Les Français, qui ne sont pas complètement neuneus, ont bien compris que mettre un col roulé et demander aux fonctionnaires de ne pas rouler à plus de 110 km/h sur l’autoroute ne suffira pas pour relever le défi énergétique qui est devant nous.
Cela permettra peut-être de « passer l’hiver », comme disent désormais les Thénardier de la République, mais les corvées de bois et de charbon de la petite Cosette risquent d’être insuffisantes.
Les Français ont sans doute aussi compris que tout n’est peut-être pas la faute « à » Poutine. Désolé, mais, par exemple, le démantèlement de notre parc nucléaire, c’est pas lui. Alors, les Français sont sans doute disposés à se geler (un peu) les miches cet hiver et à se déguiser en Bruno Le Maire, à condition qu’on leur offre une perspective à moyen-long terme. C’est ce que pense l’économiste Christian Saint-Étienne, familier des plateaux télé depuis plusieurs décennies, économiste, universitaire, analyste politique, professeur titulaire de la chaire d'Économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers depuis 2009 et auteur de nombreux livres. Il débattait sur BFM Business, ce jeudi 7 octobre, sur ce fameux plan sobriété. Et il n’a pas mâché ses mots.
Prenant l’exemple de notre système de production hydroélectrique qui représente tout de même, si l’on en croit EDF, la deuxième source de production électrique et la première source à partir des énergies renouvelables, l'économiste pointe du doigt l’impéritie depuis deux décennies de nos gouvernants, complètement tétanisés face aux directives européennes. Ainsi, Saint-Étienne affirme qu’en investissant sur trois ans, on pourrait produire 25 % de plus d’hydroélectricité. Mais on ne le fait pas. Pourquoi ?
Réponse de l’économiste : « C’est hallucinant, on a envie de hurler, c’est parce qu’on a tellement merdé depuis vingt ans au niveau français par rapport aux directives européennes sur l’eau… et, notamment, on s’est laissé avoir sur une directive qui exigeait d’ouvrir les barrages [NDLA : à la concurrence]. Donc, la France se retrouve dans une situation, dans laquelle n’est pas l’Allemagne, de devoir privatiser (entre guillemets) les barrages d’EDF, et EDF ayant cette mesure sur la tête depuis plus de dix ans n’investit plus dans les barrages. Donc, on se retrouve dans une situation où personne ne prend de décision parce qu’on a peur si on bouge la directive sur l’eau… Il faut remettre du moyen-long terme… aller voir les autorités européennes… »Le journaliste Nicolas Doze lui rétorque alors que ce n’est pas facile, vous savez, de discuter avec Bruxelles, qu’il faut écouter Bruno Le Maire (encore et toujours lui) raconter les heures qu’il passe au téléphone avec Bruxelles. Le grand financier d’une des grandes puissances de ce monde réduit au rôle de client faisant une réclamation à son fournisseur d’électricité ou à son opérateur téléphonique ! Question : le secrétariat de von der Leyen lui passe-t-il Les Quatre Saisons de Vivaldi pour le faire patienter ? Et là, Saint-Étienne met les pieds dans le plat : « Il y a un moment, il faut se poser la question anglaise. » What is the question, sir? « Si on a un ensemble de contraintes insupportables au niveau européen, il faut dire aux technocrates européens qu’on ne continue plus de jouer le jeu… » Consternation, dirait Alain Souchon ! Le mot tabou - ou totem, c’est selon - qui commence par un « f » et finit par un « t » n’est pas prononcé et nous ne le prononcerons pas…
Histoire de bien se faire comprendre, car Saint-Étienne ne veut sans doute pas en arriver à ces extrémités (pas encore gelées, car l’automne est pour l’instant doux), évoque, comme le ferait un vulgaire populiste, ces milliers de hauts fonctionnaires payés à prix d’or à Bruxelles. « Il se trouve que ces gens-là ont aussi envie de garder leur fromage, donc il y a un moment, on leur dit "Peut-être que le fromage va s’arrêter si vous ne voulez pas bouger". » Pas évident qu’un Bruno Le Maire soit de taille pour un tel défi. Mais, surtout, pas évident qu'un Emmanuel Macron ait vraiment envie que ça bouge…
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