Tous les soirs, sur Europe 1, le sémillant et lisse Julien Bugier reçoit un éditorialiste pour commenter l’actualité et lui décerner un coup de cœur ou un coup de griffe.
Jeudi soir, parmi les innombrables voix cathodiques que compte le PAF, à J-1 du couvre-feu, c’est à « une avocate (sic) et femme engagée » qu’Europe 1 tend le micro. Tiphaine Auzière…
Jamais, pendant la chronique de cette jeune femme blonde et masquée, la station n’a jugé bon de prévenir les auditeurs que c’est la propre belle-fille d’Emmanuel Macron qu’ils ont chargée de faire le service après-vente du couvre-feu décrété par le Président.
La radio d’Arnaud Lagardère, ami du président de la République, ne fait même plus semblant de faire du journalisme : comme si les Français, anesthésiés par la peur, étourdis d’informations contradictoires, plombés par l’ambiance anxiogène savamment entretenue par la parole gouvernementale et par les médias-pravdas, terrifiés par l’hydre covidienne et la perspective, bien plus réelle celle-là, de perdre leur gagne-pain, comme si les Français, donc, ne valaient même plus la peine que « l’on fasse semblant » de s’adresser à leur intelligence, à leur esprit critique. Le ridicule et la vanité s’ajoutent à l’arrogance et au mépris.
Le cercle du pouvoir occupe tous les espaces médiatiques d’expression – ou presque ; il paraît d’ailleurs, que les bonnes audiences de CNews préoccupent l’Élysée -, le cercle kafkaïen dans lequel sont confinés les Français se dédouble dans une sorte de mise en abyme digne des meilleures scènes du Truman Show.
De sa voix appliquée d’institutrice de classe primaire, Tiphaine Auzière, qui fait la une du Paris Match de la semaine dernière, se veut pé-da-go-gue.
À tous ceux qui s’insurgent contre le couvre-feu et autres limitations drastiques des libertés publiques décrétées par le gouvernement depuis sept mois, elle répond : « Est-ce que vivre pour soi, ce n’est pas condamner l’autre ? », insufflant la bonne dose de moraline culpabilisatrice – ah, ce mal si français ! – qui n’est que le cache-misère de la gestion de la crise sanitaire. Citant la déclaration des droits de l’homme, « elle rappelle que tout homme a droit à la vie » et qu’il appartient à tous les citoyens, et a fortiori à l’État, de garantir ce droit à la vie car, poursuit-elle, « la liberté consiste à ne pas faire ce qui nuit à autrui ». On notera, au passage, la pachydermique subtilité du macronisme qui, on le rappelle, a fait voter en pleine nuit, et au mois d’août, la possibilité de tuer dans le sein de sa mère un enfant prêt à naître…
« Si je refuse de suivre les consignes du Conseil scientifique, je fais prévaloir ma liberté, aux dépens de votre santé. En revanche, si j’accepte un encadrement temporaire de mes libertés – le doux euphémisme -, j’assure la protection de tous, et particulièrement des plus faibles », explique-t-elle.
Le réel, ce fasciste, est tout autre. Comme le dit Arnaud Benedetti : « L’État ne pouvant garantir le fonctionnement normal limite à nouveau les libertés publiques pour s’essayer à contenir le virus. De facto, la société est la variable d’ajustement des insuffisances des pouvoirs publics. »
Enfin, il est frappant de voir que, sous le règne de Macron, dont l’élection signifiait le triomphe sans partage des droits individuels, l’achèvement définitif de la « révolution » de 68, l’affranchissement total des lois de la nature et l’avènement d’une société fluide toujours en mouvement, la liberté est devenue obscène, immorale, et le droit à la santé le premier entre tous.
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