Le 04/11/2016
Jean-Michel Vernochet
Al-Baghdadi vient de lancer un appel à la guerre totale.
On le croyait mort.
Il n’avait plus parlé depuis un an.
Il revient avec fracas sur la scène du djihad en exhortant les combattants du califat à tenir Mossoul, nouveau Stalingrad en puissance, coûte que coûte… à meurtrir les croisés, les apostats là où ils se trouvent… Turquie, Arabie, Yémen, Égypte, Libye, Algérie. Et partout les soldats d’Allah « continueront d’avancer vers Rome », conquête ultime après Constantinople dans la stratégie eschatologique de l’État islamique.
À Mossoul, la guerre s’annonce ainsi sans quartier.
S’y trouveraient retranchés cinq mille membres des brigades internationales islamistes galvanisés par un chef qui, selon des sources kurdes, serait resté parmi ses ouailles.
Or, si Abou Bakr trouvait la mort dans les combats, c’est toute l’organisation néo-califale qui pourrait s’effondrer.
En Irak, d’abord, car en Syrie sa capitale Raqqa n’est pas encore tombée et que ses métastases sont nombreuses au Maghreb, où elles ne demandent qu’à se développer avec du sang neuf.
Autre probabilité : une recrudescence des attentats en France, notamment, dont cinq cents personnels sont à pied d’œuvre à Mossoul en compagnie d’un millier d’européens et de 5.000 GI.
Au reste, Abou Bakr est parmi les hommes les plus recherchés.
Les États-Unis en offrent dix millions de dollars dead or alive.
Néanmoins, nul ne sait si c’est bien le calife fantôme qui s’est exprimé ce 3 novembre… son quatrième discours depuis le 24 juin 2014 et la proclamation, à Mossoul, d’un nouveau califat.
Le 14 mai 2015, il pressait les musulmans de rallier l’État islamique, sinon de livrer la guerre aux impies dans leur propre pays : « L’islam n’a jamais été la religion de la paix, l’islam est la religion de la guerre. »
Puis le 26 décembre 2015, il se livrait à une violente attaque de l’Arabie saoudite, alliée d’Israël, pour s’être mise à la tête d’un groupe de 34 pays musulmans contre l’État islamique… « Si c’était une coalition islamique, elle se serait émancipée de ses seigneurs juifs et croisés et aurait fait de la mort des juifs et de la libération de la Palestine son objectif. »
Dénonciation qui ne manquait pas de sel, sachant que Riyad avec Ankara fournissaient alors armes, approvisionnements et fonds à la nébuleuse des formations salafo-wahhabites en guerre contre Bagdad et Damas.
Maintenant, si l’Arabie est encore qualifiée de « tête du serpent et siège de la maladie », c’est au tour de la Turquie d’être âprement dénoncée… tandis qu’Ankara s’impatiente de participer à la bataille de Mossoul, dont l’actuel dispositif l’a exclue.
Et le calife Ibrahim ne mâche pas ses mots : « Allez avec la bénédiction d’Allah, cette guerre est la vôtre, ravagez les maisons [des infidèles]… et faites couler leur sang à flots. La Turquie s’est immiscée dans votre djihad. Remettez-vous-en donc à Allah et envahissez-les. Surprenez leurs défenses et mettez fin à leur prospérité. Attirez-les dans des régions où la guerre fait rage. Soldats du califat au pays du Levant, les soldats turcs infidèles sont venus à vous, leur sang est aussi vil et répugnant que celui des chiens. »
Depuis deux semaines, l’étau se resserre sur Mossoul.
Pour faire diversion, l’État islamique a lancé, le 20 octobre, une vague d’attaques-suicides dans la ville kurde de Kirkouk.
Maintenant, l’enjeu de la bataille de Mossoul est clair : la libération d’un million de civils pris dans la nasse et dont il est assuré que, comme à Alep-Est, les djihadistes ne se priveront pas de les prendre en otages.
Qu’ils refuseront de les laisser emprunter les couloirs d’évacuation ouverts puisque Abou Bakr a convié ses troupes au martyre.
Bref, Al-Baghdadi vient de lancer un appel à la guerre totale visant en premier lieu les « apostats turcs et séoudiens » mais avec, au final, la crainte du pire sachant qu’au nord de la ville se trouve un barrage sur l’Euphrate.
Un ouvrage fortement instable que gardent des Italiens et des peshmergas et dont les eaux furieuses, s’il venait à se rompre, balaieraient tout jusqu’à Bagdad.
Croisons les doigts.
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