Par Benoist Fechner, publié le 03/07/2019
Les attaques répétées d'Alexandre Langlois, patron du syndicat Vigi, contre son ministre et la haute hiérarchie policière lui valent ce mercredi son exclusion temporaire.
Des "accusations impertinentes", des "articles indignes", des "critiques outrancières", des "remises en cause injurieuses" ou "offensantes" et des "sous-entendus infamants"...
Entre le patron du syndicat minoritaire Vigi Alexandre Langlois et le directeur général de la police nationale Eric Morvan (DGPN), la coupe est pleine depuis un bon moment.
Le second reproche au premier, depuis au moins le début de l'année 2018, des attaques répétées à l'égard de l'institution et de la haute hiérarchie policière, à grand renfort de tracts syndicaux et de déclarations fracassantes sur les plateaux télé.
Au point qu'Alexandre Langlois avait été convoqué en conseil de discipline le 20 février dernier pour répondre de ses méthodes de communication, jugée plus que cavalières place Beauvau.
La réunion s'était alors achevée sans qu'aucune proposition ne recueille la majorité des voix des participants.
Mais la sanction est tombée ce mercredi sous la plume de la directrice adjointe des ressources et des compétences de la police nationale pour le compte du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.
Le syndicaliste écope de douze mois d'exclusion temporaire, dont six mois avec sursis.
Un référé, en attendant une plainte au pénal ?
Contacté par L'Express, le principal intéressé qui exerce, à côté de ses mandats syndicaux, en tant que gardien de la paix affecté au Renseignement territorial des Yvelines dénonce "une décision illégale" et indique son intention d'exercer un référé dans l'espoir de faire annuler la sanction - effective mercredi 3 juillet à minuit - qui le priverait de tout solde durant la période.
Un plan de bataille confirmé à L'Express par son avocat Rémy Demaret pour qui, "sous couvert d'une action contre mon client, c'est bien son action syndicale qu'on vise ici", en contradiction avec la loi. "Ses collègues des syndicats policiers concurrents n'ont d'ailleurs pas dit autre chose devant le conseil de discipline", souligne la robe noire.
Toujours aussi combatif, Alexandre Langlois assure en outre se réserver le droit d'attaquer ultérieurement cette décision au pénal.
Au point d'avoir, selon le document que L'Express a pu consulter, "porté atteinte au crédit et au renom de l'institution".
Tout commence vraiment le 10 janvier 2018, tandis qu'Alexandre Langlois diffuse un tract intitulé "Magouilles sur les statistiques de la délinquance dans la police nationale".
En guise d'illustration, un photomontage représentant le DGPN et le patron de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône, accompagné de la mention "Criminels ?".
Langlois et son syndicat accusent alors les deux hommes de falsification sur fond de politique du chiffre et de distribution de primes dans la police nationale.
En parallèle et pour ne rien gâcher, le communiqué était accompagné d'un signalement en bonne et due forme sur la plateforme de l'inspection générale de la police nationale (IGPN).
Un mois plus tard, nouveau tract et nouvelle polémique.
En pleine vague de suicides dans les rangs policiers, Alexandre Langlois pointe du doigt la responsabilité du DGPN en personne.
"Provocation au suicide", "complicité de meurtre de fonctionnaires"...
Les mots sont particulièrement forts et ne passent pas du tout au sommet de la place Beauvau.
Un activisme de tous les instants
A l'automne 2018, Alexandre Langlois adresse encore une lettre au nouveau ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, qui vient de prendre la suite de Gérard Collomb.
Cette fois il attaque le management du directeur départemental de la sécurité publique du Haut-Rhin et dénonce les agissements supposés du médecin inspecteur régional.
Ce dernier a d'ailleurs été condamné le 18 juin dernier à un an de prison avec sursis ainsi qu'à une interdiction définitive d'exercer suite aux accusations d'agressions sexuelles au cours de leur examen d'aptitudes, portées par dix jeunes recrues de la police nationale.
Neuf mois plus tôt, le syndicaliste avait contribué à révéler l'affaire et, dans sa missive au ministre, il réclamait non sans impertinence que l'homme et ses supérieurs fassent l'objet d'une expertise psychiatrique afin de déterminer s'ils pouvaient être atteints de "perversité narcissique" ou s'ils agissaient "en conscience et de façon préméditée".
Pour ne rien arranger, dans un nouveau tract, Vigi représentait les mis en cause sous les traits de personnages de la célèbre série Game of Thrones, les affublant de sobriquets jugés infamants par la direction de la police ("le traître", "le seigneur des sangsues", "l'enfant-roi capricieux").
Bons états de service
En février dernier, devant son conseil de discipline, et selon les termes de la direction de la police nationale, Alexandre Langlois aurait aggravé son cas en confirmant "la nécessité d'user le cas échéant de propos 'désobligeants blessants et grossiers' pour servir ses intérêts syndicaux".
"En outrepassant délibérément et publiquement les limites de sa liberté d'expression syndicale (...) [Alexandre Langlois] a gravement manqué aux obligations statutaires et déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires de police", considère aujourd'hui l'institution.
A la décharge toutefois de celui dont l'activisme et l'opiniâtreté ont également contribué aux suites judiciaires de l'affaire Benalla - son syndicat Vigi s'est constitué partie civile dans ce dossier -, sa direction relève ses bons états de service et éventuellement ses "regrets".
"Monsieur Langlois s'est engagé à modifier la ligne éditoriale de son site syndical en supprimant les propos infamants y figurant", note ainsi le signataire de la décision.
Reste à voir si ce constat survivra au prochain communiqué du trublion Langlois en cours de rédaction au moment où nous bouclons ces lignes.
Celui-ci porte sur le recours en référé qu'est bien décidé à exercer le policier.
Attention danger.
lexpress
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