Gabrielle Cluzel a justement épinglé l'un des péchés originels de ce remaniement : l'évacuation du critère de compétence.
C'est particulièrement le cas pour le nouveau ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Et c'est tellement évident que l'intéressé lui-même l'a avoué maladroitement lors de la passation de pouvoirs : « Je ne suis pas diplomate de métier mais, ayant grandi à l’étranger, je sais ce que veut dire la France dans le monde et je sais tout le pouvoir de la diplomatie et de la négociation. » À ce compte-là, nous sommes nombreux à pouvoir occuper nombre de fonctions éminentes.
Et cette autojustification fondée sur un segment de sa vie personnelle (à proscrire absolument pour le moindre entretien professionnel) est en fait un marqueur de cette génération Macron. Ainsi la vie privée version Gala est-elle consciencieusement étalée quand cela les arrange et suscite des condamnations effarouchées lorsque des adversaires politiques osent poser des questions. Ainsi de l'homosexualité de certains ministres. Dans le cas de Stéphane Séjourné, qui fut pacsé avec Gabriel Attal, la question d'une éventuelle « promotion canapé » (pour parler comme Juan Branco au sujet de l'ascension de Gabriel Attal lui-même) pouvait se poser. Là encore, tellement évident que le propre entourage de Séjourné a dû clarifier : « M. Séjourné et M. Attal ne sont plus ensemble depuis deux ans. Leur PACS a été rompu à ce moment-là », a-t-il répondu au Figaro. Et en fait, le recours à l'argument de minorité (LGBT) doit être posé, puisque M. Séjourné ne dispose ni d'une expérience internationale et diplomatique, ni d'une carrière d'élu local ou de parlementaire national. Et d'ailleurs, cette légitimité LGBT est implicite, notamment quand Catherine Colonna, toujours lors de la passation de pouvoirs, s'inquiète de l'absence de femmes à des postes régaliens. Elle est remplacée par un membre d'une minorité LGBT, donc l'honneur woke est sauf. Et tant pis pour vous, mesdames. Il faut savoir partager l'honneur d'être une minorité.
Il est d'ailleurs révélateur que, sur ce sujet, la presse française fasse preuve d'une grande pudeur alors que certains journaux allemands sont plus cash. Ainsi de Bild, qui titre : « Mini-Macron fait de son ex le ministre des Affaires étrangères. » Intéressant de voir comment tout cela est perçu outre-Rhin.
Presse allemande : "Mini-Macron fait de son ex le ministre des Affaires étrangères" https://t.co/j1bwkK6VVT #Bild #Attal #Séjourné #remaniement #scandale
— Olivier Demeulenaere (@DemeulenaereO) January 12, 2024
Mais si cette nomination est consternante, c'est que ce manque de compétence et de légitimité, cette inexpérience ajoutent à l'abaissement de la France. Le Quai d'Orsay, ce n'est quand même pas rien. Chateaubriand, Briand, Villepin, pour faire vite et œcuménique. Et même en tapant en seconde division, on a toujours trouvé à ce poste des figures de diplomates, le plus souvent énarques, qui ont tenté de maintenir le rayonnement de la France en Europe et dans le monde. Emmanuel de Villiers comparait, sur X, Stéphane Séjourné à Jean François-Poncet, ministre de Giscard. Ambassadeur, fils d'ambassadeur, parfait connaisseur de l'Allemagne, il fut le promoteur d'une ligne européiste. Précisément celle de Macron et Séjourné. Mais justement, la baisse de niveau est spectaculaire : un petit apparatchik de l'UNEF pour la défendre ? Le centre macroniste pro-européen est décidément bien à plaindre.
De Giscard à Macron, on est passé au Quai d’Orsay de Jean-François Poncet à Stéphane Séjourné. Tout est dit en termes d’efficacité diplomatique au service du rayonnement de la France et de la protection des Français. pic.twitter.com/xds7MbwUeh
— Emmanuel de Villiers (@E2Villiers) January 11, 2024
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