On peut comprendre l’inquiétude des jeunes pour leur avenir : la situation économique et sociale de la France n’est guère brillante et, d’une façon générale, la politique du pouvoir en place leur donne peu de motifs d’espérer.
En revanche, les moyens utilisés par une minorité d’entre eux sont-ils tolérables ?
C’est toujours le même processus.
Quelques dizaines de jeunes, dont on ne saurait dire s’ils sont tous lycéens, bloquent l’accès d’un établissement, entassant des poubelles et divers matériaux ramassés alentour.
 Ils interdisent toute entrée.
Conséquence : les cours sont perturbés ou ne peuvent avoir lieu, faute d’élèves.
À Paris, le 31 mars, onze proviseurs, appliquant le principe de précaution, ont décidé d’une fermeture administrative : ils étaient dans l’incapacité de garantir la sécurité des biens et des personnes.
Dans les universités, une situation similaire, à plus grande échelle : lors d’assemblées « générales », qui rassemblent tout au plus quelques centaines d’étudiants (ou de prétendus étudiants), le blocage de l’université est décidé, les accès sont bloqués par des piquets de grève ou du mobilier empilé. Certains présidents, cédant aux grévistes, suppriment des cours.
D’autres, constatant qu’un fonctionnement normal est impossible, ferment leur université : comme à Rennes II, fermée du 7 au 9 avril.
Dans les deux cas, les bloqueurs ont gagné : des dizaines de milliers d’étudiants sont privés de cours.
Après cinq semaines de mobilisation, beaucoup de lycéens et d’étudiants commencent à s’inquiéter.
Jusque-là, ceux qui ne participaient pas aux blocages pouvaient partager les revendications contre la loi El Khomri, par conviction ou par solidarité.
 Mais, quand ils s’aperçoivent que la contestation se prolonge et dépasse le cadre d’un projet de loi, ils se soucient prioritairement de leur avenir immédiat et de la préparation de leurs examens.
 Ainsi, « les élèves des établissements touchés par les blocages hebdomadaires peuvent avoir perdu 10 à 20 % des cours du 3e trimestre », estime le secrétaire général du SNPDEN, syndicat majoritaire des chefs d’établissement.
Dans les lycées comme dans les universités, la loi de la minorité l’emporte.
Ceux qui pensent qu’ils sont là pour travailler se voient empêchés d’accéder à leurs bâtiments et à leurs cours – tout comme souvent leurs professeurs.
C’est une atteinte à la liberté du travail que le gouvernement se devrait de protéger.
Les contestataires en pointe ne veulent pas prendre le risque de perdre quelque chose, contrairement aux salariés qui, lorsqu’ils font grève, subissent une retenue de salaire.

En bloquant les établissements, ils mettent tout le monde sur un pied d’égalité.
 Ça dure parfois longtemps.
Au point que, lors de précédents blocages, des universités ont dû aménager les examens et supprimer quelques épreuves.
Voilà qui ne rehausse pas le niveau des diplômes ni la réputation de certaines.
 Pour le baccalauréat, nul besoin de s’inquiéter.
En 2006, après les manifestations contre le CPE, avec de nombreux blocages de lycées, le taux de succès au baccalauréat fut exceptionnel.

Voilà de quoi encourager les lycéens à crier comme en 68 : « Ce n’est qu’un début, continuons le combat ! »

Les blocages de lycées et d’universités sont une atteinte à la liberté.

Ils discréditent à la fois leurs auteurs et un gouvernement veule, qui n’a d’autre objectif, dans cette affaire, que de ne pas y laisser trop de plumes.