Coup de théâtre ! L’intervention russe qui a remis en selle le gouvernement de Bachar El Assad et l’armée régulière syrienne prendrait fin prochainement. Trop tôt ?
Poutine a ordonné hier soir le retrait de la majeure partie du contingent militaire, essentiellement aérien, déployé en Syrie depuis le 30 septembre.
Les milliers de raids de l’aviation et les bombardements de la marine russes ont permis à l’armée syrienne de reprendre l’avantage sur le terrain.
Ils ont aussi démontré par le contre-exemple la duplicité de la coalition occidentale dirigée par les États-Unis qui prétendait combattre l’État islamique, mais n’ont jamais obtenu de résultat significatif.
Le Kremlin souligne que la décision du président russe fait l’objet d’un accord avec son homologue syrien :
Les dirigeants ont souligné que l’intervention des forces aériennes russes avait permis de radicalement changer la situation dans la lutte contre le terrorisme, de désorganiser les infrastructures des combattants (ennemis) et de leur porter un coup important.
C’est en effet un signal fort envoyé au moment où a débuté à Genève un nouveau cycle de négociations entre des représentants du président Bachar El-Assad et de la très hétéroclite opposition syrienne représentée par le Haut comité des négociations (HCN).
Signal fort et prématuré ?
Alors que toutes les composantes de l’opposition sont sous pression militaire et acceptaient peu à peu le principe d’un dialogue avec Assad – sous l’impulsion aussi de leurs mentors américains, déboussolés par l’intervention russe — ce retrait subit risque de leur redonner des ailes.
Dès le premier jour, en effet, le sort réservé au président Bachar El-Assad faisait déjà débat et menaçait de faire capoter le processus de paix.
Le HCN veut la mise en place dans les six mois qui viennent d’un « organe de transition » doté de tous les pouvoirs, une solution qui implique le départ d’Assad « vivant ou mort », selon les opposants.
« Nous voulons un dialogue entre Syriens, mais sans condition préalable », a rétorqué M. Jaafari, ambassadeur de la Syrie à l’ONU.
En effet, pour Damas, il est hors de question de parler du sort du président Assad et la transition ne doit être qu’un simple remaniement ministériel avec un « gouvernement d’union » élargi à des opposants.
Ces discussions sont rendues possibles par l’entrée en vigueur d’une trêve entre les belligérants, signée sous l’impulsion de la Russie et des États-Unis.
Hormis quelques violations, elle tient, notamment par la menace directe de bombardements russes sur tous les groupes qui n’adhéreraient pas à son principe : s’engager dans un dialogue politique avec le pouvoir légal syrien.
De même, la volonté turque d’intervenir directement en Syrie est pour le moment freinée par la présence dissuasive des forces russes.
Le retrait russe risque de mettre à bas ce fragile équilibre… à moins que son annonce ne constitue un piège destiné à éprouver la sincérité de ces ralliements au processus politique.
C’est l’hypothèse optimiste.
L’option plus réaliste est que la Russie a rempli ses objectifs stratégiques en sécurisant sa base navale de Tartous, le seul point de ravitaillement et de réparation de la Marine russe en mer Méditerranée.
Elle permet aux navires de guerre russes d’éviter d’avoir à regagner leurs bases de la mer Noire en passant par les Détroits turcs et se trouvait menacée par l’avancée des différents groupes « d’opposition », plus ou moins djihadistes.
Du point de vue russe, l’intégrité territoriale de la Syrie n’est pas forcément un objectif majeur (Poutine avait d’ailleurs fait des déclarations dans ce sens), tant que la « Syrie utile » reste aux mains de son allié Bachar El Assad.
L’avenir de la Syrie reste donc plus incertain que jamais.
C.D.
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