Qui a tiré profit de la crise des gilets jaunes qui brûle depuis deux mois ?
C’est un peu la réponse à cette question que donne le sondage Odoxa-Dentsu Consulting publié hier par franceinfo concernant les élections européennes de mai 2019.
Deux grands gagnants progressent nettement : le Rassemblement national atteint 24 % et la liste de Nicolas Dupont-Aignan 7 %.
Ce sont aussi les partis qui, très tôt, ont soutenu le mouvement des gilets jaunes quand, autant chez les En Marche ! que chez les mélenchonistes, on regardait ces gilets avec mépris ou indifférence.
Tous les autres partis peuvent être rangés dans le camp des perdants.
Même si les socialistes (+2,5) et les écologistes (+1,5) progressent un peu, cela ne fait qu’ajouter à la dispersion de la gauche car la récupération tardive d’un Mélenchon ou d’un Ruffin n’a guère profité à La France insoumise, qui tombe à 11,5 %.
C’est une gauche puzzle et très basse.
Et c’est l’enseignement éclatant de cet automne 2018 : le mouvement social et populaire se fait désormais sans la gauche (partis et syndicats), voire contre elle…
Autre perdant : le parti du Président perd 2,5 % et tombe à 19 %.
Alors qu’il était donné premier en septembre.
Certes, il peut se prévaloir de cette seconde place qu’aucun rival ne lui conteste et se présenter comme la seule solution face au bloc populiste.
C’est, d’ailleurs, la stratégie que semble envisager Emmanuel Macron.
Mais l’onde de choc des gilets jaunes sur le Président, le gouvernement et la majorité n’est certainement pas arrivée à son terme : leur crédibilité, leur logiciel économique et social, leur communication sont à terre et ne se relèveront pas en quelques mois.
Le mal sera durable.
Et une nouvelle baisse n’est pas à exclure, tellement l’impopularité nourrit l’impopularité.
Certes, les commentateurs de franceinfo se délectent surtout du grand perdant de ce sondage, Laurent Wauquiez, dont la liste LR s’effondre à 11 %.
Rien d’étonnant : un peu comme Frank Dubosc, il a été gilet jaune à temps partiel, et puis cette France périphérique des ronds-points, des fins de mois difficiles et du rétablissement de l’ISF, ce n’est pas l’électorat LR.
À la décharge de Laurent Wauquiez, le reflux de son parti est inscrit dans son ADN malade, son absence de ligne, son mariage contre-nature de la droite et des centristes.
La révolution macronienne avait été l’heure de vérité pour un PS malade, c’est aujourd’hui le tour de LR. Tout contribue à cette marginalisation : les centristes et les libéraux ont rejoint Macron, et Nicolas Dupont-Aignan offre un asile cohérent à l’électorat de droite conservateur, gaulliste et identitaire.
Sa liste est en train de dépasser LR, comme on l’observe depuis plusieurs mois.
Il y a là une tendance de fond.
Pour résumer : la gauche est plus que jamais éclatée, le centre En marche ! est bien seul, avec ses 19 % et son impopularité à gérer, la droite est en pleine recomposition, capable de former, dès le premier tour des élections, un pôle de 30 %.
Si, toutefois, pour reprendre la formule de Patrick Buisson, elle surmonte sa fâcheuse tendance à « transformer l’or des sondages en plomb électoral ».
Pascal Célérier
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