Peut-être vous êtes-vous demandé, comme moi, quelle mouche avait brutalement piqué Emmanuel Macron le 12 juillet lorsqu’il a annoncé la mise en place d’un passe sanitaire restreint dès le mois d’août. Il est encore trop tôt pour avoir toutes les réponses aux questions qui peuvent se poser, notamment sur le poids exact de l’industrie pharmaceutique dans les décisions politiques (on pense ici aux disparitions étonnantes de certains chefs d’Etat hostiles à la vaccination, qui laissent à penser que des méthodes de persuasion parfois assez violentes sont utilisées dans le milieu… l’Histoire éclaircira ces affaires).
Les langues commencent toutefois à se délier dans les milieux industriels, et ce qu’on apprend ne manque pas d’intérêt.
Thalès au coeur du passe sanitaireC’est en allant sur le blog de l’entreprise Thalès (en anglais) qu’on comprend dans quelle cohérence d’ensemble s’inscrit cette première étape du capitalisme de surveillance qui s’appelle le passe sanitaire. Thalès entend en effet proposer une solution globale d’identité numérique et nous expose avec une forme de naïveté comment ce projet va se décliner.
Thalès écrit donc :
So-called digital ‘vaccination passports’ will play a key role in enabling citizens to access all manner of services and will act as a precursor to the rollout of mobile digital IDs.
(Les passeports vaccinaux joueront un rôle-clé dans la capacité des citoyens à accéder à toutes sortes de services et agiront comme des précurseurs au passage vers l’identité numérique sur téléphone portable).
Le passe sanitaire est donc un “précurseur” ! L’anticipation d’un système généralisé où l’identité ne sera plus établie par un document officiel “autonome” comme une carte d’identité, mais bien par un “portefeuille” numérique conservé sur un cloud et une application dont l’archivage échappera à l’utilisateur.
Autrement dit, il s’agit de nous habituer à changer de mode d’établissement de notre identité.
Un portefeuille digital pour accéder aux services publics
Sur le fond, Thalès ne cache pas l’ambition “centrale” du passe sanitaire, qui est de devenir une plate-forme d’accès aux différents services publics disponibles sur Internet. Pour ce faire, le passe-sanitaire repose sur un “wallet”, un portefeuille numérique, pour lequel la Commission Européenne a d’ores et déjà posé les bases.
In both cases, the deployment of a digital wallet – primarily for digital driving licenses – will act as a gateway and the foundations for other vital government services, such as health passes.
(Dans tous les cas, le déploiement du portefeuille digital – initialement pour le permis de conduire – fonctionnera comme une plateforme d’accès et des piliers pour d’autres services publics vitaux, comme les passes sanitaires”.
On comprend donc que le passe sanitaire est la face émergée d’un iceberg technique qui se constitue progressivement, et qui va bouleverser la notion d’identité “administrative”. Désormais, les citoyens seront directement gérés par un Big Data qui permettra de leur donner accès à certains lieux ou à certains services par le contrôle de l’intelligence numérique.
Quand le portefeuille digital remplacera le passeportDans la palette de services que “l’ID numérique” devra rendre, on trouve en particulier le remplacement en bonne et due forme du bon vieux passeport actuel. Celui-ci sera bientôt rangé aux oubliettes de la préhistoire et remplacé par une application sur un téléphone, où toutes les données individuelles seront centralisées.
Last butcertainlynot least, the EU Digital Identity will allow citizens to use their documentation across the entire region.
(Enfin et pas des moindres, l’identité digitale européenne permettra aux citoyens d’utiliser leurs documents à travers tout le continent).
On se souvient que l’Europe s’était fondée sur l’aspiration à un continent sans frontière et sans contrôles d’identité. Subrepticement, on est passé à une Europe avec des contrôles universels poussés à un point inconnu jusqu’ici. C’est sans doute le progrès des Lumières qui veut ça.
Portefeuille digital et euro numériqueMais c’est une autre fonctionnalité du “wallet” qui doit retenir l’attention, car elle rejoint le projet d’euro numérique que nous avons évoqué cette semaine. Il s’agit de l’utilisation du portefeuille digital comme moyen de paiement.
It gets really exciting when you realise that the wallet can host both digitalised identity and payment credentials. This could allow people, for example, to pay a deposit on a new apartment or settle an outstanding speeding fine directly from their smartphone.
(Cela devient exaltant de penser que le portefeuille digital peut héberger à la fois une identité numérique et des moyens de paiement. Ceci permettrait aux gens, par exemple, de payer une caution pour un nouvel appartement ou de régler une amende pour excès de vitesse directement depuis un smartphone).
On y vient, donc : le passe sanitaire devrait déboucher sur une ramification future, le paiement en ligne, par exemple des impôts ou des amendes. Ou du loyer. Ou des traites sur en emprunt bancaire…
Bref, si l’on se souvient que l’euro numérique serait à la main complète de la Banque Centrale Européenne, l’espace de liberté qui restera au consommateur pour arbitrer ses dépenses va devenir de plus en plus contraint. Du propre aveu de Thalès, en effet, l’Etat saura tout de vous, y compris de votre situation financière ou bancaire.
La porte ouverte au crédit socialOn va bien dans quel état de dépendance ce système entreprend, sans que ce projet ne soit publiquement explicité auprès des citoyens, de placer les individus. Se met en place une architecture qui rendra possible le “crédit social” à la chinoise : le wallet contiendra des marqueurs indiquant qui n’a pas payé ses impôts, ou ses dettes, qui a roulé trop vite, qui a tardivement réglé sa pension alimentaire. Et si le marquer apparaît, l’individu sera interdit d’accès à certains services, ou à certains achats.
Peu à peu, il sera marginalisé, sans possibilité de s’y opposer.
C’est bien à cela que sert le passe sanitaire. Il n’est pas une fin en soi. Il est un début, un précédent, une mise en bouche. Vous savez désormais dans l’attente de quoi il sera maintenu après le 15 novembre.
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