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vendredi 14 juin 2024

[EDITO] Après quatre jours fous, le RN met la droite au pied du mur


 

© Jordan Florentin 

© Jordan Florentin


Quatre jours. En quatre jours, de lundi à jeudi, la déflagration déclenchée par le triomphe du RN aux élections européennes a profondément changé la donne politique.

 Elle a empli d’espoir une partie du peuple de droite tout en laissant, paradoxalement, déjà, pas mal d’amertume. Pourtant, ni la gauche ni le camp macroniste n’ont de quoi pavoiser. Mais le RN jouera, désormais, les éléphants au milieu du couloir de la droite française. Et pour longtemps. En obtenant plus de 30 % des voix aux européennes, le parti de Marine Le Pen offre un choix contraignant : s’appuyer clairement sur cette force dominante comme une solive s'appuie sur une poutre maîtresse - en clair, appeler à voter pour le RN au deuxième tour sur la base d’un accord électoral. Ou risquer l’éparpillement des aventures individuelles sans espoir d’élection. Le révélateur est cruel pour certains. Qui se croyait poutre se découvre poutrelle. Il n’en fallait pas plus pour faire éclater les partis désormais satellites du RN dans le paysage politique français.

Rancœurs et griefs

Ainsi, Reconquête et LR sortent lessivés de ces quelques jours. En 24 heures, le parti d’Éric Zemmour a vu s’éloigner sa tête de liste aux européennes, Marion Maréchal, partie avec trois élus au Parlement européen. Derrière elle, une part des électeurs… et des cadres de Reconquête lui emboîtent le pas. Plusieurs fédérations ont annoncé qu’elles quittaient le parti. D’autres (Yvelines, Haute-Garonne) ont assuré Éric Zemmour de leur soutien. Zemmour conserve la marque Reconquête, sa trésorerie et le soutien de Sarah Knafo ou de Stanislas Rigault, entre autres, mais l’ancien journaliste du Figaro n’a pas caché, mercredi soir, sur BFM TV, que le coup était rude. La brouille est désormais consommée.

De son côté, Marion Maréchal prend aussi des risques lourds. Elle quitte Reconquête sans parti, sans financement et avec une partie, seulement, des cadres. L'accueil du RN est frais. Consulté, le Bureau exécutif a refusé toute alliance claire avec Marion et ses élus européens. Selon le JDD, Marion Maréchal a tout de même obtenu quatre investitures pour Agnès Marion (7e sur la liste européenne de Marion Maréchal), Thibaut Monnier (directeur général de son école, l’ISSEP), Anne Sicard, et Eddy Casterman (ancien membre des LR). Tous seront soutenus par le RN, mais ils ne seront pas tous élus.

Amertume. Marion s’était opposée à une partie du RN avant de partir rejoindre la campagne de Zemmour. Les rancœurs et les griefs sont restés : trop catho, trop conservatrice, trop à cheval sur la lutte LGBT, l’avortement et les questions d’éthique. Le succès limité de la liste Reconquête a fait le reste : les électeurs se reporteront d’eux-mêmes sur le RN au deuxième tour, ont tranché les dirigeants du RN. Quant à Reconquête, l’absence d’alliance interdit à Éric Zemmour et Sarah Knafo d’espérer, seuls, des élus à l’Assemblée.

Chez LR, la main tendue du RN a, là aussi, fait exploser le parti. D’un côté, les éléphants et les chapeaux à plume, brutalement sortis de leur somnolence, sont outrés qu’on ait songé à se passer d’eux. Mais quelle part des électeurs représentent-ils, parmi les 7 % de Français qui ont voté Bellamy, dimanche ? La moitié, environ, disent les sondages. De l’autre côté, Éric Ciotti a choisi de s’allier avec le RN moyennant 80 circonscriptions. Mais il semble bien seul : le RN a-t-il trop promis ? Pendant ce temps, l'infernal compte à rebours lancé par Emmanuel Macron avance.

Stopper le déclin de la France

Les Français risquent donc d’avoir à choisir, dimanche, entre un candidat RN seul ou allié à LR, qui pèsera lourd, et un candidat dissident LR ou Reconquête qui, sauf exception, jouera parmi les poids plume.

Cette révolution à droite se simplifiera grandement au second tour. Si l’abstention se maintient autour de 50 % des votants, peu de candidats obtiendront cette condition pour se maintenir : les votes de plus de 12,5 % des inscrits. Au second tour, le 7 juillet, les électeurs zemmouristes, LR mais aussi les macronistes auront à choisir bien souvent entre le Front populaire et le RN et ses alliés. Entre le souci de la France et la coalition de Jean-Luc Mélenchon. La gauche est-elle, seule, capable d'unir ses forces ? Bellamy a dit nettement qu'il voterait RN plutôt qu'à gauche. Interrogé par BV, l’ancien patron de Frontex Fabrice Leggeri, député européen et porte-parole de la campagne, rappelle que, dans le cadre d’une cohabitation, « le gouvernement de Jordan Bardella se concentrera sur l’arrêt du déclin de la France : l’arrêt de la submersion migratoire, la lutte contre l’insécurité et des mesures concrètes propres à doper le pouvoir d’achat ». Bardella aura deux ans pour arrêter l'hémorragie. La chance est historique, le défi immense. Il méritera, le 7 juillet, d’oublier les querelles.

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