Le 09/05/2017
Lors de la manifestation du 1er mai à Paris, le gardien de la paix E., 40 ans, a été grièvement brûlé par un jet de cocktail molotov.
AFP Photo/Zakaria Abdelkafi
Philippe, 49 ans, est le commandant de la compagnie CRS à laquelle appartient le policier grièvement brûlé le 1er mai à Paris. Il raconte à L'Express la manifestation.
[EXCLUSIF] Des flammes qui enveloppent le policier au point de le transformer en torche humaine. Des collègues qui tentent de le sauver.
Et un photographe qui immortalise la scène en un cliché qui se propagera dans le monde entier, jusqu'à faire la Une du New York Times.
Une semaine après les heurts entre manifestants "ultras" et forces de l'ordre lors du défilé du 1er mai à Paris, l'image du CRS gravement brûlé au cocktail Molotov reste dans tous les esprits.
Le commandant de police Philippe n'a rien raté de la scène ce jour-là.
A 49 ans, il est le chef de la compagnie de CRS d'Orléans-Saran, à laquelle appartient le fonctionnaire blessé, et était aux côtés de ses hommes quand la manifestation a dégénéré.
Lundi, son unité a de nouveau été sollicitée à Paris pour la mobilisation "anti-Macron".
Comment votre unité a-t-elle été amenée à sécuriser le défilé du 1er mai à Paris?
Philippe, commandant des CRS d'Orléans: Avec mes 80 hommes, nous étions déployés en renfort sur la capitale depuis deux semaines déjà, notamment pour des missions Vigipirate.
Le jour de la manifestation, nous avons reçu l'ordre de nous positionner dans le 19e arrondissement. C'est de là que partent les premiers syndicats en direction de la place de la République.
A ce moment-là, il n'y a aucun incident.
A la demande d'un commissaire, nous prenons ensuite place sur une rue perpendiculaire au boulevard Beaumarchais, où doit passer le défilé.
A la radio, nous apprenons que devant le cortège traditionnel et familial défile une nébuleuse de 500 à 600 manifestants dont certains sont encagoulés, vêtus de noir et ont une attitude plutôt hostile. L'idée est donc de canaliser et d'isoler ce groupe, de le séparer du reste de la manifestation pacifique pour cheminer avec lui jusqu'au point d'arrivée, place de la Bastille.
Nous laissons passer ces individus devant nous puis nous nous infiltrons derrière eux, de sorte à ce qu'ils soient encadrés par des unités de CRS.
A l'avant comme à l'arrière.
C'est à ce moment-là que les choses dégénèrent?
Dans un premier temps, les individus continuent à avancer.
C'est lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils ont été scindés du reste de la manifestation par un cordon de policiers que tout bascule.
Ils s'arrêtent, se retournent et viennent se mettre face à nous.
Il y a un petit temps d'observation, très court.
Puis, les éléments les plus radicaux sortent des banderoles pour les utiliser comme des boucliers.
Ils se cachent le visage avec des masques à gaz, des foulards ou des lunettes de piscine, comme il est courant avec les groupuscules type Black Blocks.
Des slogans anti-flics sont proférés.
Nous comprenons qu'il va y avoir affrontement, qu'ils veulent en découdre.
Il y a ensuite une escalade de la violence.
Nous essuyons d'abord des jets de pierres, de pétards et de mortiers.
Puis c'est un déluge d'engins incendiaires.
Les casseurs ne restent pas statiques.
Ils nous chargent pour avancer.
Nous répliquons de notre côté avec des lacrymogènes et tentons de les repousser vers Bastille.
A quel moment E., votre homme, est-il visé par le cocktail Molotov?
Environ une à trois minutes après le début des heurts.
A ce moment-là, je suis à sa gauche, légèrement en retrait.
Il faut savoir que c'est tout son groupe, composé de cinq CRS, qui est touché par les flammes. E. est plus durement atteint car il est positionné à l'avant avec un bouclier.
Les CRS ont essuyé des jets d'engins incendiaires lors de la manifestation parisienne du 1er mai 2017.
afp.com/PHILIPPE LOPEZ
Dans un premier temps, les individus continuent à avancer.
C'est lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils ont été scindés du reste de la manifestation par un cordon de policiers que tout bascule.
Ils s'arrêtent, se retournent et viennent se mettre face à nous.
Il y a un petit temps d'observation, très court.
Puis, les éléments les plus radicaux sortent des banderoles pour les utiliser comme des boucliers.
Ils se cachent le visage avec des masques à gaz, des foulards ou des lunettes de piscine, comme il est courant avec les groupuscules type Black Blocks.
Des slogans anti-flics sont proférés.
Nous comprenons qu'il va y avoir affrontement, qu'ils veulent en découdre.
Il y a ensuite une escalade de la violence.
Nous essuyons d'abord des jets de pierres, de pétards et de mortiers.
Puis c'est un déluge d'engins incendiaires.
Les casseurs ne restent pas statiques.
Ils nous chargent pour avancer.
Nous répliquons de notre côté avec des lacrymogènes et tentons de les repousser vers Bastille.
A quel moment E., votre homme, est-il visé par le cocktail Molotov?
Environ une à trois minutes après le début des heurts.
A ce moment-là, je suis à sa gauche, légèrement en retrait.
Il faut savoir que c'est tout son groupe, composé de cinq CRS, qui est touché par les flammes. E. est plus durement atteint car il est positionné à l'avant avec un bouclier.
Les CRS ont essuyé des jets d'engins incendiaires lors de la manifestation parisienne du 1er mai 2017.
afp.com/PHILIPPE LOPEZ
La bouteille a tapé sur sa protection puis a explosé, de mémoire, au niveau de ses pieds.
Cela a fait un bruit de détonation.
Le liquide s'est ensuite répandu sur lui comme du carburant et l'a transformé en boule de feu instantanément.
Comment vos hommes réagissent-ils?
E. et le reste de son groupe réagissent vite et bien.
Pendant qu'il se couche au sol, ses collègues lui jettent une couverture anti-feu dessus pour éteindre les flammes.
Dans ce genre de cas, il ne faut surtout pas courir car l'air attise le feu.
La scène est furtive, contrairement à l'impression que donne la fameuse photo, comme si cela avait duré une éternité.
Et heureusement car cinq minutes de plus, avec un tel brasier et malgré nos protections, cela aurait pu lui être fatal!
Ces gens extrêmes ne cachent pas leur volonté de tuer du flic.
Deux minutes après, ils nous envoyaient un caddie enflammé dessus.
E. est ensuite évacué avec un second policier blessé dans un véhicule médical posté non loin.
Ils reçoivent les premiers soins puis sont transférés à l'hôpital Clamart.
Pendant ce temps-là, le reste du groupe continue sa progression.
L'un d'eux reprend le bouclier de E. alors qu'il a lui-même été atteint par les flammes.
Mes hommes ont fait preuve de sang-froid et de courage.
Comment vont E. et les autres policiers blessés aujourd'hui?
Plus personne n'est à l'hôpital.
E. a quitté Clamart après trois jours.
Il lui a été prescrit 45 jours d'ITT (interruption totale de travail).
Au niveau du visage, les flammes lui ont léché les joues jusqu'au niveau des lèvres.
Il souffre aussi de brûlures au cou et à la main droite, qu'il s'est faites en essayant d'éteindre les flammes.
Il est toujours en période de soins mais, a priori, il n'aura pas besoin de passer par la case greffes.
J'ai deux autres hommes en arrêt pour des blessures plus mineures, brûlures ou acouphènes liées à l'explosion de mortiers.
Au total, cinq policiers ont été blessés dans mes rangs.
Dans quel état d'esprit se trouve le policier brûlé?
Je l'ai eu au téléphone.
Il trouvait encore les mots pour plaisanter malgré son état.
Il me semble avoir le moral, comme toute l'équipe d'ailleurs.
C'est un gardien de la paix expérimenté.
Il a 40 ans, est père de deux enfants et a déjà eu à gérer des situations délicates au cours de sa carrière.
En revanche, il m'a dit qu'il a été blessé et choqué par ce qu'il a lu sur les réseaux sociaux.
D'abord par les rumeurs qui l'annonçaient mort, ensuite par le tweet d'une organisation syndicale connue [la CGT], qui l'a qualifié de "poulet grillé".
Comment peut-on se féliciter d'un tel acte de violence?
C'est bas et ça l'a scandalisé.
Mais je pense que ça reflète plus le sentiment d'une personne et non l'ensemble du syndicat.
A côté, nous avons reçu plusieurs messages de soutien.
Une dame nous a même déposé des fleurs.
Les relations entre les citoyens et la police ne sont pas aussi dégradées qu'on le dit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.