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mercredi 16 avril 2025

[ÉDITO] Bayrou ou le (dépôt de) bilan de 25 ans de politique de gauche et droite

Capture d'écran site Gouvernement 
 
  Capture d'écran site Gouvernement 
 

 Tout cela avec, en musique de fond, une censure du gouvernement ?

« La vérité permet d’agir. » C’est beau, on dirait presque une devise épiscopale. Voila donc la phrase inscrite devant le pupitre de François Bayrou, ce 15 avril, pour sa conférence sur l’état de notre dette publique et de nos finances. D’aucuns diront qu’en pleine affaire Bétharram, il fallait oser. Passons. Une conférence prononcée devant plusieurs membres du gouvernement, des parlementaires, des partenaires sociaux. Et en l'absence notable de l'Association des maires de France : « Pas d’ordre du jour, pas de documents préparatoires. La convocation a eu lieu vendredi soir pour mardi matin, pas de place pour de véritables échanges… Tout cela dénote une forme de mépris. »

La vérité sur nos finances publiques ? Tout le monde, ou presque, la connaît. Et depuis longtemps. Souvenons-nous de François Fillon, en 2011 : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans… Ça ne peut pas durer. » Apparemment, si, puisque quatorze ans plus tard, c’est pareil, mais en pire. Donnons le point à Bayrou : cette situation, il l’a toujours dénoncée du haut de son Aventin palois. Pas au point, cependant, d’être un adversaire vraiment farouche des gouvernements qui se succèdent aux affaires de la France depuis 2012 !


Le budget 2026 sera le bébé de Bayrou : s'il va à terme...

Aujourd’hui, Bayrou est au pied du mur budgétaire. Le budget 2025, passé grâce au 49.3, n’est pas vraiment son budget, puisqu’il s’est contenté de bricoler celui de Barnier en enlevant ce qui avait fait chuter le Savoyard, notamment la désindexation des pensions. Là, cette fois-ci, Bayrou a vraiment les mains dans le cambouis. Le budget 2026 qui se prépare actuellement à Bercy sera son bébé. Il en sera comptable, pour de vrai. S’il va à terme. Car la petite musique de la censure se fait de nouveau entendre, à gauche et du côté du Rassemblement national. Alors qu’actuellement Bercy travaille dans sa cuisine le budget 2026, Bayrou a donc éprouvé le besoin de venir au salon pour préparer les esprits. Évidemment, on a eu droit à la Russie et maintenant à Trump – naguère, c’était le Covid-19 – pour « contextualiser ». Un contexte que le ministre du Budget, Amélie de Montchalin, pour justifier une coupe de 5 milliards, deux mois à peine après l’adoption du budget 2025, résume ainsi : « dans un monde de grande incertitude »… Entre nous, il y a bien longtemps que nous vivons dans un monde de grande incertitude. « De tous temps, les hommes », comme l’écrirait un élève de seconde dans une mauvaise dissertation.

À ce sujet — [Chronique] Budget 2025 : mais où va la République ?
 

Vraisemblablement, l'immigration ne fait pas partie de l’équation

Mais revenons à la conférence du Premier ministre. Reconnaissons-le, le professeur Bayrou a fait un gros effort pédagogique pour être clair. Chose assez rare pour être mentionnée. Tout du moins dans la présentation du constat, du diagnostic. Il est vrai qu’il excelle dans cet exercice depuis des décennies. Le constat : la France ne produit et ne travaille pas assez : « Si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n’aurions pas de déficit budgétaire. » Nous dépendons trop de l’étranger : « Il est impératif de réduire nos dépendances industrielles, agricoles, industrielles. » La France, grand pays agricole… Augmenter les prélèvements est « intenable ». Une démographie en berne qui amène à repenser le système social. Tout cela est juste et vrai. Et, donc ? Et, donc, on n'en saura pas plus, si ce n’est qu’il y aura un effort supplémentaire de trois milliards pour la défense, en 2026. On notera que dans cette sorte de discours de politique générale bis, certes essentiellement centré sur les finances et l’économie, pas un mot sur l’immigration. Vraisemblablement, elle ne fait pas partie de l’équation... Quant à l’« effort supplémentaire de 40 milliards d’euros » évoqué, ces jours-ci, « sur les plateaux » par les deux Lombard de Bercy (Éric Lombard tout court et Amélie de Lombard de Montchalin), Bayrou a laissé ses hôtes sur leur faim.


L'abattement de 10 % des retraités ?

Un mot, justement, sur cet effort de 40 milliards, « essentiellement » sous forme d’économies, nous dit-on. On a déjà comme un doute. Lorsqu’on entend qu’il pourrait y avoir, parmi les nouvelles mesures, la suppression de l’abattement forfaitaire de 10 % pour le calcul de l'impôt sur le revenu des retraités. Paraît-il, ce ne serait pas une hausse d’impôt mais une économie… Question de point de vue. Interrogé à ce sujet par Le Figaro Live, ce 14 avril, Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France, a répondu : « Ce sont des trucs. » Autrement dit du bricolage. Combien de temps tiendra Monsieur Bricolage ? Autre truc dans l'air du temps et qui concernerait le budget de la Sécurité sociale : le remboursement des dépenses de santé qui pourrait être conditionné aux revenus, « piste » ouverte par la Cour des comptes...

Avouons, tout de même, que cette leçon de réalisme, délivrée par le professeur Bayrou, avait quelque chose de… surréaliste. En effet, au premier rang, bien alignés et bien sages, bien attentifs, se tenaient les ministres de Bayrou : des anciens ou toujours LR, des anciens socialistes dont Manuel Valls, des macronistes pur sucre faisant la synthèse de tout ça. Tous plus ou moins comptables de ce bilan des vingt-cinq dernières années présenté par François Bayrou.

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