Au risque de nous répéter et d’enfoncer des portes ouvertes, l’armée, c’est fait pour faire la guerre.
Qu’elle soit juste ou injuste, n’en déplaise au pape François.
L’armée n’est pas un centre aéré et les militaires ne sont pas des animateurs sociaux. Certes, un certain Hubert Lyautey disserta, à la fin du XIXe siècle, sur le rôle social de l’officier, dans un contexte d’appel massif à la conscription. Les temps ont changé et les contraintes budgétaires incitent fortement à se concentrer sur le « cœur de métier », comme disent les technocrates aujourd’hui. Du reste, Lyautey ne perdait jamais de vue la finalité opérationnelle. Il fallait susciter l’adhésion de ses hommes, chose qui n’allait pas de soi à l’époque, car, écrivait le futur maréchal de France, « au feu […] la discipline matérielle, les moyens répressifs feront triste figure si l’officier n’a pas d’autre secret au service de son autorité ».
Tout cela pour en venir à la proposition du ministre de la Justice, qui persiste et signe, d’encadrer militairement certains mineurs ou jeunes majeurs délinquants.
En juillet, Éric Dupond-Moretti avait lancé une première salve. La seconde vient d’arriver. Plus précise, cette fois-ci, puisqu’il vient d’évoquer, sur le plateau de Bourdin, un entretien qu’il aurait eu avec Florence Parly, ministre des Armées, ainsi que l’idée d’un « partenariat » entre les deux ministères. L’ancien avocat explique qu’« actuellement, l’armée accueille des jeunes, souvent déshérités. Elle leur propose une formation, ils sont payés, et à l’issue de la formation, on offre le permis de conduire au gamin. »
L’armée n’est pas un centre de loisirs ou de transit. Elle n’accueille pas. Elle incorpore. Des jeunes de toutes conditions sociales, déshérités comme héritiers. Ces jeunes signent un engagement à servir en tout temps et en tout lieu. Ensuite, une fois qu’ils ont signé en toute connaissance de cause, l’armée les forme en vue de l’engagement opérationnel : faut-il rappeler que nos forces font la guerre au Sahel ? Le permis n’est pas un cadeau offert comme un petit plus commercial ou social. On fait passer le permis, si le « gamin » ne l’a pas, pas pour qu’il aille draguer pendant ses perm’ – tant mieux s’il peut le faire – mais pour conduire des véhicules militaires qui, parfois, sont surmontés d’un long tube qu’on appelle canon, d’une mitrailleuse ou de tout autre engin destiné à autre chose qu’à projeter des pétales de rose – on appelle ça un char ou un véhicule blindé. Au cas où, on précise.
Dieu merci, comme dirait Jean Castex, Éric Dupond-Moretti concède que les choses ne sont pas faites. « Techniquement, c’est compliqué, on est en train d’y travailler avec Florence Parly. » C’est compliqué : techniquement, seulement ? À une époque où tout le monde donne son avis sur tout, surtout s’il n’y connaît rien, on pourrait peut-être demander ce qu’en pensent, ne serait-ce que techniquement, les militaires. Et puis quelqu’un pour dire à Dupond-Moretti que le temps des bidasses en folie est fini ?
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