À l’heure où nous écrivons ces lignes, on peut imaginer François Bayrou seul, derrière sa table de travail.
La nuit commence à tomber et la lampe de bureau jette une lumière rassurante et intime sur les feuilles blanches… ou l’ordinateur du Premier ministre.
Le dimanche, même dans la lessiveuse de Matignon, tout est plus calme qu’en semaine. La valse des parapheurs à signer est moins frénétique, tout comme celle des conseillers dans les corridors du pouvoir. Ce moment vespéral est idéal pour se mettre sérieusement sur le discours. Le discours ? Celui qu’il prononcera, mardi 14 à 14 heures. Son discours de politique générale. Le quatrième depuis un an. L’Hémicycle connaîtra l’excitation et l’affluence des grands jours. De son pas lourd de Béarnais, il escaladera la tribune sous le regard plus ou moins attendri de Yaël Braun-Pivet. Ce sera l’épreuve de vérité. L’oral de l’agrégation, passé il y a une éternité, c’était de la gnognotte.
Il va falloir bosser le discours !
Là, ce sera aussi une sorte d’oral de rattrapage car, pour l’instant, on ne peut pas dire qu’il ait fait des étincelles. Un discours plus que laborieux et hésitant sur le perron de Matignon, le soir de la passation de pouvoirs avec Michel Barnier, l’affaire du conseil municipal de Pau en pleine crise de Mayotte avec des explications approximatives devant la représentation nationale, une visite à Mayotte pourrie par le comportement d’une Élisabeth Borne qui se poussait devant les caméras pour afficher sa mine rigolarde alors que le chef de gouvernement évoquait le nombre de victimes : tout cela, pour l’instant, n’a pas donné la meilleures impression qui soit. Et l’on sait que la première impression, ça compte. D’ailleurs, comme dans tous les concours, qu'ils soient de l’agrégation ou de circonstance, tout compte : le fond, la forme, tout ça. Donc, il va falloir le bosser ce discours. Pour le couplet sur la concorde nationale, Henri IV sera du meilleur effet, mais cela ne suffira sans doute pas.
D'autant qu'ils connaissent déjà. Il en faudra plus pour tenter de subjuguer la fosse aux lions qu’est l’hémicycle du palais Bourbon : ce n’est pas le conseil municipal de Pau.À ce sujet — Pour François Bayrou, le plus dur commence !
Curseur à gauche ou à droite ?
C’est pas l’agrégation d’histoire ou de littérature, ce coup-là, mais plutôt celle de mathématiques. Car en face de lui, ce mardi 14 à 14 heures, donc, il aura tout un tas de députés qui savent très bien compter et connaissent sur le bout des doigts le rapport de force. Lui aussi, d’ailleurs, en fils de paysan, sait compter. Et puisqu’on en est à compter, que va-t-il dire sur le budget ? La semaine dernière, Éric Lombard, flanqué d’Amélie de Montchalin, a reçu tout le monde… ou presque : les Insoumis ont refusé l’invitation et si Éric Coquerel s’est rendu à Bercy, c’est au titre de sa fonction de président de la commission des finances et non de député insoumis. Pour faire simple, si le curseur glisse sur la gauche avec plus de dépenses à la clef, les LR ne seront pas d’accord. Et inversement. Et la réforme de la réforme des retraites ? Quid ? Olivier Faure veut entendre le mot « suspension ». Au passage, qu’est-ce que ça veut dire, pour les premiers intéressés - en clair, les Français concernés ? On n’y comprend plus rien. Ou plutôt si, on a bien compris que les socialistes jouent leur survie. Sans parler du RN dans tout ça, qui est bien sagement posté en embuscade...
Bon, revenons à notre discours. L’intro, l’entrée sur la concorde, la réconciliation des Français, ça, c’est fait. Mais la suite ? Pour le plat principal, pas question de refiler des haricots filandreux à la vapeur. C’est une garbure béarnaise qu'il va falloir leur servir. Un truc consistant et qui tient la route. Du coup, pour ce dimanche soir, on va peut-être laisser mijoter à feu très doux le discours. Des coups de fil encore à passer. C’est, en tous les cas, les rumeurs qui bruissent, ce dimanche soir. Des discussions « jusqu’au dernier moment », dit-on, c’est-à-dire jusqu’à lundi soir. Objectif évident : éviter la censure et le retour à Pau en aller simple. On va encore se coucher tard, lundi soir, pour terminer le discours. À défaut du discours d'un roi, on attend celui d'un Premier ministre qui pensera d'abord à la France plutôt qu'à sa survie politique.
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