Réflexions sur l'actualité et la
politique Française.
Avec quelques exceptions sur le reste du monde.
Immigration, invasion, colonisation, islamisation, révolution.Covid
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jeudi 2 avril 2020
Un Français résidant au Vietnam : « La France, ce pays en voie d’enveloppement »
Devant
un centre de dépistage du Covid-19, à Hanoï, la capitale du Vietnam, le
31 mars 2019. A cette date, le pays a recensé 212 cas de coronavirus et
aucun mort. (MANAN VATSYAYANA / AFP)
Les pays occidentaux ont-ils manqué de modestie face à la pandémie ? Un Français résidant au Vietnam, pays aux premières loges de la crise sanitaire mais où l’on ne déplore à ce jour aucun décès, témoigne.
Michael
Sibony, 33 ans, consultant indépendant en investissement immobilier,
est en mission longue durée à Hanoï, la capitale du Vietnam :
« Vue
d’Extrême-Orient, la situation européenne face à la pandémie ferait
presque sourire si elle n’était pas si tragique. Les pays progressistes
imposent à leur population de se confiner et, en France, on enrobe cette
privation de libertés d’un champ lexical martial et guerrier
anachronique. C’est en observant de loin mon pays se débattre qu’un
constat s’impose.
Au Vietnam, pays “en voie de développement”, en guerre il y a cinquante ans, on ne compte à ce jour aucun mort [212 cas confirmés selon le décompte de l’université Johns-Hopkins, dont le suivi fait référence, NDLR]. Plus petit — sa surface équivaut à la moitié de celle de la France — et
plus peuplé avec 93 millions d’habitants — soit presque 40 % de plus
qu’en France —, le Vietnam gère d’une tout autre manière la
non-prolifération du virus, sans appeler à la guerre ni créer de
psychose dans les chaumières. Simplement, en confinant les personnes
contaminées, en les testant et en identifiant les personnes risquant de
l’être. Ces dernières sont isolées quatorze jours dans des hôtels d’Etat
ou des bases militaires. Pas les autres. Quelques milliers de confinés
au Vietnam, par rapport aux millions en France. Quant au reste de la
population, les personnes sont incitées à rester chez elles, mais sans
privation de libertés, sans ticket à imprimer pour sortir, comme si
elles étaient rationnées [un “confinement renforcé” est entré en vigueur ce mercredi 1er avril, pour quinze jours, afin de freiner la propagation du virus].
C’est
intégré : pour s’en sortir, il faut être collectif et responsable. La
population entière porte le masque. Alors qu’en France en porter est
considéré comme un acte presque malveillant ayant vocation à alimenter
les peurs, ne pas en porter au Vietnam est une imbécillité coupable.
Bien
sûr, l’Etat communiste et policier est présent. Avec leurs casquettes
soviétiques et leur mini pick-ups qui rappellent les petites voitures
Majorette des années 1980, ils quadrillent les quartiers en diffusant
des consignes préventives avec des haut-parleurs. Toute la population
reçoit un SMS quasi-quotidien contenant des indications ou des avis de
recherche de personnes à risque, là où, en France, on s’offusque de voir
le gouvernement envoyer un seul message de ce type. Ne nous
trompons-nous pas de combat ?
La gestion de la crise n’a pas
besoin d’être guerrière (d’ailleurs, par respect pour les rescapés des
guerres, la décence devrait nous empêcher d’utiliser ce mot), mais
simplement d’être organisée, d’être préparée. Au Vietnam, les dépistages
sont maîtrisés et utilisés en grand nombre. Ils sont même exportés,
alors qu’en France même les médecins ont du mal à en bénéficier.
En
tant que citoyen français, bien intégré et favorisé, je m’étonne d’être
à ce point remonté contre les dirigeants de mon pays. Pur produit du
système, je ne peux pourtant plus le supporter, ni le cautionner. Nous,
Français, qui nous targuons — avec sans doute un peu trop d’arrogance —
de gérer des projets complexes, qui vendons notre savoir-faire en
organisation pour construire des lignes de train et de métro (ô
coïncidence, à Hanoï par exemple), des laboratoires P4 — comme à Wuhan [ville du centre de la Chine et point de départ de l’épidémie]
— et des avions partout dans le monde, nous voilà incapables et réduits
au chaos de décisions hésitantes, aux choix de vie ou de mort des
patients, et d’un virus dont les modalités de transmission ne résistent
pourtant pas à la rigueur de gestes simples. Où est l’Etat protecteur ?Le
Vietnam, Etat presque insignifiant en matière de puissance économique,
avec des infrastructures supposées défaillantes, s’avère méticuleux,
organisé. Il endigue ce virus de manière humaine et appliquée, pas à
pas, puisque les cas sont encore comptés individuellement, et non pas en
enfermant ses millions d’habitants chez eux. Où est l’Etat
totalitaire ? Où est l’Etat protecteur ? Lequel est en faillite ?
Comme
les expats qui ramènent leurs denrées préférées lorsqu’ils reviennent
de leur pays d’origine, je me suis retrouvé, au moment de rentrer en
France, à remplir ma valise de plusieurs litres de gel hydroalcoolique
et de dizaines de masques, achetés dans une pharmacie quelconque de
Hanoï. La pharmacienne a eu l’air surprise de me voir embarquer son
stock. J’ai eu du mal à lui expliquer que nous savons fabriquer des TGV,
mais que produire du savon, c’est trop compliqué. Et que lorsque les
stocks manquent, au lieu d’avoir l’honnêteté intellectuelle d’assumer la
non-préparation, on préfère expliquer que les masques sont inutiles
voire dangereux.
Les
pays en voie de développement veulent entrer dans une société de
consommation, créer des infrastructures, un système de santé et
d’éducation performant. Ils veulent du progrès et en ont une définition,
aussi contestable soit-elle.
En France, quel est notre désir ? Où
est notre progrès ? Nos institutions meurent en silence, les citoyens
ne font plus confiance à l’Etat et aux services publics. Justice,
éducation, santé… Ce qui faisait le rayonnement de la France et
représentait un idéal à atteindre pour d’autres, se réduit comme peau de
chagrin. Là encore, ouvrir les yeux sur les pays dits “en
développement” que nous regardons de notre piédestal nous apprend une
chose fondamentale : un pays sans Etat est un pays mort. Que devient
l’Etat lorsque toutes ses émanations, toutes ses traductions les plus
concrètes, s’évanouissent ? Rien. Que devient un pays sans un Etat pour
le défendre ? Rien. Même le libéralisme théorique dans la version
keynésienne nous dit que ce sont des compétences fondamentales et le
socle de l’Etat.
Cette crise sanitaire majeure met en lumière non
pas la force d’un virus, mais la faiblesse et l’orgueil de notre pays
supposé développé. Elle met en lumière la destruction de ce qui faisait
notre beauté, notre idéal. Notre esbroufe aussi, puisque notre
incompétence ne trompe plus personne, si ce n’est nous et notre
gouvernement. Comme le serpent du “Livre de la jungle” qui
s’auto-hypnotise sans voir que ses interlocuteurs sont partis.Les beaux
trains et les beaux avions ne nous servent à rien si nous ne sommes pas
capables de protéger les plus fragiles d’entre nous. De pays développé,
nous nous sommes réveillés en pays enveloppé, avec un mal de crâne
carabiné. Enveloppé d’un tissu soyeux, confortable, mais qui limite ses
mouvements. Comme un linceul. Nous sortirons de cette crise, mais il
faudra en tirer les leçons, demander des comptes (les bons, cette fois,
pas ceux des comptables), et, surtout, se regarder dans le miroir au
lieu de regarder nos mirages. Et nous poser la bonne question : en tant
qu’individu et en tant qu’Etat, vers quoi voulons nous aller ? » Via citoyens-et-francais
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