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vendredi 20 mars 2020



[Interview] Laurent Obertone : “Cette crise sanitaire est un parfait révélateur de ce qu’est réellement le 'vivre ensemble' multicommunautaire” 

Le journaliste et essayiste, Laurent Obertone, offre une analyse sans tabou de la crise sanitaire actuelle.

L’État, les quartiers “sensibles”, la police...
L'auteur de La France Orange Mécanique, La France Big Brother et Guérilla passe au crible ce qui pourrait devenir le premier chapitre d'une anarchie à la française. Entretien.
Valeurs actuelles. Comment analysez-vous cette crise sanitaire ? Que représente-t-elle de la situation du monde actuel ?

Laurent Obertone. 
Ce genre d’épisodes épidémiques semblent inévitables, compte tenu de la démographie mondiale et de la circulation massive et continue des personnes autour du globe.
Un monde ainsi ouvert à la circulation, sans frontières ni quarantaines, aura toujours un coup de retard sur les épidémies.
Nos sociétés complexes ne sont pas immortelles, au contraire, elles sont extrêmement vulnérables, à la merci d’une réaction en chaîne.

Quel regard portez-vous sur l'action du gouvernement ? Échec ? Réussite ? Symptomatique d'un Etat vacillant ?

L’irresponsabilité collective est la définition de l’État français.
À chaque crise, on joue un rôle, on communique, on s’illusionne, et on finit par mettre de l’argent partout.
Ça suffit en général à calmer la foule.
Mais cet argent souvent hors sujet n’est pas le leur, et les désillusions seront supportées par le contribuable.
Ces gens ne sont pas formés pour agir, ni pour penser, mais pour dépenser l’argent public et communiquer.

Par ailleurs, nos concitoyens sont tellement habitués à leur prise en charge totale qu’ils semblent incapables de faire preuve de bon sens, d’autonomie intellectuelle, de responsabilité individuelle.
Ils vont accorder encore plus de pouvoirs à cette classe politique d’amateurs, exiger encore plus d’État, de moyens, d’argent, sans se rendre compte qu’ils creusent leur propre tombe.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup de vidéos des quartiers sensibles (Barbès, La Goutte d'Or, Aubervilliers,...) circulent et nous montrent une population qui piétine les règles de confinement avec des policiers désœuvrés incapables de faire respecter l'ordre, n'est-ce-pas le début de l'anarchie que vous décrivez dans certains de vos romans ?

Cette crise est un parfait révélateur de ce qu’est réellement le « vivre ensemble » multicommunautaire.
L’effondrement du capital social et du civisme élémentaire sont brutalement mis en lumière par les mesures de confinement.
Nombre de quartiers mènent une perpétuelle guérilla contre la société, n’en acceptent ni les mœurs ni la loi, et soudain nul ne peut plus l'ignorer.
Les policiers ne peuvent rien faire de plus que contrôler et arrêter des gens que la justice ne punit pas. Le fait que les tribunaux soient fermés pour cause de virus ne risque pas d’accroître leur civisme...
Le contexte va renforcer leur sentiment d'immunité face à une police débordée et une justice en dérangement.
Que peut-on redouter socialement ? Une explosion de violence ? Y'a-t-il un risque d'embrasement ?

Plus que jamais !
Les caïds et les « jeunes » regardent la télé, savent bien que les forces de l’ordre sont très occupées. La crise va créer des opportunités.
Le confinement, pour les quartiers, ça veut dire zoner à plusieurs.
L’inoccupation de centaines de milliers de jeunes va se transformer en tentation de la délinquance « ludique ».
On assiste déjà à de nombreux guet-apens visant pompiers et policiers.
Les bagarres de « bandes » sont innombrables.
De plus, le crime organisé doit compenser le recul du trafic et des cambriolages.
C'est une économie très retorse, elle sait parfaitement s’adapter.
Braquage d’infirmières, trafic de matériel médical…
Le contexte va renforcer leur sentiment d'immunité face à une police débordée et une justice en dérangement…
Tous savent qu’en plein confinement on met dehors les clandestins, on relâche les prévenus parce que les tribunaux sont fermés, et on parle de procéder à des libérations massives de prisonniers…

Vous avez beaucoup de contacts dans les renseignements et la police. Comment vivent-t-ils la crise ? Sont-ils submergés ? Ont-ils les moyens suffisant pour faire appliquer le confinement ? Témoignent-ils de la difficulté de faire respecter l'ordre dans les quartiers sensibles ? Prévoient-ils un scénario catastrophe ?

Les policiers sortent à peine d'interminables crises sociales et sont priés, sans moyens de protections, de convertir au civisme la France ensauvagée, celle qui leur crache dessus, et les accueille partout à coups de pierres et de mortiers, depuis des années.
Pourquoi s'exposer et risquer émeutes, affrontements et exactions, si ce n’est pas suivi d’effets ?
Des consignes sont d’ailleurs passées pour éviter la confrontation.
Il ne faut pas dégarnir les effectifs, surtout pas – encore – donner au monde l’image d’une France submergée par ses émeutiers, et aux Français l’idée que ces pans du territoire sont irrécupérables.
Les « quartiers sensibles » seront donc largement dispensés de confinement.
Il n’y aura pas non plus de mise au pas autoritaire, parce qu’on ne le peut pas, surtout en ce moment. À moins d’envoyer l’armée et de risquer une guerre des cités.
Peut-on encore avoir des mesures efficaces dans les quartiers dits "sensibles" ou c'est peine perdue ? La crise du coronavirus n'est-elle pas l'étincelle qui pourrait faire exploser un pays dans une situation qui pourrit depuis des dizaines d'années ?

valeursactuelles

1 commentaire:

  1. La question essentielle à se poser est: étant donné qu'une contamination massive des banlieues est en cours et débordera forcément sur les centre-ville, notamment Paris, comment fait-on pour stopper l'hécatombe puisque le confinement échoue. Tests systématiques avec triages et port du masque obligatoire avec coercition musclée comme à Wuhan, ce sont désormais les seules options. La guerre, dans un contexte de désobéissance majeure, semble donc inévitable. A moins que comme l'ont anticipé Hollande puis Macron, nos Laurel et Hardy de la politique, la sécession des cités les plus contaminées ne réapparaisse comme le lapin émerge du chapeau.

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