Sanction sans juge, effet concret immédiat : plus d’accès aux biens en UE, plus de transit.
mise à jour le 16/12/25
« Je suis sanctionné sans procès, sans accusation, sans jugement » – Xavier Moreau
Le Conseil de l’UE a ajouté Xavier Moreau à la liste “menaces hybrides” : gel des avoirs et interdiction d’entrer ou de transiter dans l’Union. Bruxelles lui reproche d’alimenter des récits pro-Kremlin via Stratpol et ses prises de parole.
Ce 15 décembre 2025, l’Union européenne a ajouté Xavier Moreau à sa liste de personnes sanctionnées pour diffusion de désinformation pro-Kremlin. Gel des avoirs en Europe, interdiction d’entrée sur le territoire : des mesures lourdes contre un ancien officier français installé à Moscou depuis plus de vingt ans. Pour beaucoup, cela ressemble à une punition pour des idées qui dérangent le narratif officiel sur l’Ukraine.
Ce qui est reproché exactement à Xavier Moreau
Bruxelles l’accuse de relayer la propagande russe via son site Stratpol et ses interventions. Il diffuse des analyses qui contredisent la version dominante : par exemple, que Kiev aurait provoqué le conflit pour accélérer son entrée dans l’OTAN, ou que les sabotages comme Nord Stream seraient l’œuvre d’acteurs occidentaux. L’UE le qualifie de « porte-parole pro-Kremlin » responsable d’actions qui menacent la sécurité européenne.
Ces sanctions s’inscrivent dans un paquet plus large contre les « activités hybrides » russes : manipulation d’information, ingérences. Douze individus visés, dont l’ancien colonel suisse Jacques Baud pour des raisons similaires. La France a poussé cette décision, Jean-Noël Barrot parlant de « relais de la propagande du Kremlin en Europe ».
Xavier Moreau, lui, ironise sur X : « Merci de reconnaître la qualité de mon travail ! Je suis le numéro UN ! ». Il conseille VPN et Telegram à ses followers pour contourner les restrictions.
Et il estime que les sanctions européennes contre des personnes physiques n’ont « aucun impact » sur l’évolution de l’opération militaire spéciale russe. Il a également ajouté « qu’il faut vraiment considérer l’Union européenne et l’Otan comme des acteurs irrationnels », car ces sanctions antirusses « ont eu exactement l’effet inverse » et « les gens se sont au contraire rangés derrière Vladimir Poutine, derrière la Russie, pour l’opération militaire spéciale ».
Une comparaison qui revient souvent : la loi Gayssot
Beaucoup y voient un parallèle avec la loi Gayssot de 1990 en France, qui pénalise la contestation des crimes contre l’humanité pour qui nie ou minimise la Shoah.
Ici, pas besoin de procès, juste une décision du Conseil de l’UE. Pourtant, le principe frappe : sanctionner quelqu’un pour ce qu’il dit, parce que ses paroles sont jugées fausses ou dangereuses par l’autorité. En 2025, on cible des discours sur un conflit en cours, sans jugement indépendant, juste sur qualification de « désinformation » par les institutions européennes.
À l'initiative de la France, l'Europe prend aujourd'hui des sanctions contre les relais de la propagande du Kremlin et les artisans des ingérences numériques étrangères. Zéro impunité pour les ingénieurs du chaos. pic.twitter.com/mrEz3IIB29
— Jean-Noël Barrot (@jnbarrot) December 15, 2025
Les sanctions contre Xavier Moreau portent sur des interprétations géopolitiques actuelles, où les versions divergent violemment.
Quand exprimer un point de vue pro-russe devient risqué en Europe
Depuis 2022, l’UE a banni RT et Sputnik, fermé des comptes, poussé les plateformes à déréférencer des contenus prorusses. Aujourd’hui, on passe aux individus, même citoyens européens. Vivre en Russie et analyser la guerre hors du cadre pro-UE/pro-Ukraine expose à des conséquences concrètes : plus d’accès à ses biens en Europe, plus de voyages.
C’est une porte ouverte à la censure : demain, quelles opinions seront jugées « déstabilisantes » ? En Europe, on frappe ceux qui épousent trop la ligne de Moscou. Et ceux qui partagent ces contenus sans distance critique risquent, indirectement, d’être vus comme complices.
Un précédent qui pourrait s’étendre
Ces mesures ne datent pas d’hier : l’UE a déjà un régime spécifique contre les « activités déstabilisatrices » russes depuis 2024. Mais cibler des analystes comme Moreau ou Baud, connus pour leurs livres et vidéos, marque un pas.
« Oui, j’ai été sanctionné pour « propagande russe ». Le fait que je n’utilise jamais de matériel russe pour mes livres, mais exclusivement des informations ukrainiennes et occidentales et que j’ai par conséquent refusé des invitations de médias russes, je reste quand même un « propagandiste russe » ! Comme je l’ai indiqué dans mes livres, mon travail ne porte pas sur qui est bon et qui est mauvais, mais sur la manière dont les médias reflètent mal les réalités sur le terrain. Je voulais montrer qu’on peut mieux comprendre le conflit même sans informations russes. L’idée est que la façon dont on comprend une crise définit la façon de la résoudre ! Je n’avais pas réalisé à quel point j’avais raison » – Jacques Baud
Aux États-Unis, on débat de lois contre la désinformation étrangère ; en Europe, on agit déjà.
Reste que punir des paroles, sans tribunal, pose question. Si l’objectif est de protéger la démocratie, commencer par limiter les voix dissidentes, même prorusses, peut finir par l’affaiblir. Xavier Moreau continue depuis Moscou ; ses idées, elles, circulent toujours via VPN. La sanction l’isole en Europe, mais renforce peut-être son audience ailleurs.
Cela fait fortement écho au livre de Rachida Achachi, « Comprendre la Russie : des origines à nos jours ». Il y montre que l’hostilité et le racisme de l’Occident à l’égard de la Russie ne date pas d’hier, mais s’inscrit dans une longue continuité historique. Et, une fois encore, ce qui se dit ici en apporte une illustration.

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