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samedi 24 février 2024

Mahjoub Mahjoubi expulsé : l’imam qui cache la forêt ?



 

 Jean Kast 23 février 2024

C’est presque trop beau pour être vrai. 

Moins d’une semaine après l’ouverture d’une instruction pour incitation à la haine raciale et apologie du terrorisme, l’imam Mahjoub Mahjoubi a déjà été expulsé du pays. On est tellement habitué aux procédures interminables qu’une telle efficacité étonne beaucoup.

Il faut dire que l’homme avait un casier bien chargé. Dans le collimateur des autorités depuis déjà de longs mois, le prédicateur s’est définitivement grillé lors d’un prêche tenu début février au sein de la mosquée Ettaouba de Bagnols-sur-Cèze (Gard). Il y avait qualifié le drapeau tricolore de « satanique » et déploré « que les mosquées ne produisent plus de combattants comme au temps du prophète ». Un discours pour le moins hostile qui a valu à l’imam de 52 ans un billet simple vers la Tunisie.

Mais est-on réellement débarrassé du charmant barbu ? Rien n’est moins sûr. Dès son retour dans sa mère patrie, l’imam a fait savoir son intention de revenir en France. « Je vais me battre dans le pays des droits de l'homme. Je ne vais pas me laisser faire, a-t-il déjà annoncé. Je n'ai fait que parler d'un texte qui a 1.500 ans ! » Son avocat a lui aussi dénoncé cette expulsion et assuré faire le nécessaire afin d’obtenir le retour de son client en France. Un référé-liberté doit être déposé ce vendredi et devrait être jugé la semaine prochaine. « S'il est favorable, il pourra rentrer en France immédiatement, sous réserve d'un appel du ministère de l'Intérieur. »

La CEDH à la rescousse de l’imam ?

Parmi les arguments mis en avant par l'avocat, le fait que l’intégriste « laisse derrière lui des enfants en France ». Il se trouve, en effet, que Mahjoub Mahjoubi participe activement au repeuplement de notre pays vieillissant et possède pas moins de onze enfants, dont cinq encore mineurs, tous considérés comme français par la magie du droit du sol. Son cas pose donc encore plus de problèmes que celui de l’imam Hassan Iquioussen dont l’expulsion pour le moins chaotique avait été autorisée en juin 2023 par la Cour européenne des droits de l'homme au motif que ses enfants vivant en France étaient majeurs et n’avaient donc pas besoin de lui pour survivre. Les recours pour casser la décision administrative d’expulsion sont multiples et la France pourrait, in fine, être condamnée par la Justice à rapatrier à ses frais l’imam Mahjoubi, comme on l’a vu dans d’autres affaires. Autant dire qu’on n’en a peut-être pas fini avec lui…

Un de perdu, dix de retrouvés ?

Aussi satisfaisante soit-elle, cette expulsion provisoire ne doit pas faire illusion ni nous détourner de l’essentiel. « Il ne faut pas se tromper de combat, explique Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue et spécialiste des mouvements islamistes. Ce sont les idées véhiculées par cet imam, idées très répandues, qu'il faut combattre et non l'individu en tant que tel. » En effet, si Mahjoub Mahjoubi a été repéré, c’est parce qu’il a eu la bonne idée de prêcher en français, tout en étant filmé. Mais combien d’autres imams tiennent des propos similaires, voire pires, chaque vendredi, et passent sous les radars pour la seule raison qu’ils s’expriment en arabe ou sans caméra ? Selon Florence Bergeaud-Blackler, le discours de Mahjoub Mahjoubi est « un discours banal » dans les mosquées françaises. « Derrière Iquioussen ou Mahjoub Mahjoubi, il y a des milliers et des milliers d’autres imams qui sont exactement sur cette même ligne. C’est l’arbre qui cache la forêt. »


En réalité, Mahjoub Mahjoubi a eu le tort de dévoiler publiquement le projet des Frères musulmans : la fin des États-nations et l’accomplissement du califat, de la société islamique mondialisée. Voilà pourquoi d’autres imams, à commencer par ceux de Nîmes et de Bordeaux, lui sont tombés dessus. « Quand ils le tancent, ils ne pensent pas que cet imam dit n’importe quoi, explique encore l’anthropologue. Ce qu’ils lui reprochent, c’est de dire tout haut ce que la confrérie pense tout bas. » À méditer.

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