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mercredi 22 octobre 2014

Le roi s’ennuie…


French President Hollande listens to LVMH luxury group Chief Executive Bernard Arnault as they walk near a model of the Fondation Louis Vuitton art museum during its inauguration in the Bois de Boulogne


Le 21 octobre 2014


   
Eléphant égaré dans un magasin de porcelaine, le Président a mis un nuage de culture dans sa tasse de thé.
 
Mais qu’arrive-t-il à François Hollande ?
Jusque tout récemment, on ne pouvait reprocher à l’actuel chef de l’État ni ses interventions ni ses préférences ni ses références en matière culturelle, tant son indifférence en ce domaine était notoire, ancienne, ancrée et pluridisciplinaire.
À vrai dire, on ne lui connaissait aucun goût ni pour la lecture ni pour la peinture ni pour le cinéma ni pour le théâtre, ce qui ne l’avait d’ailleurs nullement desservi dans sa carrière d’apparatchik socialiste puis de candidat du PS à l’Élysée.
De fait, il recueillit en 2012 les suffrages des milieux artistiques moins sur sa bonne mine ou sur sa personnalité que sur son étiquette politique, qui lui valut, comme d’habitude, leur soutien massif lors de sa campagne présidentielle.
Depuis son élection, son absence d’intérêt pour un domaine qui lui était manifestement étranger s’était traduite par le gel, sans précédent sous un gouvernement de gauche, puis par la diminution du budget de la Culture qu’Aurélie Filippetti, sans poids politique au sein d’une équipe de technocrates, n’avait pas su défendre, et par la désaffection croissante d’un public qui lui était normalement acquis.
Or, depuis quelques jours, changement à vue, annoncé, spectaculaire, ostentatoire.
 On apprend, coup sur coup, que la salle de projection du 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré a été réactivée et que le Président y organise des séances pour happy few, que le Président fréquente les salles de théâtre – mal conseillé, il est allé voir Hôtel Europe, le flamboyant navet de Bernard-Henri Lévy et, au Théâtre-Français, Un chapeau de paille d’Italie, un Labiche de derrière les rideaux qui ne prend pas la tête –, que le Président rend une visite discrète mais savamment ébruitée et photographiée à Ernest Pignon-Ernest, qu’il inaugure l’édifice de verre et d’acier bâti au bois de Boulogne par Frank Gehry pour Bernard Arnault, qu’il honore de sa présence la réouverture du musée Picasso.
 Il vante, lyrique, le rayonnement de la France, mère scintillante des lettres et des arts, il prend la défense des droits du créateur en la personne de Paul McCarthy, l’auteur du machin vert déposé l’autre semaine le long de la colonne Vendôme.
 Ne dites plus à François Hollande qu’il ne connaît pas le mot « culture », il sortirait son agenda.
Que s’est-il donc passé ?

D’abord et tout simplement qu’à la différence du monarque du drame de Victor Hugo, le Président ne s’amuse pas.
 Le roi s’ennuie le soir, tout seul dans son palais déserté, où la compagnie de Jean-Pierre Jouyet, de Bernard Poignant ou de Michel Sapin ne saurait constituer un divertissement durable.
 Comme le premier quidam venu, François Hollande avait besoin de sortir pour se changer les idées.
La deuxième raison en est que l’hôte à bail réduit de la maison dont les murs abritèrent avant lui, outre Madame de Pompadour, le général de Gaulle ou François Mitterrand, s’avise un peu tard qu’en France, si l’on veut faire Président, c’est-à-dire revêtir l’habit de la fonction, il est indispensable de se conduire en protecteur, voire en mécène des arts et des artistes.
De Gaulle et Mitterrand, tous deux personnellement grands liseurs, pouvaient se prévaloir l’un de Malraux et de la création du ministère de la rue de Valois, l’autre de Jack Lang, des grands travaux et du 1 % symbolique d’un budget « sanctuarisé ».
 Chirac avait compris sur le tard qu’il devait cesser de jouer les béotiens amateurs de musique militaire et s’était découvert une passion pour les arts primitifs et les cultures exotiques.
 Sarkozy, après s’être déconsidéré en manquant de respect à la princesse de Clèves, avait été pris d’une boulimie livresque et cinéphile qui semble l’avoir changé, au moins sur ce point…
 François Hollande ne pouvait poser pour le portrait du premier Président français sinon analphabète, au moins anesthétique.
Dernière raison, et sans doute pas la moins déterminante.
Les lieux ne sont pas si nombreux en France en 2014 où le chef de l’État peut, sans trop de risque, se produire en public.
Les villes, les champs, les cités, les usines lui sont fortement déconseillés.
En revanche, ayant fini, comme tous ses prédécesseurs, par capituler devant la fronde des intermittents, François Hollande peut de nouveau se montrer dans les salles de spectacle et les musées sans y être chahuté, sifflé ou ridiculisé et entreprendre la reconquête d’une des rares catégories socio-professionnelles qui n’ont ni basculé à droite ni versé dans le Front national.

Et c’est ainsi qu’avant-hier, reçu en ami par l’homme le plus riche de France, le président Hollande pouvait s’extasier devant le nouveau monument qui vient de s’inscrire dans le ciel de Paris.

Eléphant égaré dans un magasin de porcelaine, le Président a mis un nuage de culture dans sa tasse de thé.

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