25 novembre 2016
Article écrit pour RT FRance.
Alain Juppé peut-il encore gagner le suffrage de dimanche, après une première partie de semaine où ses attaques frontales contre François Fillon ont probablement laissé des traces?
Alors qu’il s’est employé, lors du débat d’hier soir, à corriger cette terrible image d’une primaire tournant au pugilat et aux coups sous la ceinture, l’opinion devrait retenir une « déprésidentialisation » du maire de Bordeaux qui pourrait lui coûter cher.
Alain Juppé à front renversé
Pour Alain Juppé, le virage était difficile à négocier.
Après avoir mené la course en tête, les deux épaules au-dessus du marigot où Nicolas Sarkozy attirait toutes les attentions et toutes les haines, le maire de Bordeaux s’est sans s’y attendre retrouvé pris en tenaille.
D’une part, la très nette longueur d’avance prise par Fillon l’a obligé à se « mouiller ».
Brutalement, Juppé comprenait que la campagne menée depuis plusieurs mois sur les réseaux sociaux, le qualifiant notamment d’Ali Juppé, n’avait laissé aucun marqueur dans les sondages, mais avait profondément nui à sa crédibilité.
Il était temps de sortir du bois et de montrer qu’il n’était pas le candidat de l’immobilisme que tout le monde décrivait.
D’autre part, Juppé a surpris les électeurs défavorablement en cassant son image « ronde » par ses attaques subites contre son rival.
Pour le Français moyen, ce qu’il entendait dire de Juppé (cassant, méprisant, peu à l’écoute) et que Juppé s’était employé à cacher depuis longtemps, prenait soudain tout son sens.
L’effet sera probablement dévastateur dans l’opinion.
Un risque d’implosion de la droite
La préférence des Français pour le prestige présidentiel
La primaire laissera-t-elle des traces?
De fait, malgré les nombreuses promesses d’un débat digne, Juppé a semblé déraper par un discours musclé et agressif contre Fillon.
Les attaques ont été maladroites pour plusieurs raisons.
D’abord, elles ont porté sur des sujets relativement inattendus et extérieurs au programme du candidat Fillon.
En particulier, les attaques sur l’avortement ou sur le sexisme ont pris des allures de coups de poignard dans le dos inspirant une sympathie très relative aux témoins de la scène.
Le fait que Nathalie Kosciusko-Morizet se répande sur le refus que Fillon lui aurait opposé de la nommer ministre du fait de sa grossesse a probablement constitué une sorte de comble qui a mis tout le monde mal à l’aise.
Ainsi, après avoir déchiqueté Sarkozy, les « modérés » étaient prêts à réserver le même sort à Fillon?
Ensuite, Juppé, arrivé deuxième du premier tour, a pris des allures hautaines pour interpeller Fillon. En semblant lui demander des comptes à la manière d’un instituteur face à l’élève, Juppé a confirmé le pressentiment des électeurs sur l’arrogance tout énarchique de l’impétrant.
En terme de positionnement, l’effet est redoutable.
Enfin, Juppé a commis une erreur de bleu, que n’importe quel commercial évite soigneusement: il a passé plus de temps à casser le programme de son adversaire (lui faisant ainsi une publicité inattendue) qu’à parler de son propre programme.
Fillon n’en demandait pas tant.
Pour toutes ces raisons, la campagne de dénigrement de Juppé a constitué, pour la droite française, un choc probablement plus grand que toutes les polémiques qui se donnent libre cours depuis six mois.
De fait, si la primaire de la droite a permis d’imprimer une leçon, c’est celle de la préférence populaire pour le prestige présidentiel.
Drapé dans sa dignité de candidat au-dessus des polémiques partisanes, François Fillon a donné de lui une image rassurante d’homme de caractère qui se maîtrise et il a projeté sur la fonction à laquelle il aspire un prestige, une dignité, une hauteur, que les Français adorent.
Au fond, les Français ne veulent à l’Elysée ni d’un hyperactif, ni d’un bavard, ni d’un colonel de hussards.
Ils veulent une personnalité distante, froide, à la limite de l’austérité, qui incarne plus la fonction par ses silences que par ses prises de parole.
L’habileté de Fillon a consisté à incarner ce modèle, jusqu’à donner le sentiment qu’il lui était naturel.
C’est toute l’astuce du personnage.
Certains ont bien esquissé la théorie du « faux dur », mais cette carte a été mal utilisée par Juppé, qui l’a transformée en outil de barnum (sur le mode du « moi, je suis un vrai dur », qui était grotesque) là où il fallait la jouer fine.
Reste que pour Fillon, l’opération de présidentialisation est une réussite.
Pour la droite, la primaire risque en tout cas de ne pas être un jeu à somme nulle.
Elle a constitué un moment fort, et substantiellement destructeur.
On ne parlera pas ici seulement de l’élimination de Nicolas Sarkozy, qui a ressemblé à une explosion en plein vol après un tir de missile.
On parlera aussi et surtout des petites trahisons entre amis qui vont continuer à produire leurs effets dans le temps.
Ces effets devraient pénaliser longuement Valérie Pécresse, désormais unanimement surnommée Valérie Traîtresse, et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’a pas brillé par des résultats détonnants, et qui devrait voir sa légitimité fortement contestée à Paris (où les fillonistes sont puissants).
À n’en pas douter, la droite parisienne, qui s’est beaucoup dispersée durant cette primaire, risque de connaître quelques secousses dans les mois ou années à venir.
Quelques destins masculins resteront aussi, sans doute, en suspens.
Bruno Le Maire en a pris un sacré coup en terminant cinquième, avec un score très faible d’une primaire qu’il comptait terminer sur le podium.
Jean-François Copé est désormais perdu pour la science, et son score pathétique prend des allures d’hommage funèbre.
Mais, les urnes ont parlé.
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