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dimanche 2 octobre 2022

Gazoducs : à quoi jouent les néocons Américains ?


 

En allant chercher de l’information, en particulier sur les sites anglo-saxons, on voit émerger une hypothèse concernant le sabotage des deux gazoducs qui desservaient l’Allemagne.

Rouletabille continue son enquête

Nous avons dit dans ces colonnes que la responsabilité des États-Unis dans cette opération était plus que probable. Une foultitude d’éléments convergent pour donner à ce scénario une certaine solidité. À cela s’ajoute aujourd’hui nombre d’informations complémentaires qui sembleraient pointer le rôle de la secte « néoconservatrice » de Washington. Depuis la chute de l’Union soviétique ce courant, dont le clan Kagan est l’emblème, entend peser lourdement sur la politique internationale de l’État américain. Concernant toutes les violations du droit international commise par les USA depuis 1991, on retrouve la patte de ce groupe furieusement belliciste et dont certains représentants sont carrément des fanatiques illuminés. Le fameux tweet du parlementaire polonais ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères Radek Sikorski constitue une sacrée indication. Cette personne est très liée depuis longtemps au groupe néoconservateur et ses remerciements aux États-Unis pour le sabotage n’ont pas été exprimés par hasard ou à la suite d’un mouvement d’humeur. La situation actuelle du pouvoir aux États-Unis est quand même très particulière avec un président manifestement atteint de démence sénile et dont on apprend qu’en 2021, 50 % de son temps a été consacré à ses vacances et son repos… Les différents groupes et institutions de la haute administration américaine, parfois très divisés essaient de profiter de cette situation pour avancer leurs pions. Il semblerait qu’avec l’opération de la mer Baltique les « néocons » aient marqué un point.

Ils sont connus pour avoir en permanence des plans pour recomposer le monde. On se rappelle leur rôle et leurs objectifs dans le déclenchement de la guerre d’agression contre l’Irak. Ou plus récemment leur plan de morcellement en plusieurs entités fantoches de la Russie. Il semble bien qu’ils en aient également un concernant l’Europe, concocté actuellement avec la Pologne sur laquelle ils s’appuient.

Même si cette présentation est spéculative quelques recherches permettent d’en identifier les contours.

Une pincée de complotisme

Il s’agit de l’initiative « Trimarium » (Initiative des trois mers) sortie des cerveaux des penseurs néoconservateurs et qui pourrait sonner le glas de l’Europe occidentale, et de l’UE construite à son initiative.

Les grands groupes pétroliers américains, souhaitent affaiblir drastiquement, voir détruire leurs principaux concurrents économiques : la Chine, l’Union européenne et la Fédération de Russie, pour ensuite relancer un nouveau cycle de croissance économique. Cependant, personne n’étant prêt à mourir dans un conflit nucléaire, la troisième guerre mondiale est déjà en cours sous la forme hybride avec une série d’affrontements armés régionaux, de guerres commerciales, contre des concurrents accompagnées de la suppression d’adversaires potentiels, grâce à un considérable système de sanctions économiques bénéficiant du statut du dollar.

L’opération du 27 septembre 2022, qui a endommagé les gazoducs sous-marins Nord Stream 1 et Nord Stream 2, a frappé simultanément la Russie et l’Union européenne dont principalement, sa « locomotive » économique, l’Allemagne.

L’Initiative des Trois Mers (3SI) ou « Initiative Baltique-Adriatique-Mer Noire », est une association de « niveau présidentiel » regroupant 12 pays d’Europe centrale et du Sud-Est. En 2022, l’Ukraine les a rejoints en tant que partenaire. Ce projet d’intégration comprend l’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie, la République tchèque, l’Estonie et maintenant l’Ukraine.

Il ressort clairement de son intitulé que cette union doit avoir accès à trois mers : Baltique, Adriatique et Noire. Ensemble, ces 13 pays forment un axe méridional qui coupe le Vieux Continent en deux et sépare l’Europe occidentale de la Fédération de Russie. Cette initiative n’a donc rien à voir avec un simple réseau de transport ferroviaire, fluvial ou routier.

Elle est essentiellement une variation de l’idée de Jozef Piłsudski d’une République des Deux Nations confédérée, qui a acquis un nouveau contenu après la révolution de l’extraction du gaz de schiste aux États-Unis. Mais cette initiative est un danger pour l’Allemagne. Dont la réussite économique repose en grande partie sur la consommation de ressources énergétiques bon marché en provenance de Russie. Et sur l’accès à une main-d’œuvre formée et peu chère, venant d’une Europe centrale issue du monde socialiste. Au cours des dernières décennies, de nombreuses branches des gazoducs de Gazprom avaient été créées, d’est en ouest. Aujourd’hui, ces « lignes de vie » pour l’Allemagne ont commencé à être brisées. Rappelons-nous l’opposition farouche des États-Unis et de la Pologne à Nord stream 2.

Dans le cadre de Trimarium, une infrastructure de transport de gaz est déjà en cours de construction, qui devrait relier les côtes de la Baltique, de l’Adriatique et de la mer Noire en un seul réseau. De nouveaux terminaux GNL sont en cours d’ouverture en Pologne, dans les pays baltes, en Croatie, en Grèce et en Bulgarie pour les transporteurs de gaz liquéfié américains. C’est probablement pourquoi Varsovie et Sofia ont refusé de passer au paiement en roubles des ressources énergétiques russes, et les Polonais ont construit leur oléoduc balte à partir de la Norvège comme filet de sécurité.

Toutefois, pour inclure les trois mers dans un seul réseau, il faut disposer d’une infrastructure appropriée, de préférence prête à l’emploi. La solution la plus simple consiste à récupérer l’un des principaux gazoducs de Gazprom, qui traverse les pays d’Europe du Sud-Est, et à l’utiliser pour ses propres besoins.

C’est également là un des intérêts de l’Ukraine, qui a rejoint cette année l’initiative des trois mers en tant que partenaire. En Ukraine, les Américains ne s’intéressent pas aux gazoducs, mais aux immenses installations de stockage souterrain construites par les Soviétiques dans l’ouest du pays. La capacité de ces installations est de 25,6 milliards de mètres cubes. Au passage on relèvera le véritable exploit de l’ingénierie soviétique. C’est pourquoi, après le début de « l’opération spéciale russe » , le ministre ukrainien de l’énergie, M. Galuschenko, a fait la proposition suivante le 26 mars : « L’Ukraine dispose d’importantes capacités de stockage de gaz, nos réservoirs souterrains sont les plus grands du monde. Dans le cadre de l’initiative Trimarium, nous avons l’intention de proposer nos propres installations pour créer une réserve stratégique de gaz pour les pays d’Europe ».

Lorsqu’elle était chancelière, Angela Merkel a insisté pour que Gazprom maintienne le transit par l’Ukraine même si Nord Stream 2 était mis en service, car l’Allemagne savait qu’elle aurait besoin des installations de stockage ukrainiennes.

Après le sabotage des deux Nord Stream, la mise en œuvre de l’étape suivante de ce scénario serait le suivant. L’hiver 2022-2023 sera très dur pour l’Allemagne sans le gaz russe, son processus de désindustrialisation va s’accélérer, tandis que la Pologne voisine, avec le soutien des États-Unis, commencerait à développer son potentiel économique et militaro-industriel avec la condition d’être un outil de première ligne pour aider l’Ukraine dans sa guerre avec la Russie

Une fois la construction des infrastructures de réception du GNL et les interconnexions achevée, Kiev arrêterait le transit du gaz russe vers l’Europe. Probablement à la mi-2023 ou au début de 2024, lorsque le contrat de l’Ukraine avec Gazprom arrivera à échéance sans qu’un nouveau contrat ne soit signé. Le stockage de gaz ukrainien et ses installations, ainsi que les gazoducs russes nationalisés en Europe, seront regroupés en un seul réseau Sud-Nord et redirigés pour pomper le GNL américain regazéifié sur les rives de la Baltique, de l’Adriatique et de la mer Noire.

L’Europe de l’Ouest dans la nasse ?

Ce plan est une façon « amicale » de briser l’Union européenne dans sa forme actuelle. L’Europe occidentale, et notamment l’Allemagne, se retrouveraient sans gaz russe et totalement dépendantes des coûteuses importations de GNL en provenance des États-Unis, situation affaiblissant considérablement leurs économies. Pour compléter, on mettrait en place au sein de « Trimarium », une « OTAN orientale » indépendante de l’Europe de l’ouest, instrument docile de la guerre avec la Russie.

Voici le nouveau repositionnement américain auquel rêve les cerveaux malades des néoconservateurs US. Cette combinaison, est destinée d’abord à détruire l’Allemagne puis mettre à genoux toute l’Europe de l’Ouest. À l’exception de la Grande-Bretagne qui a déjà largué les amarres avec l’UE et s’est repositionnée auprès des États-Unis.

Tout ceci est très joli sur le papier, mais comme beaucoup des plans des bellicistes de Washington, il se heurtera au réel et au nouveau rapport de forces international tel qu’il se dessine comme nous l’avons constaté récemment à Samarcande. Malheureusement et on l’avait bien vu avec l’Irak le fameux remodelage du Moyen-Orient que devait provoquer l’invasion américaine de l’Irak n’a produit que des catastrophes sanglantes.

 Mais cela n’arrête pas les fous de Washington.

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