Un évènement considérable a secoué le paysage politique français la semaine dernière : la démission du général Lecointre, chef d’état-major des armées, argumentée en termes peu aimables à l’égard du faisant fonction de président de la République :
« Je ne suis pas au service de Macron, mais du président de la République. […] Vous ne connaissez rien aux armées, parce que vous ne connaissez pas le cœur des armées. Le président pas plus que n’importe qui de sa génération n’a expérimenté ce qu’est les longues marches, les nuits d’ennui, la difficulté, la douleur. »
Pour qui connaît les codes du langage diplomatique militaire, le camouflet est cinglant. Mais ces divergences ne sont pas nouvelles. On se souvient qu’en juillet 2017, dès le début du quinquennat, le général de Villiers, prédécesseur du général Lecointre, avait lui aussi brutalement démissionné, marquant publiquement ses désaccords avec l’autorité politique.
On se rappellera aussi la tribune des militaires, pour la plupart à la retraite, publiée dans Valeurs actuelles le 21 avril dernier, appelant l’autorité politique à mettre fin au « délitement » de la France, sauf à s’en charger eux-mêmes avec leurs camarades d’active. Mais on notera la différence entre un général Lecointre s’en prenant frontalement à son autorité politique directe et un quarteron de militaires reprenant une réthorique d’extrême-droite pour demander à la même autorité d’agir contre le délitement de la société civile.
L’intervention de l’armée est inéluctable (mais de quel côté ?)
Pressentant l’issue, j’avais en juillet 2019 écrit une lettre ouverte à la hiérarchie militaire, l’enjoignant de prendre ses responsabilités face à l’effondrement du pays (en me plaçant bien sûr du côté des Gilets jaunes). Non pas que je sache ou anticipe quelles sortes de responsabilités la « Grande muette » allait choisir : rupture avec l’autorité politique défaillante (comme le laisse pressentir l’intervention du général Lecointre) ? où fuite en avant meurtrière contre « l’antiracisme, le racialisme, l’indigénisme, les théories décoloniales, l’islamisme et les hordes de banlieue » (comme le préconisent le quarteron de militaires énervés) ? Mais parce qu’il est de plus en plus inéluctable que l’armée va être contrainte d’intervenir face au chaos politique ambiant.
Nous sommes dans une période pré-révolutionnaire. Non pas vraiment du fait de révolutionnaires (on n’en voit encore peu), mais du fait de l’effondrement systémique caractérisé de notre pays. Or, ainsi que je l’écrivais dans un autre billet de juillet 2019 :
« AUCUNE révolution, AUCUN coup d’État n’est possible sans l’accord au moins tacite d’une partie des forces armées du pays. »
Sinon, eh bien, c’est la Commune de Paris de 1871, le souvenir glorieux d’une défaite sanglante pour commémorations éplorées. Sans plus. J’en conviens, l’avenir que je dessine est très incertain, périlleux (ne croyez surtout pas que je m’en satisfasse). Mais il en est ainsi et nous ne pourrons influer sur le cours des choses qu’en ayant pleinement conscience de leur réalité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.