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Par Mathieu Bock-Côté
Mis à jour le 11/01/2016 à 20:18
Publié le 11/01/2016 à 12:40
Angela Merkel, 11 janvier 2016 Crédits photo : Fredrik von Erichsen/AP
FIGAROVOX/CHRONIQUE - Mathieu Bock-Côté voit dans les viols de Cologne la face cachée de la légende du «vivre-ensemble diversitaire». Il s'étonne du traitement médiatique tardif de ces agressions massives.
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.
L'information circulait depuis quelques jours sur Internet sans qu'on ne parvienne vraiment à la valider: y avait-il eu vraiment une vague massive d'agressions sexuelles sur les femmes à Cologne, la nuit de la Saint-Sylvestre, par des migrants ou des bandes d'origine étrangère?
Il a fallu que la rumeur enfle suffisamment pour que les autorités reconnaissent les événements et que le système médiatique consente à rendre compte du phénomène, dont on ne cesse, depuis, de constater l'ampleur, tellement les témoignages accablants se multiplient à la grandeur de l'Allemagne.
On peut voir là une preuve de plus de la tendance du complexe médiatico-politique à filtrer les mauvaises nouvelles idéologiques qui peuvent, d'une manière ou d'une autre, compromettre la légende du vivre-ensemble diversitaire.
Pour éviter que le peuple ne développe de mauvais sentiments à son endroit, on traitera les mauvaises nouvelles le concernant en les désamorçant le plus possible et en multipliant les mises en garde contre les amalgames.
On les réduira à des faits divers, sans signification politique, et on ne commentera les événements qu'avec la plus grande prudence.
On est loin du traitement de la photo déchirante du petit Aylan Kurdi mort sur la plage qui avait suscité une émotion immense dans les pays occidentaux, d'autant plus que les médias se livrèrent alors sans gêne à une séance de culpabilisation massive, comme si ce petit être au destin si atroce représentait à lui seul l'ensemble de la crise migratoire.
À ce moment, l'amalgame était permis: tous les migrants étaient Aylan Kurdi.
Chaque segment de la société devait céder à l'impératif humanitaire, ce qui n'est pas sans rappeler la formule d'Elie Halévy, qui voyait dans «l'organisation de l'enthousiasme» une marque distinctive du totalitarisme.
Pour peu qu'on y réfléchisse, la nouvelle des agressions de Cologne représente l'envers absolu du grand récit de l'ouverture à l'autre, où ce dernier est chanté à la manière d'un rédempteur.
On somme les sociétés occidentales d'embrasser une diversité qui pourrait les régénérer de l'extérieur, d'autant qu'elle serait toujours une richesse.
On voit désormais qu'elle peut aussi prendre le visage d'une barbarie agressive, où des bandes organisées entendent imposer leur présence sur le territoire, avec la plus archaïque et la plus primitive des techniques de guerre, celle de la prise des femmes, à qui on indique qu'un nouveau pouvoir s'installe et qu'il s'exercera d'abord sur elles.
C'est une régression civilisationnelle épouvantable qui heurte nos valeurs les plus intimes.
La femme, ici, redevient une prise de guerre, comme un bien à prendre.
On ne peut parler de simple délinquance.
Qu'il s'agisse de bandes organisées ou non n'est pas l'essentiel.
C'est d'une offensive brutale, dont on doit parler, où on cherche consciemment ou inconsciemment à faire comprendre à l'hôte qui est le nouveau maître des lieux.
Il ne s'agit évidemment pas de faire porter la responsabilité de ces agressions à l'ensemble des migrants, ce qui serait aussi faux que cruel et imbécile.
Mais manifestement, parmi ceux-ci, on trouve un nombre significatif de jeunes hommes qui arrivent en Europe avec une attitude conquérante et prédatrice.
Le déni des cultures, qui laisse croire qu'il suffirait de quelques règles juridiques fondées sur les droits de l'homme pour permettre aux gens de toutes origines de cohabiter, pousse à une politique d'une irresponsabilité criminelle.
Qu'on le veuille ou non, toutes les cultures ne sont pas interchangeables et elles peuvent entrer en friction.
Une communauté politique est aussi une communauté de mœurs.
Quoi qu'en pense Angela Merkel et les autres dirigeants de l'Europe occidentale, on ne fait pas entrer dans un pays des centaines de milliers de personnes aux mœurs étrangères sans provoquer un choc culturel ou si on préfère, un choc de civilisation.
Devant cette agression, un désir de soumission avilissant se fait entendre.
La mairesse de Cologne, Henriette Reker, a ainsi invité les femmes à adapter leurs comportements aux nouveaux venus.
Elles devraient garder plus d'un bras de distance pour ne pas exciter des hommes qui ne sont pas encore habitués à la liberté sexuelle caractérisant la modernité occidentale.
Les femmes sexuellement libérées sont-elles responsables de l'agression qu'elles subissent?
Henritte Reker les invitera-t-elle demain à porter le voile pour faire comprendre qu'elles respectent les nouveaux codes de la pudeur multiculturelle et qu'elles sont vertueuses?
Le multiculturalisme se présente ici plus que jamais comme une inversion du devoir d'intégration.
On se demande ce qu'il faudra encore pour que les sociétés occidentales constatent à quel point l'utopie multiculturaliste pousse au désastre.
Se pourrait-il que leurs élites politiques se croient engagées dans un processus inéluctable, pour le meilleur et pour le pire, et qu'elles se contentent, dès lors, de chercher à limiter ses effets néfastes.
À bon droit, même si elles le font quelquefois avec une brutalité dérangeante, certaines petites nations d'Europe préfèrent fermer leurs frontières devant la déferlante migratoire, d'autant que le spectacle de l'immigration massive à l'Ouest de l'Europe n'a rien pour les convaincre des vertus de la société multiculturelle.
Mais on ne leur permet pas.
On connaît la doctrine de la souveraineté limitée, qui sous Brejnev, accordait une certaine autonomie aux pays sous sa domination sans leur permettre de s'affranchir du bloc de l'Est ou des principes du socialisme.
L'Allemagne l'a récemment réinventée à l'endroit des petites nations d'Europe de l'Est qui ne voulaient pas se plier à l'impérialisme humanitaire germanique, comme si l'Allemagne voulait laver son passé en s'immolant au présent.
Chaque nation, apparemment, devrait être entraînée dans cette mutation identitaire majeure à l'échelle d'une civilisation.
Les gardiens du nouveau régime multiculturaliste ne veulent pas croire qu'ils pilotent allégrement nos sociétés vers quelque chose comme une guerre civile inavouée mélangée à un choc des civilisations.
Ces termes sont peut-être exagérés - ou pas.
Mais une chose est certaine, ce n'est pas en laissant croire que le régime multiculturaliste accouchera tôt ou tard d'un paradis diversitaire qu'on calmera les angoisses des peuples européens.
Les tensions sociales se multiplieront.
Cela nous ramène à la question première de la philosophie politique, soit la sécurité élémentaire des sociétaires.
Celle des femmes européennes n'est manifestement plus assurée.
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