Un magazine allemand indépendant, Multipolar, a obtenu par la justice des documents classés secret défense retraçant les échanges entre l’Institut Robert-Koch (RKI) et le gouvernement allemand durant la première année de la crise sanitaire.
Malgré plusieurs pages noircies, ces documents révèlent l’absence de fondement scientifique dans les décisions prises par le gouvernement et de possibles pressions sur le RKI.
Un scandale passé sous silence en France
Avec le Covid, quand y en a plus, y en a encore. Alors que les Jeux olympiques de Paris sont le nouveau prétexte pour relancer la campagne de vaccination anti-Covid auprès des personnes dites les plus fragiles, en raison d’un soi-disant brassage de populations qui pourrait faire circuler le virus jusque dans les Ehpad (!), voici qu’on nous parle « en même temps » d’un nouveau variant baptisé XDK. Ce dernier-né de la famille Omicron n’a pourtant rien de préoccupant, nous dit-on. Alors pourquoi en parler ?
Pendant ce temps, pas un mot sur le « corona scandale » qui secoue l’Allemagne depuis environ un mois. En effet, le 18 mars dernier, un magazine allemand indépendant, Multipolar, a révélé les contenus des procès-verbaux des réunions qui ont eu lieu entre la cellule de crise de l’Institut Robert-Koch (RKI) et le gouvernement fédéral allemand, sur la période allant de janvier 2020 à fin avril 2021. Relayée par la presse grand public (notamment le magazine Bild, Die Welt ou le Berliner Zeitung), l’affaire fait grand bruit outre-Rhin, à tel point que plusieurs responsables politiques réclament une commission d’enquête à ce sujet.
Un millier de pages en partie caviardées
L’Institut Robert-Koch est l’établissement de référence en Allemagne concernant la santé publique, la prévention, le contrôle des maladies et la lutte contre les épidémies. Autant dire qu’il a eu son importance au moment de la crise du Covid en Allemagne.
Multipolar a engagé une action en justice en 2021 pour obtenir les documents du RKI en vertu de la loi sur la liberté de l’information. Après une longue bataille judiciaire, le RKI a enfin transmis en avril 2023 ses protocoles internes, documents jusque-là classés secret défense. Plus d’un millier de pages ont été fournies, mais avec un grand nombre de passages noircis.
Multipolar poursuit donc toujours son action en justice pour obtenir le contenu des passages occultés. Une audience aura lieu à ce sujet le 6 mai prochain au tribunal administratif de Berlin. Elle pourrait aussi aboutir à la déclassification de pages supplémentaires.
Le Covid pas plus sévère que la grippe, pour le RKI
Ce que révèlent néanmoins les documents remis est qu’un acteur, sans doute extérieur, mais anonymisé (son nom est noirci), est intervenu le 17 mars 2020 dans les échanges entre la cellule de crise du RKI et le gouvernement allemand, pour faire évoluer la classification du risque épidémique en Allemagne de « modéré » à « élevé », sans justification scientifique.
Au mois de février 2020, le RKI se bornait toujours à évaluer le risque épidémique pour la population allemande à un niveau « faible », en contradiction avec les propos alarmistes du ministre de la Santé de l’époque, Jens Spahn. Mais le 25 février 2020, relate Multipolar, l’OMS a exhorté les gouvernements du monde entier à se préparer à l’épidémie de coronavirus. Suite à quoi le RKI a modifié son évaluation pour la faire passer au niveau « faible à modéré », tout en restant peu inquiet : « Mon estimation serait que cela évolue en sévérité comme une épidémie de grippe forte à très forte », déclarait le vice-président du RKI, Lars Schaade, le 28 février à la presse.
Un article catastrophiste de Bill Gates
Pas d’affolement donc du côté de l’institut allemand. Mais le même jour, Bill Gates publiait simultanément sur son blog et sur le site du très réputé New England Journal of Medicine un article catastrophiste intitulé « Comment répondre au Covid-19 ». Le milliardaire américain y incitait les gouvernements à injecter massivement des fonds publics dans le développement urgent de vaccins, après avoir dressé un tableau sombre de la maladie : « L’agent pathogène redouté que l’on ne rencontre qu’une fois par siècle », qui peut aussi « tuer des adultes en bonne santé », avec un « taux de mortalité plusieurs fois supérieur à celui de la grippe saisonnière » et un « taux de transmission exponentiel », même par des personnes « ne présentant pas encore de symptômes »…
Une évaluation du risque épidémique qui augmente sans raison
Trois jours plus tard, le 2 mars 2020, l’évaluation publiée par le RKI est soudain passée à « risque épidémique modéré » mais, souligne Multipolar, les documents remis par l’institut sont presque entièrement noircis à cette date. Quels arguments ont-ils abouti à cette évolution ? Impossible de le savoir. Dans le même temps, le gouvernement allemand a renforcé sa campagne de communication sur l’épidémie.
Pourtant, aux dates des 3 et 6 mars 2020, il est noté dans les protocoles du RKI que les 80, puis 213 échantillons testés dans le cadre de la veille épidémiologique du réseau Sentinelles allemand ont tous été négatifs. Et le 12 mars, pas de nouveaux cas.
Coup de pression de l’OMS et tout s’accélère
Ces données plates n’ont pas empêché le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, d’annoncer le 13 mars que l’Europe était devenue « l’épicentre de la pandémie ». Le lendemain, tous les lieux publics ont été fermés à Berlin et les rassemblements de plus de 50 personnes interdits. D’autres mesures sociales ont été appliquées dans la plupart des Länder.
Puis, le 17 mars, sur intervention de la mystérieuse personnalité citée plus haut, le niveau de risque évalué par le RKI est passé directement de « modéré » à « élevé », dernière étape avant les mesures de semi-confinement instaurées le 22 mars en Allemagne.
Le RKI était défavorable à la plupart des mesures et aux vaccins
Cette étrange chronologie n’est pas la seule bizarrerie révélée par les documents déclassifiés de l’Institut Robert-Koch. Dans son article du 26 mars 2024, Multipolar rapporte ce que d’autres journaux ont trouvé en épluchant les protocoles. Le confinement, la fermeture des écoles, le port du masque FFP2 en population générale : toutes ces mesures ont d’abord été jugées inutiles, inefficaces, voire nocives par le RKI. De même, début 2021, de sérieux doutes ont été émis par les experts de l’institut sur l’efficacité et la sécurité des vaccins.
Selon le vice-président du Bundestag, Wolfgang Kubicki, membre du Parti libéral-démocrate allemand (FDP), « il devient de plus en plus clair que le RKI n’a servi que “de façade scientifique” à la politique du ministre de la Santé ». Ce que dément, bien sûr, l’actuel ministre de la Santé allemand, Karl Lauterbach, successeur de Jens Spahn, qui dit vouloir lui aussi plus de transparence sur les documents publiés, afin de stopper les « théories du complot ».
Article par Alexandra Joutel
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