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vendredi 6 septembre 2024

Marine Le Pen, maîtresse des horloges. M. Barnier aura-t-il son nihil obstat ?


Capture d'écran Capture d'écran

 

 

Enfin, on y est. Le travail a été long et douloureux, l’accouchement aux forceps et à la ventouse, mais cette fois, le bébé est là.

Il ressemble à Benjamin Button, comme si le nouveau monde avait engendré l’ancien, mais au moins, il va mettre un terme aux spéculations grandissantes quant à une démission du Président : Édouard Philippe, il y a deux jours à peine, donnait la première pelletée sur le quinquennat en annonçant sa candidature pour 2027, comme s’il en enjambait les trois dernières années sur l’air cruel du « game over ». 

Sans Premier ministre, comment tenir ? On sait, in fine, ce qui arrive à l’âne de Buridan qui ne sait se décider : il disparaît. Et les atermoiements, les consultations, l'incessant name dropping, en attente d'une hypothétique fumée blanche, tournaient à la vaste farce.

La Rolex™ de Séguéla 

Le poste de Premier ministre ressemblait à Godot, la belle Arlésienne, la queue de Mickey et, surtout, à la Rolex™ de Séguéla : si tu as 50 ans et que tu n'as pas postulé, tu as raté ta vie. Tel le prince de Cendrillon, Emmanuel Macron faisait essayer la pantoufle de vair, mais même en recourbant les orteils, Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve n’ont pas réussi à y rentrer leur pied. Sur les réseaux sociaux, les noms les plus farfelus circulaient. Et pourquoi pas, après tout, Jean-Jacques Goldman, personnalité préférée des Français, pour son côté consensuel, et Yannick Noah, pour son ouverture sur la diversité ? Finalement, le lapin sorti du chapeau n’est pas si loin : Michel Barnier est trop homme du monde pour ne pas avoir disputé quelques tournois de tennis en polo Lacoste™, et il évitera à Emmanuel Macron de chanter plus longtemps « Je marche seul ». Seul Michel Barnier a réussi à glisser dans le soulier son petit peton, et en acceptant, comme dans La Belle et la Bête, d’épouser le prince charmant malgré ses préventions, l’a sauvé.

N’est-ce qu’un sursis ? C’est possible. En tout cas, cette parenthèse est permise par le Rassemblement national, qui tient au creux de sa main le destin du couple exécutif. La gauche, cornerisée - au moins pour cette manche, la prochaine se jouera, pour elle, certainement dans la rue -, ne compte plus que pour du beurre. Et Marine Le Pen campe un comte de Monte-Cristo encore plus convaincant que Pierre Niney. D’une phrase, elle a fait passer Xavier Bertrand, qui claironnait préférer au RN le parti aux plusieurs centaines de millions de morts, du Capitole à la roche Tarpéienne. Vous avez voulu le front républicain ? vous aurez le Front bertrublicain.

Nihil obstat du RN 

Quant à Emmanuel Macron, qui l’a écrasée de sa morgue lors des deux débats, il est obligé de quémander son nihil obstat. Sans garantie de longévité. Car Michel Barnier est en résidence surveillée, avec un bracelet électronique autour de son mandat : le RN a annoncé ne pas faire de censure de principe, mais prévient déjà qu'il va attendre le discours de politique générale pour décider, avec une attention particulière à cinq sujets : insécurité, immigration, pouvoir d’achat, finances publiques, proportionnelle. Et, last but non least, respect à l’endroit des électeurs du RN.

Michel Barnier, durant sa longue carrière de ministre et de député européen, ayant à peu près dit tout et son contraire, le suspense reste entier quant à son état d’esprit actuel et le contenu à venir de son discours. Et pour la courtoisie envers le RN, même si d'aucuns, comme Jean-Yves Le Gallou, lui prêtent cette qualité, ce n’est pas encore complètement gagné : sans vouloir mettre du rififi dans un bazar déjà assez compliqué, en avril 2022 - il y a deux ans, donc -, Michel Barnier s’essayait à un jeu de mots : « Avec Marine Le Pen, c’est le grand rétrécissement national. » L'humour lui va moins bien que le costume trois pièces.

En attendant, c’est Sandrine Rousseau qui va être drôlement contente (ou pas) : il faut désormais parler de maîtresse des horloges.

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