Comme le rappelait, ici même, Gabrielle Cluzel, ça ne mange pas de pain de taper sur le dos des Anglais. Le contentieux est ancien : Jeanne d’Arc, Trafalgar, Aboukir, Waterloo, Fachoda, Mers el-Kébir et toutes les roustes qu’ils nous ont fichues au rugby.
Donc, de quoi faire. Sur ce registre, Gérald Darmanin joue à domicile et sur du velours.
Du billard, comme on dit. Mouais… Pas certain que cela convainque grand monde, mais mettons. Cela dit, c’est comme tout : il y a le fait et la perception du fait.
Le fait : si l’on en croit le ministre de l’Intérieur (pour faire court), c’est la faute aux fraudeurs anglais. Maintenant, la perception du fait : le monde entier a vu les scènes de chaos autour du Stade de France. Le ministre de l’Intérieur aura beau agiter ses petits bras musclés au JT de 20 heures, il est vrai peu regardé au-delà de nos frontières, le mal est fait. En gros et en forçant (à peine) le trait, si on lit la presse étrangère, la France, c’est le chaos, et le chaos, c’est la France. Évidemment, la presse britannique se régale, si l’on peut dire ainsi. Un journaliste de la BBC raconte qu’il « n’a jamais vu ce genre de chaos lors d’un match ». Un autre (du Telegraph) témoigne : « J’étais devant la porte Y quand j’ai été pris dans les gaz lacrymogènes utilisés sans discernement par la police anti-émeute français au Stade de France. Je parlais à des supporters qui attendaient tranquillement, certains depuis trois heures, quand ils ont atteint mon visage… C’était absolument honteux. » Et tout à l’avenant.
Je sais, on va dire que c’est facile de dézinguer la France, qu’il faut arrêter de faire du French bashing, qu’il y a pire, ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire en suivant mon regard. However, cependant, comment ne pas être un peu saisi par le contraste entre ce que le monde entier retient ces jours-ci, d’une part de la France, d’autre part du Royaume-Uni, ce pays de voyous, de hooligans, d’outlaws et j’en passe et des meilleures. Car pendant que Gérald Darmanin se pointe à TF1 avec, dans une main, un faux billet d’entrée au stade et dans l’autre un vrai billet, en bon vendeur, représentant et placier, outre-Manche, on prépare tranquillement le jubilé de platine de la reine. Contraste saisissant !
Le peak moment aura sans doute lieu jeudi avec la traditionnelle cérémonie Trooping the colour, une parade militaire qui remonte à 1748 – excusez du peu - pour fêter l’anniversaire du souverain. Toujours à la même date (le 2 juin), même si le souverain est né le 21 avril, comme c’est le cas pour Élisabeth. Une façon, peut-être, de montrer que le corps mystique du roi - ou de la reine – est plus important que son corps physique. Cette manifestation ouvrira les quatre jours de fête qui se succéderont jusqu’à dimanche : vendredi, service religieux à Saint-Paul ; samedi, traditionnel (mais tout est traditionnel, chez nos amis britanniques !) derby d’Epsom et, en soirée, grand concert devant Buckingham Palace ; dimanche, grande parade de rue pour commémorer les moments forts du règne. Il y aura sans doute des centaines et des centaines de milliers de Britanniques dans les rues de Londres, durant ces quatre jours de fête. Combien, finalement, étaient-ils, dimanche, autour du Stade de France ? Pour mémoire, en 1953, au tout début du règne d’Élisabeth, on avait compté pas moins de 500.000 personnes au derby d’Epsom. Tous ne devaient pas être des gentlemen ou des ladies, mais l’histoire ne semble pas avoir retenu que cela avait été particulièrement la pagaille.
Tout cela, en tout cas, semble respirer l’ordre et la sérénité. Peut-être pas complètement, notamment pour le prince William qui devra ouvrir le défilé à cheval, ce qui ne s’improvise pas à la dernière minute ! En tout cas, c’est l’image générale qui en ressort lorsqu’on voit les reportages que nos chaînes françaises présentent chaque soir, depuis plusieurs jours, à l’occasion des répétitions. Fait et perception du fait... Il ne manquera sans doute rien pour que tout soit parfait : cuirasses des Horse Guards rutilantes, chevaux parfaitement brossés, carrosses en parfait état de marche, and so on. Ne manquera peut-être qu'un Darmanin à la sauce anglaise pour dire comment il faut faire pour que tout soit en ordre.
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