Un sans-abri à Paris alors qu'une vague de froid frappe l'Europe, le 8 janvier 2017
"Pour ce soir, on n'a pas de places disponibles madame, rappelez demain".
Chaque jour des milliers de sans-abri tentent de joindre le 115 pour ne pas dormir dans le froid.
A Ivry, en banlieue parisienne, le standard du Samu social de Paris est constamment saturé.
Dans une vaste salle en open space, une dizaine d'opérateurs, casque sur les oreilles et yeux braqués sur leur écran, discutent en français, anglais, russe ou roumain.
A l'autre bout de la ligne, des familles en détresse, des hommes et des femmes parfois âgés, tentent d'obtenir un toit pour la nuit.
Sur un tableau actualisé en temps réel, un "100%" en chiffres rouges clignote: toutes les lignes téléphoniques sont saturées.
"Il est 18H30, il n'y a aucune place disponible pour les personnes qui vont nous appeler, on a déjà refusé l'hébergement à 87 personnes seules et à trois familles", se désole Emmanuelle Guyavarch, directrice du 115.
"On va avoir quelques places qui vont se libérer en début de soirée mais absolument pas assez pour répondre à l'ensemble des demandes qui vont nous arriver".
Chaque jour, le numéro d'urgence reçoit entre 4.000 et 5.000 appels et arrive à répondre à un peu plus d'un millier.
Mais le mois dernier, chaque nuit, 158 personnes en famille, 75 hommes seuls et 43 femmes seules, en moyenne, n'avaient pas eu de proposition d'hébergement.
Si la ministre du Logement Emmanuelle Cosse souligne que le gouvernement a fait grimper le nombre de places d'hébergement de 82.000 à 129.000 places, avec des ouvertures supplémentaires en cette période hivernale, pour les associations le compte n'y est pas.
Ce soir-là, "il y a des familles avec enfants qui vont passer la nuit dehors, et ça toutes les nuits", constate la directrice du 115.
- Découragement -
Pour les membres du Samu social qui prennent au téléphone "des mamans avec des bébés ou des personnes pour qui on ne trouve pas de solution depuis un mois, deux mois, et qui rappellent tous les jours, c'est très très difficile", confie Mme Guyavarch.
"Monsieur, on aimerait vraiment vous aider mais le manque de places fait qu'on ne peut pas...", explique l'un deux au téléphone.
Faute de mieux, "on conseille aux familles de s'abriter, d'aller dans les urgences des hôpitaux...", raconte Anna Lapachi, écoutante au 115.
"Des fois ils sont énervés, ce qu'on peut comprendre".
Entre les réponses négatives et les appels qui n'aboutissent pas, nombreux sont les sans domicile fixe qui se découragent.
Pour eux comme pour ceux qui ne connaissent pas le 115 ou redoutent d'être orientés vers des centres aux immenses dortoirs ou aux règles strictes, le Samu social a lancé début janvier une expérimentation: un accueil de nuit de 15 places, ouvert de 19H00 à 09H00 dans le XIIe arrondissement, à proximité du bois de Vincennes et de la gare de Lyon où se réfugient certains "grands exclus".
"On veut toucher des personnes qui ne composent plus le 115 ou ne le connaissent pas", indique Catherine Sellier, directrice du pôle hébergement et logement au Samu social de Paris.
Ici, sans avoir à téléphoner au préalable, on peut rester quelques nuits, et les règles sont souples: on peut consommer de l'alcool, venir avec son chien, sortir à tout moment et rester devant la télé toute la nuit si on ne souhaite pas se reposer.
"Avec le 115, on n'est jamais sûrs d'avoir de la place.
Ici, c'est rassurant, on sait où on va dormir le soir, on passe une meilleure journée", témoigne Hakim, qui s'y rend depuis quelques soirs.
Auparavant, il appelait plusieurs fois par jour le numéro d'urgence, parfois dès 06H00 du matin pour tenter d'augmenter ses chances.
Ce type d'expérimentation, toute récente à Paris, a déjà été menée à Lille et Toulouse.
Mais il en faudra sans doute beaucoup plus pour trouver des solutions à tous les oubliés de la rue.
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