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mardi 25 mars 2025

Le nouvel esclavage : sans papiers, ils travaillent avec les papiers des autres

@Môsieur J.-Wikimedia Commons 
 
@Môsieur J.-Wikimedia Commons

 

 

 À Poitiers, les livreurs réclament leur régularisation, soutenus par la gauche qui est... leur premier client.

Dans l’époque que nous vivons, il n’est pas rare que le « faire-savoir » prenne le pas sur le savoir-faire. Autrement dit, la com’ est aussi importante que l’action. C’est pourquoi un collectif de livreurs, soutenu par la CFDT, la Cimade (association de soutien aux migrants) et diverses organisations locales, a choisi le 21 mars – Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale – pour adresser une demande de régularisation au préfet de la Vienne.

Trois cents personnes sont venues encadrer la remise de la lettre à la poste centrale, brandissant des pancartes où l’on pouvait lire : « Justice et dignité pour les livreurs sans papiers ».

Un système d’exploitation bien rodé

Réunis dans le local de la CFDT, à Poitiers, ils étaient donc vingt, ce vendredi, tous coursiers d’origine guinéenne, à finaliser leur dossier avant d’aller le déposer collectivement à la préfecture. C’est un début, si l’on en croit le secrétaire général de l’Union départementale CFDT de la Vienne, qui le confie au Monde : « Il y a une centaine de livreurs dans la ville, tous étrangers et originaires de Guinée, du Pakistan ou d’Afghanistan, dont un bon tiers est sans papiers. » Le quotidien évoque ainsi la situation de Mamadou Sow, 26 ans, arrivé en France en 2017 et qui travaille sept jours sur sept pour les plates-formes Deliveroo et Uber Eats.

France 3 Régions est aussi allée à leur rencontre et témoigne : la majorité de ces livreurs vivent « dans une grande précarité ». Conséquence : « à Poitiers comme ailleurs, les coursiers en situation irrégulière sont contraints d'utiliser un système de sous-location puisque, sans papiers, ils ne peuvent pas créer de compte à leur nom ».

Les nombreux soutiens de ces malheureux – Amnesty International, l'association d'aide aux mineurs et jeunes adultes isolés Min' de rien, de l'hébergement social Welcome Poitiers, le Réseau éducation sans frontières de la Vienne, etc. – sont curieusement peu bavards sur cette question de la « sous-location ».

On trouve des informations sur le site StreetPress qui, en mars 2023, se penchait sur « le business des sous-locations de comptes Stuart, Uber Eats et Deliveroo ». On rappelait, dans cet article, qu’Uber Eats avait déclaré à l’AFP avoir déconnecté près de 2.500 comptes après avoir « identifié des utilisations frauduleuses » de l’application. « Il s’agit essentiellement de faux livreurs, soupçonnés de sous-louer leurs comptes à des travailleurs en situation irrégulière », déclarait le porte-parole de l’entreprise. StreetPress poursuivait : « Sur Facebook, on trouve même des groupes dédiés à ce business. Désormais, la demande a dépassé l’offre. Les prix explosent. »


L’esclavage communautaire

La sous-location tourne autour de 200 euros par semaine, souvent au profit des « grands frères » ou « cousins », car « le marché des sous-locations est aussi souterrain et se fait souvent au sein même des communautés ». Certains livreurs payent un pourcentage (parfois jusqu’à 50 %) sur le montant de leurs courses ; quant à la vente de comptes, elle est plus difficile mais néanmoins réalisable pour 2.000 à 3.000 euros.

Mais pas question de dénoncer les responsables de cet esclavagisme.

La cause de cette misère, c’est « le récent tour de vis de Bruno Retailleau concernant la régularisation des travailleurs sans papiers », dit France 3 Régions. En cause, la circulaire du 23 janvier dernier abrogeant la circulaire Valls du 28 novembre 2012, soit un texte qui « renforce ainsi le pouvoir d’arbitraire qu’ont déjà les préfectures », écrit la Cimade. Laquelle aurait souhaité que les livreurs soient inclus dans les « métiers en tension » - ce qui n’est pas le cas.

Du côté du Parti communiste, en pointe dans la lutte, on dénonce « le travail illégal [qui] crée des salariés exploitables à merci, craignant à tout moment d'être dénoncés, enfermés, assignés à résidence ». Et les jeunes communistes de la Vienne de déplorer : « Travailleurs sans-papiers, mais toujours à votre service. » Mais au service de qui, au fait ?


Les « très à gauche », clients d’Uber Eats

C’est vrai, ça : qui sont les clients des plates-formes Uber Eats, Deliveroo, Just Eat et compagnie ? À en croire Le Point, qui avait fait réaliser une enquête par Cluster17 en novembre 2023, « les électeurs se positionnant "très à gauche" sont les plus nombreux à utiliser ces plates-formes, à 29 %, contre 19 % des Français en moyenne… Leur enseigne de prédilection est Uber Eats, leader avec 40 % de part de marché, devant Deliveroo et Just Eat. »

Une analyse plus fine nous apprend qu’il s’agit des « "progressistes", plutôt jeunes, diplômés, travaillant souvent dans les arts et le spectacle ». Lesquels sont, bien sûr, « pro-européens, pro-accueil des migrants, pro-adoption pour les couples homosexuels, massivement contre la peine de mort, leurs votes vont à gauche ou à l'extrême gauche ». Et bien qu’il « représentent seulement 5 % des Français, c'est chez eux que le recours aux plates-formes de livraison de repas atteint un record, à 46 % ! »

Bref, tous ces donneurs de leçons déplorent, comme toujours, les effets dont ils chérissent les causes. Ils dénoncent d’un côté le « détricotage du modèle social » à la française, accusent le patronat d’esclavagisme, dénoncent majoritairement (à 63 % chez les « très à gauche ») le modèle des livreurs indépendants mais se font livrer leur pizza et leur shit en regardant Netflix.

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