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jeudi 16 mai 2013

Manuel Valls, faux dur et vrai sectaire

16 Mai 2013



Amateur. Il est plus facile de réprimer la "manif pour tous" que de lutter contre les casseurs du Trocadéro et aiutres délinquants. Un an après son installation, le bilan du "Premier flic de France" s'annonce calamiteux. Valls ? Un tigre de papier, plus fort en gueule qu'en actes.

21 mars 2013, dîner du Crif. Dans trois jours, les opposants au “mariage pour tous” manifesteront à Paris pour protester contre le projet Taubira. Manuel Valls est serein. Ses services annoncent à peine 100 000 personnes. Un baroud d’honneur des cathos, l’ultime sursaut de cette “France d’avant” que la gauche a toujours abhorrée. Rien de grave. Depuis plusieurs semaines, La Manif pour tous fait des pieds et des mains pour obtenir le droit de défiler sur les Champs-Élysées. Il se murmure que la Préfecture de police pourrait autoriser les manifestants à circuler sur la moitié de la place de l’Étoile. Député de la Drôme, orateur du groupe UMP sur ce texte, Hervé Mariton s’approche du ministre pour lui glisser un mot sur cette polémique. La réponse fuse, cassante : « Le préfet de police t’a proposé la moitié de la place de l’Étoile ? Tu ne l’auras pas ! », assène-t-il, de toute la hauteur que lui confère sa fierté catalane. « Allez donc manifester entre Corbeil et Évry ! L’Étoile, vous ne l’aurez pas ! C’est moi qui décide ! »


On connaît la suite : une affluence record que le ministère de l’Intérieur n’avait pas su prévoir. Des policiers et des gendarmes en sous-effectifs qui se laissent déborder et réagissent brutalement. Des jets de gaz lacrymogènes sur des familles et des enfants. Une gestion chaotique d’une manifestation pacifique qui jette le discrédit sur les forces de l’ordre. Et, pour finir, un ministre qui, après avoir péché par suffisance, perd ses nerfs et devient agressif…

Tout avait pourtant si bien commencé ! Longtemps, Manuel Valls est passé pour le bon élève du gouvernement. Un “pilier”, rapidement consacré “poids lourd” alors qu’il exerçait Place Beauvau sa première fonction ministérielle. Célébré par la gauche, qui croyait masquer grâce à lui l’amateurisme du gouvernement Ayrault. Applaudi par la droite, rassurée de voir qu’au sein de cette équipe pour le moins dogmatique, un homme au moins osait transgresser la doxa socialiste et “parler des vrais problèmes”…
Une légende s’est forgée autour de l’impétueux ministre de l’Intérieur. En tête des classements de popularité, fait rarissime pour un ministre en exercice, Manuel Valls est le seul membre du gouvernement à avoir connu un état de grâce. Il s’offre alors le luxe d’enterrer deux promesses de François Hollande : le droit de vote pour les étrangers, qui n’est pas, selon lui, une « revendication forte de la société », et la mise en place d’un récépissé à l’issue des contrôles d’identité — pour ne pas « compliquer de manière déraisonnable le travail » des forces de l’ordre.

Pour affirmer ses ambitions, il convoque les figures tutélaires de la gauche, surtout Georges Clemenceau. Comme lui, il soutient que « la réforme sociale ne peut se faire en dehors du cadre de l’ordre républicain ». Place Beauvau, il a fait accrocher un portrait du Tigre au mur de son bureau. Il veut faire oublier Sarkozy. Dénonce son « funeste discours de Grenoble ». Lui reproche d’avoir « hystérisé la société ». L’accuse d’avoir mené une « politique du chiffre » doublée d’une « course à l’échalote » pour séduire les électeurs du Front national. Il se rêve en rénovateur du Parti socialiste, prompt à le débarrasser de ses lubies angéliques.

Mais Valls se voit trop beau. Il agace d’abord ses camarades. Lors qu’il accuse, le 13 novembre 2012 à l’Assemblée, la droite d’être responsable du « retour du terrorisme », il est sèchement recadré le soir même par Hollande, lors d’une conférence de presse à l’Élysée. L’image s’écorne. Au PS, on se souvient que celui qu’on a longtemps surnommé “monsieur moi-même” roule pour lui seul. N’a-t-il pas déclaré en 2009, en revenant de la garden-party de l’Élysée, qu’il était « en repérage » ? Ses rivaux commencent à murmurer qu’il désire surtout succéder à Jean-Marc Ayrault à Matignon.

À droite, on réalise un peu tard que l’icône qu’on a encensée prend désormais trop de place. Alors on attaque, pour mettre un terme à la “vallsmania”. Xavier Bertrand monte au créneau : « Des coups de menton, des grands discours, cela ne fait pas une politique ! » Les deux anciens ministres de l’Intérieur, Claude Guéant et Brice Hortefeux, accusent leur successeur de jouer « sur une ambiguïté » : un ton martial, mais peu de décisions. « Où sont vos résultats ? l’interpelle Valérie Pécresse. Avec l’arrivée au pouvoir de François Hollande, c’est la culture de l’excuse qui triomphe à nouveau, cette culture qui fait du délinquant la victime et de la victime un gêneur. » Éric Ciotti fustige son « laxisme » et son « inefficacité ».

« Je suis un ministre populaire qui, de l’avis de beaucoup, obtient des résultats », rétorque Valls. Il y a pourtant un écart abyssal entre ses discours et ses actes. Derrière l’apparence de fermeté se cache la circulaire sur l’immigration (lire page 30), qui assouplit les critères de naturalisation, et le nombre de reconduites à la frontière, qui ont baissé de 20 % en quelques mois. Accablantes pour son ministère, les statistiques de la délinquance permettent, chiffres à l’appui, de démythifier son bilan : « Tous les indicateurs sont au rouge », s’inquiète l’ancien ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux (lire notre entretien page 33).

Aux cambriolages, vols à la tire et “attaques de diligence”, le ministre n’oppose que des effets de manche. À Marseille — où il a envoyé des policiers spécialement enlevés de Seine-Saint-Denis ! —, tout devait changer, comme en Corse. Et pourtant… Particulièrement cruel est le chiffre des cambriolages à Paris : en janvier, on observe une hausse de 60 %. En février, la hausse est à nouveau de 60 %. En mars, elle atteint 70 %.
Sectaire, Manuel Valls a fait la démonstration qu’il l’était en marge de la “manif pour tous”. Il accuse les opposants au mariage homosexuel d’avoir « libéré la parole homophobe », Henri Guaino de se comporter « comme un factieux ». Et jamais il n’a regretté la répression disproportionnée des forces de l’ordre envers les jeunes levés contre la loi Taubira : il ne voit en eux que des « groupuscules identitaires d’extrême droite qui s’en prennent aux institutions », cherchant par leurs « actions violentes [à] déstabiliser la République »

Sectaire, il l’est aussi dans sa gestion d’une administration sous tension et au bord de la rupture. Des nominations politiques aux renvois inopinés d’anciens collaborateurs de la droite, le ministre de l’Intérieur ne fait pas de quartier (lire page 32). Le directeur général de la Police nationale (DGPN), Claude Baland, pourtant nommé par ses soins en septembre, serait sur le départ pour incompatibilité d’humeur.

Soufflant le chaud et le froid en permanence, Manuel Valls voulait faire de son passage Place Beauvau un modèle de réussite. À défaut d’avoir obtenu des résultats, il a, par ses coups de menton, imposé une marque — la vigueur des mots, la faiblesse des actes — et un style : faux dur, mais vrai sectaire.

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