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vendredi 4 mai 2018

1er mai : les CRS amers eux aussi

Des CRS devant un incendie en marge de la manifestation du 1er Mai à Paris.


Des CRS devant un incendie en marge de la manifestation du 1er Mai à Paris. (Alain Jocard/AFP)

publié le


 Les policiers déployés autour du cortège parisien de la fête du Travail estiment que les violences auraient pu être évitées.  
 

Voitures brûlées, commerces saccagés et jets de pavés...
Emmanuel Macron a beau assurer n'avoir "aucune indulgence pour les tenants du désordre", et son ministre de l'Intérieur Gérard Collomb se féliciter qu'il n'y ait pas eu de blessés, les violences qui ont émaillé le cortège du 1er mai à Paris, et la polémique qui en a résulté, laissent un goût amer aux Compagnies républicaines de sécurité.
Les CRS sont-ils intervenus trop tard, la stratégie employée et le dispositif mis en place étaient-ils à la mesure du rendez-vous, c'est à dire de "l'enfer" promis sur les réseaux sociaux par les fauteurs de trouble les plus radicaux ?
Les policiers de terrain et les syndicalistes interrogés par L'Express expriment une réponse unanime à ces questions : non.
Et les responsables sont tout trouvés.
 
 
Des "blacks blocs" manifestent en marge du défilé parisien du 1er Mai 2018


Des "blacks blocs" manifestent en marge du défilé parisien du 1er Mai 2018 afp.com/Thomas SAMSON
 
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La Préfecture et le gouvernement dans le viseur

 
"Les collègues sur le terrain ont l'impression de ne pas avoir fait leur travail", résume un commandant d'une compagnie de CRS, pour qui "une manif qui se passe bien, ce n'est pas seulement zéro blessé, c'est surtout zéro incident."
Dans son viseur, d'abord la préfecture de police.
"A Paris, nos mouvements sont directement soumis aux ordres de la salle DOPC [le poste de commandement de la Direction de l'ordre public et de la circulation, une salle qui centralise notamment les images des caméras de surveillance parisiennes], alors qu'ailleurs en province, ce sont les commissaires, sur le terrain, qui sont à la manoeuvre."

A la clé, une inertie sans comparaison avec ce qui peut se faire ailleurs, analyse ce gradé qui a assisté aux événements, impuissant devant sa télévision.
La raison de cette dichotomie ?
A Paris, encore plus qu'ailleurs, "le maintien de l'ordre est une question éminemment politique et c'est le politique qui place le curseur" de la réponse policière, à travers le préfet de police et le directeur de l'ordre public.

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Bien sûr, "depuis Sivens", c'est-à-dire depuis l'évacuation du site du barrage éponyme, au cours de laquelle le jeune manifestant Rémy Fraisse avait été tué par une grenade lancée par un gendarme, toute la chaîne hiérarchique des forces de l'ordre, du ministre au sous-brigadier, vit dans "la hantise du mort ou du blessé", confie une source syndicale.
Sans même évoquer le fantôme de Malik Oussekine, tué lors d'une manifestation parisienne le 6 décembre 1986...
Au point que "certains donneurs d'ordre ont désormais peur de leur ombre", conclut ce même interlocuteur.
Résultat, il aura fallu une heure après le début des heurts pour que l'ordre d'intervenir parvienne aux quelque 1500 policiers et gendarmes déployés pour encadrer la manifestation.
"On a les moyens d'empêcher ces choses-là, on sait faire, peste un gradé.
D'ailleurs, dès que l'ordre a été donné d'y aller, on a fait tout de suite la différence.

"Cette passivité qu'on nous a imposée"

 
A ses yeux, le dispositif en tant que tel n'est pas forcément en cause, mais il aurait pu être employé plus efficacement.
La veille de la manifestation, et alors que les remontées de la direction du renseignement à la préfecture sur le nombre et les intentions des casseurs étaient alarmantes, il aura fallu aux syndicats mettre tout leur poids dans la balance pour convaincre Michel Delpuech de revenir sur sa décision d'interdire les Flash-ball.
Au total, les CRS ont procédé à une centaine de tirs pour "figer des personnes parmi les agitateurs violents et les interpeller", rapporte le secrétaire national UNSA Police, David Michaux.


Des CRS déployés lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris.

Des CRS déployés lors de la manifestation du 1er mai 2018 à Paris. afp.com/Alain JOCARD
 
"Si ceux qui nous dirigent ne comprennent pas le maintien de l'ordre, qu'ils demandent à (Bernard) Cazeneuve [ministre de l'Intérieur au plus fort des manifestations contre la loi El Khomri]", ironise un autre commandant de compagnie.
 "Je me souviens d'un préfet capable de taper du poing sur la table, jusqu'à faire tourner une manifestation en rond, capable aussi de mettre en oeuvre un filtrage efficace pour éviter les débordements en amont."
La fin de l'état d'urgence a en tout état de cause privé le gouvernement de cette dernière option.

En l'absence d'un tel dispositif de filtrage, continue David Michaux, les "engins lanceurs d'eau" utilisés en fin de manifestation auront vraiment fait la différence.
Des engins qui auraient pu être utilisés plus tôt selon lui pour mettre un terme aux agissements des casseurs.
 
Au lieu de ça, les CRS auront passé une heure sous les projectiles, se contentant de contrôler une foule de quelque 1200 black blocs à grand renfort de gaz lacrymogène, mais en évitant pour l'essentiel le contact.
"Cette passivité qu'on nous a imposée, c'est un encouragement à venir encore plus nombreux nous taper", regrette le syndicaliste.
De l'autre côté, "comment croyez-vous que se sentent les flics, après une heure à prendre une pluie de cailloux sans pouvoir réagir ?, abonde un gradé. Ils sont revanchards !"
 
"Pendant ce temps-là, le ministre est content, ironise le responsable UNSA. Et il promet de mettre des hommes supplémentaires la prochaine fois. Mais ça nous fait bien rire : si on ne nous donne pas d'ordre, on peut être dix fois plus nombreux, je ne vois pas ce que ça changera."

lexpress

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