À la mi-janvier, un médecin, le docteur Laurent Thines, neurochirurgien au CHRU de Besançon, ému par la gravité des blessures provoquées par l’utilisation des lanceurs de balle de défense lors des manifestations, a lancé une pétition pour demander un moratoire dans l’utilisation de ces LBD et des grenades de désencerclement.
Cette pétition a, semble-t-il, rapidement recueilli un grand nombre de signatures.
La plupart des blessés graves l’ont été au visage, ce qui est étonnant sachant que, théoriquement, les policiers ne doivent pas viser la tête.
Il peut, bien sûr, s’agir d’accidents dus à des tirs mal contrôlés.
Les blessures au visage sont non seulement graves, mais aussi spectaculaires, et marquent davantage l’opinion publique que des blessures au thorax ou des ecchymoses sur les jambes.
L’impact dissuasif est beaucoup plus important.
Est-ce l’effet recherché ?
Les enquêtes nous le diront peut-être un jour.
A-t-on relevé autant de blessures chez les émeutiers de banlieue, par exemple en 2005 ou, plus récemment, au début de l’année 2017 après l’affaire Théo ?
Il semblerait que non.
Et si le caillassage de policiers et de pompiers fait désormais partie des faits divers, on a encore à l’esprit les images d’un chef de l’État se précipitant au chevet d’un jeune homme qui n’était pourtant pas un enfant de chœur.
Y aurait-il deux poids deux mesures ?
Comme si on acceptait que des truands puissent faire la loi dans certains quartiers en toute illégalité et que des citoyens français ne puissent manifester leur mécontentement en toute légalité !
Pourquoi utilise-t-on des blindés et des moyens de répression extrêmement violents dans les rues de Paris et pas dans les banlieues ?
Est-ce parce qu’on considérerait que le mouvement des gilets jaunes qui remet en cause la vision jacobine de l’État et l’abandon des décisions politiques au profit de celles imposées par la loi du marché est plus dangereux pour la nation que l’établissement de zones de non-droit dans la périphérie parisienne et de certaines grandes villes ?
Ces questions méritent d’être posées.
Si c’est effectivement le cas, et si les « gilets jaunes » représentent pour les institutions un danger tel qu’il faille à tout prix enrayer ce mouvement, alors j’ai bien peur, malheureusement, que ces lanceurs de balle de défense ne deviennent insuffisants et qu’il faille avoir, un jour, recours à de véritables « bastos », comme le suggéraient des policiers toulousains dans un enregistrement révélé par le syndicat de police VIGI et publié par France 3 Occitanie le 31 janvier.
Depuis le début, les autorités n’ont pas su prendre la mesure de ces manifestations.
Le gouvernement enfermé dans sa tour d’ivoire, comme pourrait l’être un monarque entouré de courtisans serviles, a sans doute pensé que la violence suffirait à décourager les « ploucs » qui manifestaient.
Après plusieurs semaines de trouble, on peut estimer que la répression violente est un échec et qu’il faut trouver des solutions durables à ces problèmes sociétaux, et pas seulement poser des rustines pour arrêter ce qui risquerait un jour de devenir de véritables émeutes.
Sinon, les balles en caoutchouc ne suffiront plus pour sauver le régime.
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