pour la rentrée 2013, la campagne de publicité organisée par la Fédération française de football (FFF) n’est plus centrée sur les joueurs mais sur les supporters. « L’image du foot est réellement dégradée, analyse Virgile Caillet, directeur de l’institut Kantar-Sport. Une image d’individualistes capricieux, « des nantis qui se comportent mal et ne sont respectueux de rien ».
C’est pour tenter d’expliquer les raisons d’un tel désamour — nulle part aussi marqué qu’en France — que Daniel Riolo, journaliste, animateur de l’émission After Foot sur RMC, a écrit Racaille football club.
Un livre parti d’un constat, presque anecdotique : « Dans les belles aventures qui, chaque année, font le charme de la Coupe de France, il n’y avait jamais de club de banlieue, pourtant surreprésentés en National ou en CFA, raconte Daniel Riolo. Je me suis demandé s’il y avait un problème de mentalité. Pour comprendre, j’ai rencontré des formateurs, des présidents de club… »
Des témoignages de première main. Sur l’évolution de la jeunesse, tout d’abord : « J’ai eu face à moi des juniors comme Papin, des mômes de 17 ans, raconte un formateur de l’Institut national du football. Lorsque vous les convoquiez dans votre bureau, ils étaient au garde-à-vous. Maintenant, le gosse, lorsque vous l’engueulez, il s’en fout. »
Directeur du centre de formation du Lille olympique sporting club (Losc), Jean-Michel Vandamme confirme la détérioration : « Il y a dix ans, je faisais 70 % de foot et 30 % d’éducation. Aujourd’hui, les formateurs font l’inverse. »
Mais de quels jeunes parle-t-on ? Directeur technique national, François Blaquart explique que « principalement, nos jeunes viennent de milieux urbains ». Comprendre : des banlieues des grandes agglomérations. Ces “jeunes” que, souvent, l’opinion publique désigne comme des voyous, des “racailles”. Le lien est fait.
Le football, aujourd’hui, c’est la banlieue. Attirés par un rêve de réussite sociale bien plus que par l’amour d’un maillot, les jeunes des cités ont imposé leurs codes dans le football. Dans Fractures françaises, le sociologue Christophe Guilluy décrit une France périurbaine ou rurale « qui en a ras-le-bol de l’équipe de France racailleuse, avec les écouteurs sur la tête ». De son côté, Daniel Riolo estime que « si le foot, divertissement supposé faire oublier le quotidien, met précisément en scène les mecs qui génèrent le plus d’anxiété dans la vie de tous les jours, le rejet va vite se manifester ».
Analysant ce mouvement, qui souligne, en creux, l’échec du modèle républicain d’intégration, si vanté en 1998 lors de la victoire en Coupe du monde, l’auteur revient sur le mythe mensonger de la France black-blanc-beur, sur l’édifiant France – Algérie du 6 octobre 2001, où l’autisme et l’aveuglement des responsables politiques s’étalèrent au grand jour. Et Riolo de rappeler qu’en dépit d’un grand nombre d’immigrés d’origine polonaise ou italienne, les France – Italie ou les France – Pologne d’antan n’avaient jamais donné lieu à un tel “spectacle”.
C’est une clé — polémique — de l’ouvrage : l’islamisation du football français
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