Lundi 12 octobre – Saint Wilfried
Emmanuel nous parlera bientôt.
Oui, il sera parmi nous, nous fera l’aumône de sa voix traînante et suave, de son regard d’éphèbe qui joue au patriarche.
Les nouvelles ne seront pas bonnes, mettons-y notre main à couper. Prenons, chers lecteurs, les paris des annonces qui seront faites entre deux tartines verbeuses, poussivement lyriques. À L’Incotidien, le vent nous porte aux oreilles de terribles rumeurs, celles du mot maudit, du tabou de la République, le reconfinement. Pas du reconfinement généralisé, malheureux ! il ne faudrait pas non plus désespérer Billancourt, mais d’un petit reconfinement local, tout en souplesse. Bon, vous me direz, si on reconfine localement l’Île-de-France, on reconfine tout de même un sixième de la population. N’en déplaise à cet enfoiré de Pellan (on t’aime Maël), on ne parle pas des Côtes-d’Armor et de leurs 27 habitants.
Nous ne vous referons pas le refrain. Oui, le bruit des gros sabots du sanitarisme nous sont insupportables, nous conchions les abrutis qui donnent du remède de cheval là où il faudrait des doigts de fée. Étonnons-nous surtout, aujourd’hui, du sérieux avec lequel notre cher gouvernement applique le principe de précaution. Ou plutôt, ne nous étonnons pas mais approuvons, et suivons au pied de la lettre. Soyons prudents ! Soyons prudents partout. Ainsi, quand une quarantaine de « jeunes » gens de Champigny-sur-Marne attaquent le commissariat à coup de barres de fer et de mortiers d’artifice, décrétons le couvre-feu, mieux, l’état de siège. Alors ? Flûtaille, Matignon ne répond plus. Face à la surreprésentation des islamistes parmi les terroristes, interdisons le culte musulman. Face à la surreprésentation des individus d’origine maghrébine et subsaharienne dans les statistiques de la criminalité et dans la population carcérale, gardons-nous de tout risque et remigrons. Face à l’hégémonie continentale de l’Allemagne, reformons la Grande Armée et bottons préventivement le cul de nos amis fridolins.
Mais ne nous arrêtons pas là. Ça serait trop facile, surtout pour vous, bande de crypto-fascistes impénitents. Face à la surreprésentation des hommes dans les crimes sexuels, interdisons les hommes. Face à la surreprésentation des femmes dans le visionnage de Quatre mariage pour une lune de miel, interdisons les femmes, ou voilons-les, selon les coutumes de chacun.
Plus sérieusement, comment expliquer cette frénésie sélective de précautions ? Pourquoi protéger les Français contre certaines menaces et pas d’autres ? Vous allez me dire « Oui, mais ça n’a rien de comparable, et puis t’es pas gentil d’abord… » Mais non, j’insiste, puisque nous en sommes au manque de subtilité le plus total dans la gestion de la fameuse crise sanitaire, dans la gestion du risque donc, où nous arrêter ? En enfilant le costume du protecteur viril, du « régalien » pour parler comme un éditorialiste de BFM, l’« exécutif » (c’est le même éditorialiste qui parle) répond sûrement aux envies les plus profondes de protection du peuple français. Soyons lucides, la gestion de cette crise n’est pas rationnelle mais politique. Seulement, il existe d’autres menaces dont les Français veulent être gardés. Le surmoi de gauche de la majorité les occulte, mais fait ainsi perdre toute cohérence à son action. Macron joue au flic, mais il sera toujours moins crédible dans ce rôle que d’autres, qui font du discours sécuritaire leur marotte depuis 50 ans. Suivez mon regard.
Par Ange Appino
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