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mercredi 10 janvier 2024

[POINT DE VUE] Élisabeth Borne, sitôt partie, déjà recasée ?


 
 

 

 Arnaud Florac 09 janvier 2024

Les fins de règne sont un peu - vous l’avez remarqué - comme les obsèques : le principal intéressé n’a plus que des amis. 

Ainsi d’Élisabeth Borne, qui vient de quitter Matignon à l’heure où ces lignes sont écrites, sous les applaudissement (forcément) nourris de collaborateurs (forcément) éplorés. Ajoutons immédiatement à leur décharge que ce n’est pas rien, que de participer à une aventure gouvernementale, quel qu’en soit le niveau. Tous ceux - toutes « celles et ceux » - qui ont exercé des fonctions décisives, fût-ce brièvement, dans l’appareil d’État le savent bien et ne riront pas de ces larmes qui, pourtant, sembleraient presque nord-coréennes.

23 recours au 49.3 !

Sitôt partie, elle est autopsiée - enfin, sa politique. 602 jours à Matignon, 41 projets de loi adoptés, 23 recours au 49.3 (tout de même !), 31 motions de censure… Au-delà des chiffres, complaisamment listés par France Info, se pose la question de ce que va devenir le Premier ministre. Quand on a exercé de telles responsabilités (quoi que l’on pense d’un bilan que les lecteurs de BV seront nombreux à trouver catastrophique à juste titre), il est difficile de trouver autre chose. Manuel Valls avait essayé de se recycler, assez misérablement d’ailleurs, en Espagne. Édouard Philippe avait fait une sortie discrète, retournant sur ses terres du Havre pour mieux préparer un retour que d’aucuns jugent inéluctable. Jean Castex, lui, avait choisi assez curieusement la RATP.

Députée du Calvados

Où Élisabeth Borne va-t-elle aller après la lessiveuse de Matignon ? C’est elle-même qui a fourni la réponse : elle redeviendra députée du Calvados. C’est de là qu’elle vient. C’est ce qu’elle faisait avant. Les journalistes ont été nombreux à saluer dans cette simplicité une forme de grandeur, comme si Élisabeth Borne était une sorte de nouvelle Cincinnatus, retournant à son champ après avoir sauvé la république romaine en seize jours seulement. Seulement, il y a au moins deux petits problèmes, dans cette histoire.

D’abord, Élisabeth Borne est restée près de deux ans en fonction et a échoué sur tout : sécurité, pouvoir d’achat, éducation, industrie… Il n’y a pas un domaine important - à l’exception, peut-être, du budget de la Défense, bien négocié par Sébastien Lecornu - dans lequel son gouvernement n’ait pas été nul. Elle n’a rien à voir avec l’austère dictateur romain, qui n’exerça le pouvoir que pour rendre service et partit sans un mot après un triomphe éclatant.

Le deuxième problème, lui, ne tient pas tant à sa personnalité qu’à un système de prébendes qui persiste dans un climat pré-insurrectionnel. Ainsi donc, il suffit à un ministre, fût-il le premier d’entre eux, de déclarer qu’il veut retrouver son siège de député, et hop ! Pas de galère comme en vivent tant de gens normaux, pas de chômage, pas d’incertitude. De liane en liane, les Bandar-log de la Macronie, trop malins pour tomber de la canopée, se rétablissent toujours ! Ce qui semble passer inaperçu est en réalité tout à fait scandaleux. Ces gens qui n’ont que la République à la bouche incarnent le pire d’un Ancien Régime lépreux et gangrené, rongé par l’entre-soi, pourri par l’immobilisme. Nous voici parvenus à l’âge dans lequel dégénèrent les aristocraties selon Châteaubriand : l’âge des vanités.

Oh, bien sûr, deux ou trois vieilles têtes vont tomber, deux ou trois nouvelles vont apparaître. On va mettre un petit coup de peinture sur les écuries d’Augias, mais le cas d'Élisabeth Borne, loin d’être isolé, montre à quel point de rupture nous en sommes arrivés.

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