Le recours au couvre-feu par les maires pour lutter contre la délinquance, celle des mineurs en particulier, est un sujet récurrent.
Et il aura fallu que Gérald Darmanin ordonne cette mesure à l’encontre des mineurs de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, pour que certains édiles, adeptes du procédé, se fassent à nouveau entendre.
Parmi ceux-ci, Robert Ménard, le maire divers droite de Béziers, qui a aussitôt annoncé, le lundi 22 septembre, qu’il prenait un arrêté instaurant un couvre-feu jusqu’au 30 septembre prochain, couvrant la plage horaire de 23 h à 6 h, pour les mineurs de 13 ans. En 2014, il avait pris une mesure similaire qui avait été aussitôt censurée par le Conseil d’État. La haute juridiction administrative avait en effet considéré que la mesure était disproportionnée au regard des atteintes qu’elle portait aux libertés individuelles. Pourtant, cette disposition est déjà appliquée par un certain nombre de maires, notamment ceux de Cagnes-sur-Mer, dans les Alpes-Maritimes, ou bien encore de Compiègne, dans l’Oise, sans que la Justice ne trouve à redire.
Mais au-delà de la mesure elle-même, laquelle a indéniablement pris, au cours de ces dernières années, un tour politique – la droite y étant globalement plus favorable que la gauche -, c’est bien de la façon dont il convient de lutter contre la délinquance des mineurs qu’il s’agit. Et d’une façon plus générale, de l’impuissance évidente des pouvoirs publics face à un phénomène qui ne cesse de se développer. De plus en plus jeunes, de plus en plus violents, désormais souvent armés et n’hésitant pas à sortir un couteau à la première occasion, l’actualité ne manque pas d’exemples attestant du fait que l’on est bien passé, dans notre pays, du fait divers au fait de société. Et ce sont les élus locaux, les maires en particulier, qui, dans de nombreuses villes, souvent moyennes, se trouvent confrontés à des déferlements de violence qu’ils ne voient pas toujours venir. Démunis face au phénomène. Disposant le plus souvent de peu de moyens humains et matériels. Juridiquement peu formés pour affronter les graves crises sécuritaires qu’ils affrontent parfois, il est donc tout à fait compréhensible que nos élus de terrain soient tentés de se tourner vers des mesures qu’on leur présente comme l’alpha et l’oméga de la sécurité urbaine.
Il faut cependant bien comprendre que le couvre-feu instauré par un maire ne peut à lui seul suffire à résoudre les problèmes de sécurité dans une ville quelle qu’elle soit. Bien plus : mal utilisée ou mal encadrée, la mesure peut vite s’avérer contre-productive. Première difficulté à relever, le cadre juridique. Si le maire peut en effet intervenir au titre de ses pouvoirs de police, cette mesure doit rester, au risque d’être censurée, proportionnelle aux faits qu’elle prétend combattre. L’arrêté municipal ne peut donc porter une atteinte disproportionnée à la liberté de circulation. Il doit, par ailleurs, être limité dans le temps et dans l’espace. Seconde difficulté, et non des moindres : qui sera chargé de l’application de cet arrêté ? Si la police et la gendarmerie sont tenus d’intervenir, il appartient souvent aux policiers municipaux, lorsqu’ils existent, de veiller à l’application des dispositions prises par le maire. Or, les pouvoirs de ces agents sont des plus limités. Ne disposant pas de la possibilité d’effectuer un contrôle d’identité, les policiers municipaux ne sont pas non plus listés par la loi parmi les potentiels agents verbalisateurs. Enfin, relevant du simple domaine contraventionnel, la répression, au regard des risques encourus et des moyens déployés, est très nettement insuffisante.
Tous les professionnels de la sécurité en conviennent, le couvre-feu ne doit donc se concevoir que dans le cadre d’une politique locale de sécurité globale, cohérente et partagée. Simple moyen de contrôle de l’espace public, la solution sécuritaire qu’il entend apporter ne peut être que ponctuelle et limitée. Utilisé sans discernement, le procédé ne pourra qu’aggraver une situation qu’en réalité, plus personne ne contrôle vraiment.
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