Le 12/09/2017
Ga/brielle Cluzel
Ce que l’on reproche à Jean-Pierre Pernaut n’est pas d’avoir menti mais d’avoir dit une vérité anxiogène.
Jean-Pierre Pernaut persiste et signe.
Toute la presse (Huffington Post, 20 Minutes, etc.) en bruisse – « Il ne se repent pas ! Il ne se repent pas ! » -, comme ces chœurs, au théâtre, qui répètent la dernière réplique, les mains en porte-voix, courant aux quatre coins de la scène pour imiter la rumeur épouvantée.
Car, pardon bien, mais ce n’est pas prévu du tout par le scénario.
Le rituel est pourtant simple, rodé, balisé, éprouvé : lorsqu’un journaliste – un homme politique, un chanteur, un acteur, une miss France, etc. – « dérape », il fait son mea culpa.
Il baisse la tête, il regrette, il est tellement, mais tellement bête d’avoir dit ça.
Il ne recommencera plus.
Il redouble de zèle et donne mille gages.
Par exemple, en conspuant à son tour quelques tricards.
Trop content que les médias, magnanimes, lui laissent, en dépit de ses péchés, un petit temps d’antenne pour s’excuser.
Car certains sont condamnés et lynchés sans autre forme de procès.
Avoir le droit de publiquement s’autoflageller, c’est déjà être privilégié.
Mais Jean-Pierre Pernaut, lui, en homme qui en a, ne se déculotte pas.
Rappelons les faits : au journal télévisé de 13 heures sur TF1, le 10 novembre 2016, il avait évoqué le sort des sans-abri puis celui des migrants, deux sujets qui occupaient l’actualité ce jour-là, faisant la transition d’un simple « en même temps » : « Plus de place pour les sans-abri, mais en même temps, les centres pour migrants continuent à ouvrir partout en France. »
C’est cet « en même temps »-là qui avait déchaîné le courroux de la LICRA et du CSA.
Parce qu’il y a des « en même temps » séduisants et des « en même temps » désolants.
Sur le plateau de « Salut les Terriens », il vient d’affirmer, revenant sur l’incident, « n’avoir fait que son travail de journaliste ».
Il enfonce même le clou : s’il devait le redire demain, il le redirait.
À ceux qui, sur le plateau, lui reprochent le manque de neutralité que traduirait son « en même temps », il répond par une question candide, aussi imperturbable qu’imparable : « Ce n’était pas en même temps ? »
« Résultat, vous faites peur ! » conclut Thierry Ardisson sur un ton tragi-comique.
C’est en effet le mot de la fin qui convient. Ce que l’on reproche à Jean-Pierre Pernaut n’est pas d’avoir menti mais d’avoir dit une vérité anxiogène, qui pourrait susciter chez les Français une réaction « malsaine ».
Le travail des journalistes n’est plus de dire le vrai mais le bien.
Ils n’informent pas, ils enseignent.
Des Français sous tutelle, vieux gamins auxquels on recommande de se cacher les yeux avec les mains pour éviter d’avoir peur dans leur lit quand le soir vient.
On a les héros – et les hérauts – que l’on mérite.
Avec son nom d’apéritif un peu beauf, son prénom double emblématique du mâle blanc de plus de 50 ans dont Delphine Ernotte ne veut plus et que les médias raillent méchamment – « Sept réponses à votre beau-père Jean-Louis qui ne supporte plus la réduction des voies pour automobiles à Paris », titrait le site de France Info il y a quelques jours, volant au secours d’Anne Hidalgo -, et son « Journal de 13 heures » ambiance village fleuri et artisanat du terroir, qui lui a valu en 2016 d’être élu « présentateur de JT préféré des Français » – s’il aime la France périphérique, celle-ci le lui rend bien -, il a tous les attributs réputés peu flatteurs de Superdupont.
Le pire – ou le meilleur – est qu’il semble endosser le costard assez volontiers et sans façon.
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